À la rencontre de notre nouvelle Présidente !
Lors de notre congrès du 18 novembre dernier, Charlotte Renouprez a été élue nouvelle Présidente des Équipes Populaires par nos membres. Son parcours, ce qui l’anime, ce qui la détend, les challenges de sa nouvelle fonction… et même les montagnes russes émotionnelles lors de son élection, elle aborde avec nous de nombreux sujets afin que nous puissions faire mieux connaissance avec celle qui sera le visage des Équipes Populaires pour les trois prochaines années.
Comment as-tu rencontré l’éducation permanente ?
Après mes études secondaires, je me suis interrogée sur la filière qui me plairait. J’étais très intéressée par la démarche scientifique, mais à l’époque j’étais encore fort dans la croyance que les sciences, ce n’était pas pour les filles ! D’un autre côté, j’avais cette envie de travailler dans l’humain, j’ai même hésité à devenir assistante sociale. Pour finir, je me suis tournée vers les sciences humaines, qui brassaient des questions politiques, sociologiques, etc., tout ce qui m’intéressait. J’ai approfondi plus spécifiquement les thématiques de l’aide internationale, des relations nord-sud, du développement… C’est dans ce cadre-là que je suis partie en Erasmus, direction Lima en Amérique Latine. J’ai fait mon mémoire sur la façon dont la participation citoyenne permet de réduire le sentiment d’insécurité dans des quartiers pauvres. Au milieu des quartiers périphériques de Lima naissent des projets de participation citoyenne, où, via le rapprochement du lien entre habitants, police et les pouvoirs publics, on tente de réduire l’insécurité. Ce furent mes premiers pas dans l’éducation permanente, même si cela ne s’appelle pas comme cela là-bas.
Après ton master, qu’as-tu fait ?
Je suis restée deux ans de plus à Lima, comme coordinatrice de projet pour une ONG. Je travaillais dans des quartiers ultraprécaires de Lima. Je construisais des groupes locaux avec lesquels j’identifiais des problématiques de quartier et nous cherchions ensemble des solutions pour y répondre. C’était, déjà, cette démarche du voir-juger-agir. Ensuite je suis revenue en Belgique. J’ai fait un passage à la MC, au service jeunesse et santé, puis j’ai travaillé trois ans en éducation permanente pour le SEFOP, avant de postuler aux Équipes Populaires et d’intégrer la régionale de Bruxelles comme secrétaire régionale, où je suis donc restée plus de cinq ans.
Que retiens-tu de ces cinq années ?
Ce qui m’a marquée, c’est la loyauté et l’investissement de certains membres. Quand je suis arrivée à la régionale, il n’y avait plus grand-chose de la vie de mouvement, mais il restait encore quelques militants fidèles au poste, qui voyaient vraiment l’intérêt de l’outil d’une association comme la nôtre. Je trouve cela très fort, c’est une des raisons pour lesquelles les Équipes Populaires existent encore après 75 ans et sont encore si importantes. En une phrase, les travailleurs passent mais les militants restent. D’un point de vue personnel, c’était la première fois que je travaillais dans un endroit où il y a une attention au bien-être des travailleurs, où l’on nous fait confiance. On nous donne les clefs de la régionale, tout en nous soutenant. Tant que les projets sont réalisés avec les militants et que nous sommes au service du travail des militants, évidemment. C’est une manière de fonctionner qui permet de s’épanouir dans son travail. Au niveau des thématiques, c’est dans ce poste que j’ai développé une vraie passion pour la question du logement et de l’urbanisme. Tout en me rendant bien compte qu’il existait des inégalités. N’ayant moi-même jamais eu de problème de logement, je ne percevais pas à quel point la question du logement est vraiment prioritaire, c’était un socle et un fondement à partir duquel se développent toutes les autres problématiques.
Qu’est-ce qui t’a poussée à être candidate pour la présidence ?
