[REVUE] Dernière parution : POUR UN FOURNISSEUR PUBLIC D’ENERGIE !
EDITO : Un fournisseur public pour infléchir la toute-puissance du marché
Guillaume Lohest, rédacteur en chef
Rien n’est plus efficace que le marché… Laissez faire la loi de l’offre et de la demande, la concurrence fera les choses à votre place : les prix se tireront vers le bas, la qualité vers le haut, et tout le monde sera gagnant. Telle a été la grande idée maîtresse de l’économie ces derniers siècles, ces dernières décennies. Tel est encore le mantra de la plupart des économistes, et le stéréotype le plus répandu dans la population.
Les contre-exemples abondent et le scepticisme est permis. En particulier quand on
touche à l’essentiel. La santé, par exemple. L’éducation. Le logement. Et, bien sûr, l’énergie, qui n’est pas un bien comme un autre mais qui a pourtant subi la vague de libéralisation généralisée des années 90 et 2000.
Aujourd’hui, le bilan est clair. Cela ne fonctionne pas. Ni pour tirer les prix vers le bas, ni pour favoriser la transparence des contrats, ni pour protéger les personnes les plus vulnérables, ni pour enclencher une transition écologique digne de ce nom. Encore moins pour adoucir les chocs des crises. Au contraire, en cas de tensions géopolitiques, en cas d’emballement des marchés, c’est le sauve-qui-peut, le chaos… et les consommateurs qui trinquent.
Puisque le marché est en échec, l’idée d’un fournisseur public d’énergie revient tout naturellement dans les débats. Un fournisseur qui n’aurait pas pour unique objectif de maximiser ses profits, mais qui serait à même de proposer des contrats stables, protecteurs, raisonnables, un service accessible, des conditions compréhensibles.
Bien sûr, ce fournisseur public d’énergie (FPE) n’est pas une recette-miracle, puisqu’il
devrait s’insérer dans le marché de l’énergie avec ses règles à l’échelle de l’UE. Il ne remplacerait donc pas le marché existant, mais viendrait s’y nicher, à côté des fournisseurs privés actuels. À côté aussi des alternatives qui se sont déjà développées et peuvent être sources de bonnes pratiques : les communautés d’énergie, les coopératives citoyennes… Un fournisseur public dans le contexte actuel, ce n’est donc pas un retour au passé, mais une tentative d’infléchir la toute-puissance du marché. Pas encore la sortie du marché, mais une porte entrouverte. Et c’est possible : des formes de fourniture publique existent déjà dans d’autres pays. Cela implique, dès aujourd’hui, une articulation avec les initiatives existantes, et pour demain, une reprise en main publique de la production d’énergie elle-même – d’énergie renouvelable, évidemment. Cela exige, enfin, un vaste débat citoyen permettant un droit de regard démocratique sur la manière dont s’organiserait cette fourniture et cette production.
Autant d’éléments qui seront examinés dans les articles de ce numéro spécial de campagne. Bonne lecture !
Consultez le dossier en ligne : Revue Contrastes Juillet– Août 2024