L’ÉCOLOGIE POPULAIRE PREND VIE DANS NOS RÉGIONALES : L’exemple d’Aumale Vit – Aumale Leeft
Notre mouvement s’intéresse de près à l’écologie populaire. Nous avons notamment consacré un récent numéro de Contrastes à ce sujet. Avant notre congrès du 18 novembre qui portera sur cette thématique, nous nous sommes penchés sur les projets existants au sein des Régionales, afin d’y trouver des semences d’écologie populaire à faire germer.
Nous avons décidé de nous attarder sur un projet de la Régionale de Bruxelles, le groupe « Aumale Vit – Aumale Leeft ». Lors de sa création, ce groupe, constitué d’habitant·e·s du quartier et d’associations actives à Anderlecht, avait pour but de s’approprier un terrain communal laissé à l’abandon depuis plusieurs années. Le souhait principal des habitant·e·s était d’avoir un lieu de rencontre qui soit vivant, où l’on puisse organiser des activités, avec une attention particulière aux questions écologiques. Parmi les actions de ce groupe, plusieurs sont associées à des préoccupations écologiques et environnementales : défrichage d’un terrain devenu dépôt clandestin, donnerie, bourse au semis, partage de savoir sur les plantes, atelier « répare ton vélo », jeux en bois, potagers en bacs, construc tion de mobilier urbain, sauvegarde et bouture des plantes locales…
EN QUOI EST-CE UN PROJET D’ÉCOLOGIE POPULAIRE ?
L’aspect démocratique et participatif tient, dans ce projet, une place importante. Pour se lancer, le groupe a tenu des réunions afin d’organiser son fonctionnement interne : comment décider ? Qui est légitime ? Quels rôles sont nécessaires pour le bon fonctionnement du groupe ? Ce projet s’assure aussi que l’appropriation de ce terrain soit à l’image du quartier, représentatif de ses habitant·e·s. Il cherche activement à associer des publics qui n’ont peut-être pas l’habitude des projets participatifs et à construire en son sein une mixité socio-économique et culturelle. Le groupe va régulièrement à la rencontre des habitant·e·s pour récolter leurs préoccupations et propositions d’aménagement.
Les citoyen.ne.s ont également eu la possibilité de poser un droit de veto pour certains aménagements. « Notre souhait étant de faire en sorte que l’espace soit représentatif du quartier, et donc que le plus possible de personnes s’y sentent bien et puissent proposer des activités/moments collectifs pour le quartier », explique Charlotte Renouprez, Secrétaire Régionale de Bruxelles. « Pour chacune des activités, ce qui est important, c’est de pouvoir échanger avec les voisin·e·s, d’estomper l’impression d’un « eux » et d’un « nous », de créer un « nous collectif ». L’été a été jalonné de moments collectifs d’activation de notre espace partagé, tourné vers le quartier : lecture de contes, musique, four à pizza sur roulettes, barbecue interculturel… A chacun de ces moments nous avons récolté les envies, questionnements, suggestions des voisin·e·s et les gardons précieuse ment pour l’été 2023. »
S’ANCRER AU NIVEAU LOCAL
Très attentif donc à faire lien entre les habitant·e·s du quartier et leur milieu de vie, le groupe « Aumale vit – Aumale Leeft » a organisé une opération de bouturage et de sauvetage de plantes et arbustes locaux, menacés par un projet immobilier sur un terrain proche. Il s’agissait à la fois de recenser les plantes « bouturables » du coin, de sauvegarder la faune et la flore locales, de préserver la biodiversité et de se réapproprier l’espace public et partagé en y plantant des plantes provenant du quartier. Les membres d’un potager collectif situé non loin de l’espace « Aumale Vit – Aumale Leeft » ont aussi participé à l’opération, ce qui a permis de maximiser le nombre de plantes sauvées. Ce fut l’occasion pour les habitant·e·s d’échanger leurs visions sur le projet immobilier prévu, et leurs questions sur l’avenir de la ville.
Pour qui sont pensés tous ces projets immobiliers ? Quel est le sens de construire un complexe qui ne répond manifestement pas aux besoins des habitant·e·s et qui va détruire la biodiversité incroyable présente sur le site ? La discussion a permis de mettre en lumière les éventuels conflits d’intérêts qui peuvent naître entre les enjeux sociaux (droit au logement) et environnementaux (protection de la biodiversité, souveraineté alimentaire…). Une démarche réflexive qui relève totalement de l’écologie populaire.
L’ÉCOLOGIE POPULAIRE FAIT BOUGER LES RÉGIONALES !
Dans notre mouvement, cette année 2023 est, entre autres, placée sous le signe de l’écologie populaire. Les Régionales s’investissent de plus en plus dans le sujet. Dans le cadre du Festival « Demain », portant essentiellement sur les transitions écologiques, la Régionale du Hainaut Centre était partie prenante dans l’organisation d’une conférence et d’ateliers de discussion avec Fatima Ouassak, figure française bien connue de l’écologie populaire. Elle fait notamment partie du collectif à l’origine de Verdragon, la « première Maison de l’Ecologie Populaire » de l’Hexagone. Ses luttes quotidiennes mêlent combat antiraciste, féministe et écologiste. Dominique et Peggy, permanentes à la Régionale du Luxembourg, ont participé à cette activité organisée par leurs collègues du Hainaut Centre.
Durant l’atelier, Fatima Ouassak a eu à cœur de rendre son discours accessible, de le vulgariser. Habituée à tenir sa conférence devant un public averti, elle a pu ici s’adresser à des personnes réellement issues des milieux populaires et racisées, public avec lequel elle se bat chaque jour dans son quartier d’origine. Cette représentativité des milieux populaires a enrichi les échanges de l’atelier. « C’était très intéressant de voir comme Fatima Ouassak abordait l’écologie avec un public populaire. De comprendre comment elle réussissait à motiver les gens, à les impliquer, à passer de la pensée individuelle à l’action collective, et même à porter avec eux un message vers le politique », témoigne Dominique, secrétaire régionale au Luxembourg. Les questions des personnes présentes étaient très concrètes : « Comment avez-vous réussi à avoir autant de personnes qui se saisissent du même sujet que vous ? Comment avez-vous fait pour être entendue par les politiques ? Combien de temps entre les premiers constats et les premières victoires ? Comment faire pour que le combat soit réellement populaire ? »
Populaire, voilà un terme qui peut parfois faire débat. « Fatima Ouassak fait beaucoup de liens entre l’écologie populaire et l’immigration, elle définit le mot « populaire » par rapport à son lieu de vie, sa cité… Au Luxembourg, nous sommes plutôt dans une province rurale. Nous devons décliner l’écologie populaire selon notre propre réalité », explique Dominique. De cette rencontre organisée par le Hainaut Centre, Dominique et Peggy sont revenues plus motivées que jamais, convaincues que les thématiques qu’elles essayent de mettre en place autour de l’écologie populaire ont toutes leur place au sein des Equipes : « Se rencontrer, s’inspirer, partager ses expériences, ça motive ! Cela dédiabolise des frustrations, car si les régions sont différentes, les thématiques et les problèmes rencontrés sont souvent les mêmes. Quand on a des moments de doutes, aller voir ailleurs comment la thématique vit autrement apporte un nouveau souffle. Ensemble, nous trouverons comment faire vivre cette transition écologique dans toutes nos régionales ! », conclut Dominique.
1. LOHEST G., Quatre principes de départ pour une écologie populaire, La Fourmilière mars-avril 2023, p. 10–11. Notre revue est disponible à notre secrétariat.