Politique d’asile. La Belgique forteresse ( Contrastes Février 2014)
Non, toute la misère du monde n’est pas en Belgique !
« On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Cette phrase, prononcée il y a près de 20 ans ans par le socialiste français Michel Rocard et sortie volontairement de son contexte (1), est devenue tristement célèbre dans les pays occidentaux.
Utilisée par le monde politique pour qui la migration et l’asile sont un fléau, ce slogan a rallié autour de lui une très large frange de l’opinion publique qui, surtout en période de crise, craint, voire rejette toute forme de solidarité et de générosité avec ceux qu’elle soupçonne de voler une part de son gâteau.
Peut-on dire que l’Europe accueille la misère du monde ? Pas vraiment ! Les pays limitrophes des zones en guerre ou en mal développement accueillent la plupart de leurs voisins qui fuient la mort, la torture, la faim ou le dérèglement climatique. Ce sont ces pays (bien plus pauvres que la Belgique !) qui accueillent une bonne partie de la misère du monde, souvent au risque de leur propre stabilité.
Pourtant, refuser le principe de la migration et de l’exil est tout simplement illusoire. Selon François Gemenne, chercheur à l’ULg, « cela échappe complètement aux politiques qui souhaitent la maîtriser.
C’est une évolution structurelle liée à la marchandisation ». L’Europe et la Belgique ne semblent pas en être conscientes, elles qui construisent des forteresses législatives de plus en plus contraignantes et expéditives pour empêcher les demandeurs d’asile d’entrer ou de rester sur leur territoire.
« Je suis ferme, mais juste », assène sans cesse Maggie De Block au Parlement et dans les médias.
Ce dossier – et en particulier l’interview de Zoé Genot – montre à quel point sa fermeté peut être injuste et brutale. Ce qu’elle oublie généralement de dire, c’est que la Belgique accueille effectivement un nombre important de migrants, mais que ceux-ci sont majoritairement européens.
Et qu’en matière de demande d’asile, leur nombre est fortement en baisse dans notre pays alors qu’il augmente globalement en Europe.
En outre, peut-on vraiment être fiers que le nombre de demandeurs d’asile recule alors que le nombre de zones en guerre augmente dans ce monde ?
Le dossier fait le point sur les procédures d’asile et l’évolution du nombre de demandes, sur les multiples raisons de la migration.
Nous entr’ouvrons la porte des centres fermés et ouverts pour découvrir l’univers carcéral qui y règne à travers le parcours de Salif, originaire d’Afrique centrale. Nous le concluons par une note positive, celle des réseaux de solidarité qui se mettent en place pour les aider au quotidien et défendre leurs droits.
1. La phrase complète était : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde mais elle doit en prendre sa part ».
Sommaire
p 3 L’ASILE, UNE VOIE (SOUVENT) SANS ISSUE
Par Christine Steinbach
Toute la misère du monde s’est-elle réfugiée en Belgique ? Notre pays se situe dans le peloton de tête des Etats membres de l’Union européenne pour l’accueil de migrants. Mais ceux-ci sont surtout des ressortissants européens. En ce qui concerne l’accueil des demandeurs d’asile, c’est différent : leur nombre est en baisse alors qu’il augmente dans d’autres pays européens. Coup d’oeil sur la procédure d’asile et l’évolution des demandes.
p 7 LES VRAIES RAISONS DE LA MIGRATION
Par Xavier Dubois
A force d’envisager l’immigration sous un angle chiffré, on occulte les raisons expliquant les flux migratoires. L’absence de contextualisation n’est pas sans conséquence ; elle renforce même les préjugés à l’égard du migrant. Celui-ci possédant son parcours et ses propres raisons de quitter une terre au profit d’un sol inconnu, tentons d’apporter un regard neuf sur un phénomène hors de contrôle.
p 10 INTERVIEW : ZOÉ GENOT : DES DÉCISIONS D’UNE BRUTALITÉ PEU CONNUE !
Propos recueillis par Christine Steinbach et Jean-Michel Charlier
Au Parlement fédéral, quand on parle social ou politique d’accueil des étrangers, elle endosse avec témérité le maillot de l’empêcheuse de tourner en rond ! Zoé Genot, députée Ecolo, égratigne plus souvent qu’à son tour la politique défendue par Maggie De Block, la secrétaire d’Etat à l’asile et la migration.
p 14 CENTRES OUVERTS ET FERMÉS : ENTRE LES MURS
Par Xavier Dubois
Souvent méconnus du grand public qui en ignore le fonctionnement, voire l’existence même, les centres ouverts et plus encore les centres fermés occupent une place importante dans la politique d’asile menée en Belgique. Tour d’horizon de ces lieux dont l’existence de certains questionne sévèrement notre démocratie.
p 17 DE L’AIDE QUOTIDIENNE À LA CONTESTATION…
Muriel Vanderborght
Les occupations de bâtiments bruxellois par des collectifs d’Afghans sans-papiers et les marches qu’ils ont organisées vers Mons et vers Gand ont mis les projecteurs sur ces migrants en attente de régularisation mais aussi sur ceux qui les accompagnent. En Belgique, les collectifs et les associations de solidarité avec les sans-papiers sont actifs depuis de nombreuses années. Une lutte qui, dans le contexte actuel, semble pourtant de plus en plus difficile à mener.
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Prix au n° : 2 €
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