Un secteur en détresse respiratoire
Faire appel aux dons des citoyens pour payer des respirateurs pour les hôpitaux. A Médecins sans frontières, à l’armée et à la protection civile pour installer des tentes de fortune sur les parkings d’hôpitaux et soigner les résidents des maisons de repos. Ces faits sont révélateurs d’un sous-financement chronique dans le secteur des soins de santé. Une fois la crise sanitaire passée, il faudra en tirer les leçons, et surtout agir…
Le collectif Santé en lutte tirait la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. Les Equipes Populaires s’apprêtaient à lancer une campagne de sensibilisation pour défendre l’accès aux soins de santé via un refinancement des hôpitaux. Vu le contexte, nous avons décidé de la postposer pour nous donner le temps de la repositionner, mais le sujet est plus que d’actualité.
Dans l’éditorial de Contrastes de septembre dernier intitulé Les hôpitaux sous tension (1), nous écrivions : « La colère gronde depuis plusieurs années dans le secteur des soins de santé (hôpitaux, maisons de repos, soins à domicile…). En cause, un définancement récurrent alors que les besoins en matière de santé ne cessent de croître ; une réforme des hôpitaux entamée par Maggie De Block en 2015 qui fait peser sur le personnel médical la rationalisation des infrastructures et des séjours en hôpital ». La crise sanitaire qu’on connaît aujourd’hui met également en évidence les conséquences sur la qualité des soins ; l’absence de masques et de tests de dépistage est le résultat d’une réduction drastique des budgets des soins de santé depuis plusieurs années.
Le personnel soignant est encore davantage mis sous pression. Ce sont les véritables héros de cette crise, cachés dans l’ombre des experts scientifiques qui sont quotidiennement présents dans les médias. Ils sont applaudis chaque soir par la population qui tient à leur marquer son soutien. Et pourtant, un médecin urgentiste s’est exclamé dans les médias : « Je ne supporte pas les gens qui applaudissent les soignants. Les hôpitaux n’ont pas attendu le Covid-19 pour être dans la galère. Que Saint-Pierre doive faire la manche pour avoir des respirateurs, c’est une honte totale ! On est où ? Une bonne partie des gens qui applaudissent votent chaque année pour les connards qui diminuent les budgets, font des hashtags #keepsophie en oubliant qu’elle a été ministre du Budget d’un gouvernement qui a retiré plusieurs milliards d’euros dans les soins de santé. Donc merci quand même pour vos applaudissements, mais ça fait des années que le personnel hospitalier travaille dans des conditions de merde et se nique la santé en faisant son job du mieux possible. La prochaine fois que vous voyez des manifestations pour refinancer les soins de santé, soutenez-nous. Et quand vous retournerez glisser un bulletin dans l’urne, réfléchissez-y à deux fois! »1
Le 7 avril, c’était la Journée mondiale de la santé. La Plate-forme d’action santé et solidarité (à laquelle le MOC participe avec d’autres organisations dont la MC et la CNE) a organisé une action Draps blancs, qu’on a vu fleurir un peu partout aux fenêtres. La responsabilité des pays européens et de l’Union européenne (UE) au travers des politiques d’austérité s’illustre dans la défaillance actuelle des systèmes de soins et des services publics. Exigeons que les leçons de cette crise soient tirées dès maintenant. La santé n’est pas un coût mais un investissement, la santé n’est pas une marchandise mais une exigence légitime et essentielle dans une société démocratique ; celle du respect de la vie et de la dignité humaine. Celles des patients comme celle des travailleurs du secteur.
Monique Van Dieren
- Carte blanche parue dans Le Vif du 20/03/20, cosignée par Antoine Dumont médecin assistant aux urgences à Liège, cosigné par Mathilde Dumont infirmière SIAMU aux urgences à Bruxelles
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