Tout d’abord le fait que plusieurs régionales m’aient proposée et me perçoivent comme légitime dans le rôle de présidente. C’est une des raisons fondamentales car, seule, je ne l’aurais pas envisagé. C’est réellement un projet collectif. Ensuite, je trouve qu’il y a beaucoup de similitude entre le poste de président et celui de secrétaire régionale, comme le fait de gérer à la fois la vie de la régionale et d’assurer la représentation politique à l’extérieur. À mon poste de secrétaire régionale, j’ai beaucoup développé la présence des Équipes Populaires dans les instances et tenté de porter un combat politique. C’est un challenge vraiment passionnant d’essayer de faire la même chose à l’échelle du mouvement. Je suis fière de pouvoir porter dans l’espace public les enjeux politiques travaillés en interne. C’est vraiment un des challenges de ce mandat.
Quels sont les autres grands défis de ton mandat ?
Le premier sera de rapprocher les régionales du centre communautaire, de recréer un lien de confiance et de mettre le travail de terrain toujours plus en avant. C’est ce qui a toujours guidé le centre communautaire, mais on peut aller encore plus loin ! Le second sera de soutenir au mieux les travailleurs de terrain pour la reconstruction et la redynamisation des régionales. On l’oublie un peu vite, mais le Covid a sérieusement perturbé la vie du mouvement pendant deux ans. Avec la réforme des fonctions communautaires, cela a provoqué pas mal de changement en peu de temps. Il y a aussi la préoccupation des élections, et leurs résultats. Je pense que nous allons rester un moment sans gouvernement fédéral, il va donc y avoir de gros enjeux au niveau régional puisque c’est seulement là que des décisions pourront être prises. J’ai aussi ressenti une grande curiosité pour ce qui va arriver suite à la motion que nous avons votée lors du congrès : comment va-t-on l’instruire ? comment prendre le temps de se poser les bonnes questions, mais sans traîner ? quelle suite donner à la réforme des fonctions ? C’est important de consulter les membres, de travailler ensemble, pour réfléchir aux enjeux de la gouvernance de l’association, mais il faut aboutir à des prises de décisions. Bref, une grande curiosité pour l’avenir du mouvement.
Pour toi, quelles sont les thématiques importantes à travailler ?
Le logement et l’énergie, forcément. La question de la montée de l’extrême droite et de ce que cela dit de la vigueur de nos démocraties, du repli sur soi, des migrations, de la non-politique d’accueil… Il y a beaucoup de choses qui me préoccupent. Peut-on faire société dans un monde où on a tellement intégré le fait que nous sommes en compétition les uns avec les autres ? Que c’est à cause de mon voisin que je n’ai pas de travail ou pas assez de ressources ? Comment allons-nous faire pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux de fou qui nous attendent si nous ne sommes même pas capables de faire société ici ! Je suis aussi sensible au conflit israélo-palestinien, et aux autres conflits très violents partout sur terre. Ce qui m’interpelle, c’est à quel point on peut déshumaniser les autres humains, alors que nos destins sont tous liés. Je ne sais pas encore comment nous, Équipes Populaires, nous pouvons nous saisir de cette question-là. Je retiens aussi l’écologie populaire, qui est transversale à tous les sujets qui nous touchent, et que nous nous sommes engagés à travailler jusqu’au prochain congrès.
Quel est le rôle des Équipes Populaires ?
Permettre de faire vivre une série de débats ! Dans tous nos projets, le fil rouge est de faire se rencontrer des gens, de les amener à se poser une série de questions ensemble et à politiser leurs préoccupations. Rassembler des gens qui ne se connaissent pas pour échanger des idées autour d’une série de thématiques, c’est le premier pas, et un des plus compliqués ! J’ajouterai qu’aux Équipes Populaires, on expérimente le principe de démocratie à l’échelle de notre mouvement. Pour plein de (micro)décisions, on se pose à chaque fois les questions de qui décide de quoi, pourquoi, comment… et cela à l’aune de quelle valeur, de quel objectif ? Les professionnels de notre mouvement sont au service des militants et des membres, pour qu’ils aient tous les outils pour pouvoir prendre leurs décisions.
