Quand la crise sanitaire fait exploser la crise du logement
Nous vivons dans une société dans laquelle les inégalités sont structurelles. La crise sanitaire que nous traversons aggrave encore ces inégalités, et ne fait pas peser les mêmes risques sur chacun.e d’entre nous. Les associations et collectifs mobilisés pour le droit au logement revendiquent des changements structurels.
Le gouvernement fédéral a annoncé qu’il prendrait des mesures en matière de santé et en matière économique. Il nous a aussi annoncé que nous devions rester confiné.e.s… Mais aucun mot sur le logement. Nous reconnaissons la nécessité du confinement. Mais être confiné.e chez soi ne revêt pas du tout la même réalité selon notre condition sociale.
En effet, de nombreuses personnes sont mal logé.e.s : vivant à 6 dans 40 m², dans un logement insalubre. Ou sont non logées, vivant à la rue ou en promiscuité dans des centres d’hébergement d’urgence. Ou encore sont sans-papiers, donc vivant dans la peur des actions policières. Enfin, certaines sont menacé.e.s et apeuré.e.s dans leur propre logement, par les violences conjugales ou familiales ;
Ainsi, tandis que certain.e.s bossent à domicile, et que d’autres auront la « chance » d’obtenir une aide sociale, des milliers de personnes vont subir la double peine : être confiné.e.s dans un chez eux parfois déplorable voire dangereux, sans revenu. Non, cette crise ne touchera pas tout le monde de la même façon.
C’est pourquoi, nous, associations et collectifs mobilisés pour le droit au logement, revendiquons des changements structurels. Les mesures que nous préconisons ne sauraient être temporaires. Elles sont simplement urgentes et nécessaires. Nous saluons certaines mesures déjà prises (prolongation de la trêve hivernale de Vivaqua, interdiction des expulsions domiciliaires dans les 3 Régions durant le confinement, réquisition d’hôtels pour le confinement des personnes sans abri…) mais soulignons aussi l’importance de les pérenniser.
Nous demandons :
- Un moratoire prolongé sur toutes les expulsions et l’annulation de la loi anti-squat ;
- Des solutions de logement immédiates pour les personnes sans-abri. Et à plus long terme, réquisition des logements publics et privés vides ;
- Jusqu’à la fin de la crise sanitaire et économique, une possibilité de suspension du paiement du loyer ou de baisse de loyer pour les ménages affectés par la crise ;
- Un arrêt total des coupures d’énergie et de limitation des débits d’eau. Une généralisation d’un tarif social sur l’énergie et l’eau et la mise à disposition d’un accès gratuit à l’eau d’hygiène dans des structures publiques ;
- Jusqu’à la fin de la crise sanitaire et économique, une protection financière pour toutes les personnes ayant un travail précaire et qui ne bénéficieront pas d’une allocation de remplacement (personnes vivant de la mendicité, travailleur.euse.s du sexe, étudiant.e.s, travailleur.euse.s non déclaré.e.s avec ou sans papiers,…): un fonds social pour les travailleur.euse.s à la marge ;
- La libération des détenu·e·s en détention préventive qui ne présentent pas de danger pour autrui ; la libération de tou·te·s les détenu·e·s âgé·e·s ou malades, le recours à la libération conditionnelle dans un maximum de cas où cela est envisageable ; et des solutions de relogement d’urgence pour celles et ceux qui en auraient besoin ;
- La mise en place de mesures permettant de limiter au maximum les investissements dans l’immobilier par les investisseurs institutionnels et les fonds spéculatifs. Nos villes ne peuvent pas subir une nouvelle augmentation des prix de ventes et de locations !
Avec quel argent ?
Une grande partie des mesures que nous préconisons ne coûtent rien, ou sont même moins coûteuses (libération des détenus en préventive, fermeture des centres fermés, etc).
Pour les autres, nous pouvons collectivement trouver des solutions. Pour commencer, exigeons la mise à contribution des multinationales et autres grandes entreprises ultra-bénéficiaires par l’annulation du versement des dividendes à leurs actionnaires. Ensuite, exigeons un moratoire sur le remboursement de la dette publique (30 milliards de capital arrivant à échéance) et une suspension immédiate du remboursement des intérêts (10 milliards d’euros sur une année). L’Union européenne vient de suspendre ses règles budgétaires (1050 milliards d’euros injectés), des fonds sont donc disponibles. La BCE a débloqué 750 milliards pour sauver l’économie et calmer les places boursières. Que sera-t-il fait pour sauver l’action sociale, renflouer la protection sociale, renforcer les droits fondamentaux… ?
Dès la fin des mesures de confinement, nous reprendrons nos espaces publics, notre mobilité, notre droit à la ville, pour déterminer ensemble ce que nous voulons comme société. Repensons nos priorités, organisons-nous collectivement, favorisons les secteurs d’activités et les services dont nous avons le plus besoin ! L’intérêt collectif doit primer sur les intérêts financiers. La crise du coronavirus doit être l’occasion de repenser notre avenir commun !
Signataires : 45 associations actives dans le droit au logement, dont les Equipes Populaires
–