Le Hoax, un virus qui traverse l’écran (février 2017)
Auteure : Jenny Delmotte, Contrastes Février 2017, p10 à 12
Hoax est un mot anglais qui signifie « canular ». Mais sur internet, canular n’est pas vraiment le terme ad hoc parce qu’il manque de nuances. Si sur le principe, un hoax est bien un canular, il convient d’y ajouter quelques adjectifs : pervers, fallacieux, diffamatoire… Car sous des apparences d’information, il brouille la carte de l’information médiatique.
Concrètement, qu’est-ce que c’est ? Il s’agit d’un message informatique qui circule par e-mail ou sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter. Il prend une apparence d’urgence, à transférer au plus grand nombre. Son but affiché ? Faire de vous un héros d’internet : il sauve vos contacts d’un nouveau virus, il vous alerte contre une personne malveillante sur les réseaux sociaux, il vous invite à donner votre sang de type A- à cette petite fille atteinte d’une maladie orpheline.
Le hoax fait généralement appel à vos sentiments, à votre bienveillance ou vos craintes. Il joue sur l’injustice, sur la colère, la pitié. En partageant un hoax, vous avez l’impression de rendre service à vos amis, à votre communauté, ou de relayer une information importante… Mais qu’en est-il en réalité ?
Prenons un exemple à l’apparence innocente. Si vous êtes sur Facebook, vous aurez sans doute vu même ou partagé le message alertant les utilisateurs qu’ils doivent protéger leurs données personnelles (voir encadré). Les médias traditionnels ont aussi écrit sur ce sujet en janvier.
Outre le fait que publier un statut sur Facebook n’a aucune valeur juridique et que les articles de loi s’y rapportant n’ont presque aucun rapport avec la protection de la vie privée, ce message fait sa première apparition en 2012, année d’entrée du réseau social à la bourse de New York. Son but étant simplement de dévaloriser le cours de l’action. L’auteur premier était-il un concurrent ? Un ex-employé mécontent ? Des spéculateurs ? Il est impossible de le savoir…
Relevons les « indices suspects » qui se retrouvent généralement dans tous les Hoax :
# Indice suspect 1 : La notion d’urgence : Dans ce cas, Facebook devient une entité publique, vous n’êtes plus en sécurité !
# Indice suspect 2 : Le fond et la forme : Ici, le texte est d’apparence légale mais, assorti d’une note, il ne fait pas référence aux conditions d’utilisation du réseau social, il contient une mise en garde.
# Indice suspect 3 : l’invitation à copier/coller
# Indice suspect 4 : L’absence de sources.
Ce premier exemple est qualifié plus haut d’innocent, parce qu’il ne porte atteinte qu’à l’utilisateur qui le partage dans le sens où il affiche ainsi sa crédulité ; c’est le premier symptôme du virus !
Premier réflexe à avoir :
copiez/collez, oui mais… dans votre moteur de recherche, et pas sur votre page personnelle ! Si un message vous semble étrange, c’est le moyen le plus simple pour en vérifier l’authenticité.
Les hoax ne portent pas seulement atteinte à la réputation de celui qui les transmet. Ils ciblent parfois une personne en particulier ou une communauté. Ils servent les intérêts personnels d’un particulier ou d’un groupe organisé.
Prenons l’exemple du message qui a été massivement retweeté (Partagé sur le réseau Twitter) à propos du massacre des enfants chrétiens en Syrie. Un site spécialisé dans le repérage des hoax (Hoaxbuster – voir plus loin) a pu retracer l’origine du message : Il a été publié pour la première fois par un internaute qui se revendique, je cite « Anti-gauche, antimusulmans et suivi (a pour « ami » ndlr) par@MLPofficiel » (Le compte twitter officiel de Marine Le Pen, ndlr). Son tweet est assorti d’une photo où l’on voit un enfant sous-alimenté être piétiné par un homme. Cette photo est en fait tirée d’un article dénonçant les pratiques d’un gourou en Inde qui soignait les enfants enrhumés avec ses pieds. Cet homme a été arrêté et écroué pour ces faits.
La diffusion massive et assumée de ce type de message influe sur l’opinion des lecteurs qui pourront à leur tour devenir les diffuseurs de messages fallacieux et/ou diffamatoires. Le hoax est donc aussi un outil de propagande à prendre très au sérieux.
Bon réflexe à avoir devant une photo choc :
Usez et abusez de l’option image de Google : Faites un clic droit sur une image puis, cliquez sur « copier l’URL de l’image ». Rendez-vous sur Google image (image.google.com) et copiez ce lien dans la barre de recherche (clic droit « coller »). Examinez alors les résultats par date de publication pour vérifier qu’ils correspondent bien à la publication dont vous souhaitez contrôler la véracité.
