[REVUE] Dernière parution : MOBILITÉ : D’OÙ VENONS-NOUS, OÙ ALLONS-NOUS ?
EDITO : LE CHEMIN ÉVIDENT MAIS COMPLIQUÉ D’UNE AUTRE MOBILITÉ
Guillaume Lohest, rédacteur en chef
Se déplacer librement est un droit fondamental. Mais se déplacer comment ? Et jusqu’où ? La plus grande partie de l’histoire de l’humanité, la vie des gens est restée cantonnée aux distances accessibles à pied. À partir du 19e siècle, puis toute la première moitié du 20e , le train, le tram, le vélo ont commencé à changer la donne. C’est après la Seconde Guerre mondiale que la plus grande transformation est intervenue : la voiture individuelle est devenue le Graal absolu.
Ce tournant individualiste dans notre mobilité a entraîné des modifications profondes. De nos paysages. De nos villages, étirés jusqu’à se confondre. De nos villes, éventrées par des artères automobiles, embouteillées jusqu’à l’absurde. De nos comportements aussi, de nos habitudes de travail et de loisir. De notre conception de la liberté même : la voiture personnelle en est devenue le symbole. Dans les campagnes, c’est plus que cela : elle y est souvent indispensable. Et notre premier souci, quand on se rend quelque part, c’est de trouver facilement une place de parking.
Mais on ne couronne pas une reine sans laisser sur le carreau d’autres prétendants au trône. Le train et le bus ont été laissés à la marge. Les transports collectifs sont devenus secondaires. Et notre mobilité n’est pas seulement une affaire de transport… En faisant de la voiture le centre de l’imaginaire social du déplacement, ce qui était autrefois proche a été éloigné. Les commerces et les services de proximité ont disparu.
Le transport représente 25% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La voiture n’est évidemment pas seule en cause. L’avion, toujours en plein boom, a aussi sa part de responsabilité. On comprend, dans ce contexte, que l’heure soit au changement de paradigme. Dans les villes, on cherche à soulager certains quartiers, ce qui paradoxalement crée des tensions. La mobilité douce est encouragée. On réfléchit à la gratuité des transports en commun.
Dans ce débat essentiel et même électrique, le sens de l’histoire est évident : l’automobile doit reculer et laisser de la place aux modes de transport collectifs et doux. Mais le sens des réalités l’est tout autant : nous avons tellement lié le sort de notre société à la voiture que de nombreuses personnes en sont réellement dépendantes. Parfois pour des besoins essentiels. Leur dignité est une donnée non négociable du chemin vers une autre mobilité.
Consultez le dossier en ligne : Revue Contrastes Mai – Juin 2024