LEXIQUE 3 questions pour mieux comprendre : L’intervention volontaire en justice
L’intervention volontaire est le fait d’une personne ou d’une association qui, d’elle-même, se présente à une instance dont elle ne fait pas partie à l’origine, qu’elle n’a pas introduite ou qui n’est pas dirigée contre elle, pour y faire valoir ses droits ou soutenir ceux d’une partie. Mais en quoi cela concerne-t-il les Équipes Populaires ? Notre régionale de Bruxelles participe, pour la première fois, à une intervention volontaire en justice de paix dans le cadre d’un dossier logement. Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette procédure, nous avons posé trois questions à Olivier Dubin, secrétaire régional des EP Bruxelles.
Pourquoi la régionale de Bruxelles a-t-elle le droit de participer à une intervention volontaire ?
L’intervention volontaire est légale depuis 2018 pour des associations. Sur base d’un dossier particulier, une association peut intervenir en justice pour défendre l’intérêt collectif si son objet social le permet. Nous avons justifié notre implication par notre investissement, sur le terrain, en faveur de la défense des droits au logement et des droits des locataires. C’est via notre participation à la plateforme logement, avec plusieurs grosses associations bruxelloises, dont des syndicats, que nous avons eu cette opportunité. C’est tout nouveau pour nous, c’est la première fois qu’on fait ça. Cela nous permet d’intervenir politiquement et juridiquement sur la question du droit au logement, avec une bonne partie du mouvement social bruxellois.
Concrètement, quel dossier allez-vous soutenir ?
Pour la première année, à Bruxelles, il existe un moratoire pour empêcher les expulsions hivernales. Du 1er novembre au 15 mars, des jugements d’expulsion peuvent être rendus, mais pas appliqués. Un fonds d’indemnisation est prévu pour que les propriétaires puissent recevoir le loyer en attendant la date de fin du moratoire. Mais cela n’a pas empêché plusieurs juges de paix de rendre des avis d’expulsion, avec l’argument que le moratoire est anticonstitutionnel. Cela fait peser une menace sur le moratoire, notamment via la jurisprudence. Pour réagir à cette menace, la plateforme logement a décidé d’utiliser le levier de l’intervention volontaire. Pour ce faire, nous avons pris un dossier précis, celui de Madame P. Cette personne est victime d’un loyer abusif, elle paye beaucoup trop cher par rapport à son logement, et elle a 10.000 euros de loyers de retard. Le juge de paix a signifié son expulsion. Madame P. fait appel et, avec d’autres associations, nous rejoignons la procédure via l’intervention volontaire pour signifier que nous sommes contre ce jugement, car il va à l’encontre des droits. L’avocate présente le dossier des associations à l’audience, nous ne devons pas comparaitre. Il y a un coût de 500 euros pour les frais d’avocat, mais si on perd, on ne devra pas payer puisque la personne a droit à l’aide juridique.
Quel est l’objectif de la démarche ?
Le but n’est pas de défendre une personne en particulier ou un cas isolé, l’enjeu est complètement collectif : il s’agit de défendre le droit au logement en protégeant le moratoire hivernal. C’est la première année qu’il est effectif pour le logement privé et il y a déjà des juges de paix qui volent au secours des intérêts des propriétaires. Nous devons réussir à préserver ce moratoire en contrecarrant la jurisprudence. L’intervention volontaire et la présence du milieu associatif dans le dossier permettent aussi de rééquilibrer le rapport de force entre la position de la locataire, qui est isolée, qui ne connait pas ses droits, et un propriétaire qui a la justice de paix avec lui. L’appel de Madame P. passe en justice le 11 mars, d’ici là son expulsion est suspendue.
Suite de cette aventure dans le prochain numéro de notre bulletin de liaison, la Fourmilière ! Pour la recevoir, contactez notre secrétariat.