[REVUE] La rénovation énergétique en question
Jamais la souris ne confie sa destinée à un seul trou
Guillaume Lohest
À une époque pas si lointaine, l’isolation des logements n’était absolument pas un enjeu politique, ni social, ni environnemental, ni architectural, ni rien du tout ! Pourquoi ? Tout simplement parce que les énergies fossiles étaient abondantes et bien moins chères. Et parce que le dérèglement climatique n’était encore connu par presque personne, et ses causes encore moins. Il n’y avait aucun problème, il n’y avait donc pas besoin de solution ni d’isolation. L’objectif, c’était d’avoir chaud et d’être en bonne santé. C’étaient les Trente Glorieuses, tout irait toujours pour le mieux. L’avenir, ce serait le chauffage central pour tous !
Petit à petit, on déchanta. Non seulement le pétrole – ô surprise ! – n’était pas infini, mais en plus, ce combustible magique détraquait le système climatique. On n’y avait pas pensé, on y pensa : il faut isoler les maisons. On s’y mit tout doucement. Ceux qui avaient les moyens en tout cas. Avoir chaud, être en bonne santé, mais aussi préserver la planète : un objectif de plus, dans un petit coin de la tête.
Mais c’était plus grave que prévu. Après une vingtaine d’années d’isolation à la « va- comme-je-te-pousse », on se rend compte qu’on n’arrive à rien. Le climat part en vrille, il faut agir vite et fort. Puisque le chauffage central est partout, on dégaine la nouvelle voie d’avenir : l’isolation massive ! L’Europe a fixé des objectifs énormes. La « performance énergétique des bâtiments » (PEB) est notre nouveau phare dans la nuit.
Mais ne faut-il pas apprendre de ses erreurs, se poser et réfléchir un peu ? N’est-on pas en train de suivre un plan de route dogmatique, impossible à tenir, extrêmement coûteux et parfois absurde ? Avec quels moyens isoler tout notre parc de logements publics ? À qui bénéficient les primes censées accélérer l’isolation du parc privé ? Et les locataires, sont-ils condamnés à subir des hausses de loyer sous prétexte que leurs charges vont baisser ? Le PEB ne mesure-t-il pas parfois à côté de la plaque? Bref : ne s’enferme-t-on pas, une fois de plus, dans une vision ultra-technique et sans nuances, alors que les logements ont des caractéristiques distinctes qui exigent des approches spécifiques ?
« Jamais la souris ne confie sa destinée à un seul trou » dit un vieil adage latin, variante de la recommandation populaire de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Après avoir tout misé sur le chauffage central, va-t-on tout miser aujourd’hui sur l’isolation massive et le PEB ? Ce numéro est consacré à interroger cette voie unique, que semblent emprunter aujourd’hui les pouvoirs publics. À mettre en lumière ses atouts, mais aussi ses défauts, ses angles morts, ses impensés, ses pièges.
Bonne lecture !
Consultez le dossier en ligne : Revue Contrastes Mars – Avril 2025