Et par rapport à la société ?
Le fait d’être un mouvement nous donne une assise pour partager une série de messages à la société. Nos revendications politiques ne sont pas portées uniquement par quelques professionnels mais ce sont des messages construits avec des citoyens, avec des gens. Cela nous donne la légitimité nécessaire pour porter nos revendications. L’éducation permanente permet de développer l’esprit critique. Or, dans notre société, les gens n’ont plus l’habitude qu’on leur demande leur avis. Je m’étonne toujours de la réaction des gens lors de nos actions dans l’espace public, quand on leur demande ce qu’ils pensent de telle ou telle problématique. Ils se disent « en fait mon avis est intéressant » ?! Oui, l’avis de tout le monde est intéressant, prenons le temps de discuter et de nous mettre en débat ensemble. Pour moi, c’est un apport essentiel de l’éducation permanente : aller à la rencontre des gens, tenter de redonner l’habitude du collectif. Dans notre société, nous ne sommes malheureusement plus habitués à essayer de faire groupe. Que des gens différents fassent des choses ensemble, c’est ça, pour moi, l’éducation permanente.
Mon voyage à Lima restera un des moments marquants de ma vie. Cette expérience a éveillé mon militantisme. Cette ville est tellement inégalitaire qu’il est impossible de ne pas s’en rendre compte. Des quartiers riches de malade, entourés de murs avec des tessons de bouteille, côtoient des quartiers pauvres d’auto-constructions sans électricité et sans eau. Il y a le phénomène des « gated communities » (quartiers fermés), c’est-à-dire la privatisation d’espaces publics, comme des zones de baignades, par des quartiers riches qui se referment sur eux-mêmes. Lima est bâtie dans un désert, et des golfs pompent l’eau pour avoir des greens bien verts. Il est impossible de ne pas s’indigner sur toutes ces questions d’inégalité sociale, environnementale, écologique…
À l’annonce des résultats, j’ai ressenti un ambivalent mélange de peur et d’excitation. C’est quelque chose que j’ai voulu, vraiment, et c’est pour moi une grande joie. Il y a une certaine fierté à voir mes compétences reconnues. En même temps, j’ai ressenti la boule au ventre du saut dans le vide, car c’est un rôle important pour notre mouvement et je me dois d’assurer. Maintenant que je suis en fonction depuis quelques semaines, je me sens bien et très motivée. Je reste attachée à Bruxelles, mais je passe le relais à mon collègue Olivier, avec qui j’ai fait un travail de qualité ces dernières années, je sais qu’avec lui la régionale est entre de bonnes mains.
Ce qui me détend vraiment, c’est le jardinage. J’arrache des mauvaises herbes ! C’est concret et je vois le résultat tout de suite. Cela me permet de me vider l’esprit. Il y a un côté très concret et direct, contrairement à l’éducation permanente qui se joue sur le long terme. Je me suis mise au jardinage avec mon compagnon il y a quelques années, car nous avions une petite terrasse que nous avions décidé de verdir. Quand nous avons déménagé, cela a été important pour nous d’avoir un bout de jardin, un potager. Faire les semis, voir grandir la plante, récolter les légumes, les savourer dans nos assiettes… Pouvoir littéralement récolter dans l’année les fruits de notre travail, j’adore ça ! J’apprécie aussi le côté « démarche politique » du « faire soi-même ».
J’ai fait du violoncelle pendant longtemps, même si je n’ai plus trop le temps pour le moment. La musique, c’est un vrai facteur de bonne humeur pour moi, aller en festival, aller danser… J’écoute beaucoup de styles différents, avec une préférence pour le rock et la musique classique.