Verviers : Réaliser une fresque pendant le confinement
Article paru dans La Fourmilière, Bulletin de liaison des Equipes Populaires, Janvier-Février 2021
Le Centre culturel de Verviers a lancé un appel à projets il y a quelques semaines car dans ses locaux -dans 2 halls d’entrée pour être précis-, il y a des murs blancs qui n’attendent que la créativité d’artistes confirmés ou amateurs. Les animateurs du Centre culturel sont pressés ; ils veulent que l’œuvre soit finie pour fin mars et ceci malgré le confinement. La création en temps de pandémie est un geste fort, que nous souhaitons porter dans l’espace public et qui sera vu par une large frange de la population, un éventail de provenances et horizons si variés. Notre équipe a donc décidé de relever le défi.
Quand on entend fresque, on pense : « plafond de la chapelle Sixtine à Rome » ; on pense : « Michel-Ange qui peint directement dans le plâtre frais : fresca ! ». Cinq cents années ont passé sous les ponts, et nous avons trouvé des techniques modernes de peinture pour permettre à tout un chacun et chacune de s’exercer à l’expression via la fresque. Ici ce mot s’entend sous la forme d’une œuvre monumentale peinte dans un lieu public où le passage permettra à cette peinture d’être vue et revue par les passants, comme dans notre exemple historique et nous y ajoutons des sous-couches de primaire, de l’acrylique de toutes teintes et le vernis marin en touche finale.
Avec qui allons-nous réaliser ces ateliers ?
Deux personnes de la Voix des sans-papiers :
Au lendemain du premier confinement de mars à juin, les membres de la Voix des sans-papiers nous ont fait part de leur fatigue et lassitude des actions politiques qui restent
sans suite et sans écho chez nos élu.e.s politiques. Ils et elles ont aussi partagé leur inquiétude face à la grande discrétion dont faisait part la note de politique générale de
gouvernement belge sur la question migratoire.
En regard de cette lassitude, les mêmes membres de la Voix des sans-papiers de Verviers nous ont demandé de mettre sur pied des ateliers d’expression artistique pour trouver des lieux et espaces/temps de résilience, d’expression, de rencontres entre eux et elles et d’échange avec d’autres personnes, avec des citoyens et citoyennes belges, verviétois et verviétoises, sensibles à leur vécu et cause. Nous avons été à l’écoute de leur demande et, en collaboration avec l’Espace 28, nous avons accepté d’accompagner ce
processus d’expression créative.
Un atelier de peinture s’était constitué en janvier 2020. Une rencontre avec le peintre Adelin Donnay, pressenti pour animer les peintres en herbe, avait eu lieu. Les ateliers se sont arrêtés pour cause de mesures Covid et de second confinement. Le nouveau projet du Centre culturel a relancé la démarche d’expression auprès de deux sans-papiers.
Deux artistes pour accompagner le projet :
Adelin Donnay se définit sur son blog comme « un artiste pas comme les autres ». Si l’on entend par « les autres » ces artistes qui donnent à voir sans cri, sans angoisse ou révolte, alors oui, il n’est pas comme les autres.
Sans détour, il nous livre des images, jetées ou subtilement déposées, d’une force plus qu’évidente. Il est de ceux qui ne trichent pas, pas de masque esthétique ou technique, de la peinture ou du dessin pur jus.
Arif Mahmood est un ancien professeur à l’école des Beaux-Arts de Mossoul. Ses calligraphies illustrent, en arabe, des pensées, proverbes, et extraits de textes de créateurs moyen-orientaux et occidentaux. Le but du travail d’Arif est de créer un pont artistique entre les cultures et les moyens d’expression.
A Verviers, il a été exposé par le groupe Cité Culture en 2019. Il a également réalisé une fresque sous forme de calligraphie dans une rue désertée de Verviers.
Quelles seront les étapes de ce projet ?
Il y aura, dans un premier temps, une rencontre entre les deux artistes et les deux participants amateurs, sans compter l’animatrice des Equipes Populaires. L’importance sera donnée à l’écoute des trajets de vie des différents protagonistes ; d’où je viens et où je vais, pris dans le sens littéraire et littéral ! L’évasion par le geste artistique, par le geste pictural, entendue aussi comme condition première pour sortir du cadre et des murs dressés qui emprisonnent la personne ! Ce travail fera l’objet d’un texte collectif qui sera la matrice du projet.
Il y aura également une phase de présentation du travail des artistes pour comprendre le sens de leur vision. Cela passera par l’apprentissage d’un vocabulaire commun aux quatre « peintres ». Ils passeront également du temps à l’apprentissage des techniques pour la mise en œuvre de la fresque grandeur nature. Un des objectifs est l’association de cultures différentes au travers du mélange des mots, de la calligraphie et des arts plastiques.
Ces deux premiers temps se clôtureront par la création d’une maquette de la fresque qui sera présentée et expliquée pour obtenir le plus possible d’approbation positive de la part de tous les partenaires. Dans un sens, en invitant des artistes à produire dans l’espace public, nous perturbons de fait ces territoires. Pour réaliser des œuvres dans ces espaces, il faut donc discuter, convaincre, négocier, revenir en arrière, repartir en avant, et cela en étant toujours en accord avec les artistes. C’est ce que nous ferons. Le second temps de la création s’exécutera directement sur place, dans les halls d’entrée, sur les murs, en suivant notre pré-projet négocié. Et ce moment sera semblable à celui des artisans qui, cent fois sur le métier remettent leur ouvrage ; ce sera le moment de l’échange des savoir-faire qui induiront les savoir-être, nous l’espérons. Le Centre culturel sera toujours fermé, nous travaillerons donc en vase clos.
Dès l’ouverture des portes, nous arriverons au dernier temps de la création : le vernissage et la découverte au public. Selon Jean Blaise, pionnier de la conception d’événements culturels dans l’espace public, « La question de l’art et de la culture dans l’espace public est un enjeu démocratique essentiel, touchant notamment l’apprentissage de la citoyenneté et à la rencontre avec la mixité sociale ». C’est dans ce sens que nous inviterons les amis, les familles, les artistes à partager leur ressenti : d’un côté la conception, de l’autre la réception. Nous travaillerons également collectivement à l’élaboration d’une note explicative qui restera liée à l’œuvre pour permettre aux badauds de comprendre le processus.
Le début d’une nouvelle aventure…
Nous espérons et nous travaillerons dans ce sens, que ce projet ne sera pas unique dans Verviers et que nous pourrons investir d’autres lieux, espaces publics avec d’autres artistes et d’autres publics.
Il y a encore beaucoup de pignons de maison, de murs, d’espaces communaux sans vie et sans sens qui attendent de devenir des espaces de dialogue entre les artisans-peintres et les passants et passantes intriguées.
Geneviève Cabodi
Pour en savoir plus, veuillez prendre contact avec la régionale de Verviers.
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