Facebook nous protège… vraiment ?
« Je ne donne ni à Facebook ni à aucune entité associée permission d’utiliser mes photos, informations, messages ou publications, tant au passé que dans l’avenir. Avec cette déclaration, je donne avis à Facebook qu’il est strictement interdit de divulguer, copier, distribuer ou prendre toute autre action contre moi sur la base de ce profil et / ou de son contenu. Le contenu de ce profil est confidentiel. La violation de la vie privée peut être punie par la loi (UCC 1–308–1 1 308–103 et le Statut de Rome). Note : Facebook est désormais une entité publique. Tous les membres ont besoin de publier une note comme celle-ci. Si vous préférez, vous pouvez copier et mettre cette version. Si vous ne publiez pas une telle déclaration au moins une fois, il sera techniquement autorisé d’utiliser vos photos, ainsi que les informations contenues dans les arguments d’état de profil. Ne pas partager, mais copier et coller pour être en sécurité. »
Les éléments suspects :
# Indice 1 : En 2012, la notion d’urgence aurait pu se vérifier si les conditions d’utilisation du réseau social ne représentaient pas un contrat en bonne et due forme, approuvé par vous, précisant le contraire. En 2017, rien dans l’actualité ne s’y rapporte mais surtout, le texte du Hoax reste inchangé, tout comme le contrat de Facebook d’ailleurs. Pourtant, ce texte est de nouveau partagé.
# Indice 2 : La forme : Le texte d’apparence légale ne contient pas de nom, pas de date et se rapporte au code de commerce américain et au fonctionnement de la Cour pénale internationale. Il n’y a donc pas de rapport avec la protection des données privées pour un utilisateur européen, et même pour les ressortissants et citoyens américains, le texte UCC 1–308–1 1 308–103 est ici mal interprété.
# Indice 3 : Vient ensuite la note avec ses redondances, sa mise en garde et son invitation à copier/coller. C’est cet élément qui est le plus interpellant car en copiant/collant, l’utilisateur devient l’auteur du texte, il prend la responsabilité du contenu publié.
# Indice 4 : Enfin, l’absence de sources argumentant le bien-fondé ou la véracité de ce texte cible l’utilisateur crédule, qui fera davantage confiance à ses « amis » qu’à un article de presse par exemple. On ne sait jamais, dirons-nous !
Les sites d’in-faux :
A la différence des Hoax, certains sites se sont spécialisés ouvertement dans le canular dans un but parfois humoristique, parfois critique. Ils dénoncent toujours la naïveté des internautes qui partagent et surtout qui commentent les articles qu’ils publient. (Le Gorafi, Bilboquet, Nordpresse…).
Hémorragie informatique
Vérifier la véracité et le bien-fondé d’un message sur internet est assez simple, même si cela peut sembler compliqué pour un internaute occasionnel. Cependant, il faudrait que ce qu’on trouve sur internet soit toujours fiable et que tous les sites d’information respectent le code de déontologie journalistique. En effet, de nombreux sites aux apparences respectables ne sont pas édités par de vrais journalistes avec la neutralité et l’objectivité, même relative, qu’on devrait en attendre. NOVOpress, les Observateurs.ch, Boulevard Voltaire par exemple, qui sont tous des sites qui se revendiquent d’extrême droite.
Continuons à comparer internet à une scène de crime, et dégageons un premier complice : le moteur de recherche ! Alors que l’invitation à l’utiliser pour débusquer le message fallacieux vous est conseillée plus avant, c’est sans compter sur le système de référencement expliqué brièvement ci-dessous.
Un virus mutant
Pour comprendre comment une information non vérifiée peut se retrouver en tête des réponses d’un moteur de recherche, il faut se plonger dans le fonctionnement de ceux-ci.
En voici un résumé sommaire :
Les moteurs de recherche utilisent des « robots », des centaines de milliers de machines qui parcourent internet sans relâche et enregistrent une partie de leurs contenus ainsi que tous les liens qui partent ou arrivent vers les pages qu’ils ont examinées.
Ces contenus et liens sont indexés dans d’immenses bases de données à partir de mots clefs. C’est ce qui permet à Google de vous proposer rapidement une réponse à une recherche sur les plusieurs milliards de pages internet existantes. Si vous tapez le mot “robinet”, le moteur de recherche ouvrira l’index robinet, ou sont archivées toutes les pages contenant le mot robinet). Enfin, les machines analysent la pertinence des réponses en prenant en compte le nombre de liens et de clics vers les pages internet se trouvant dans l’index. Plus la page est consultée et citée, plus elle sera placée haut dans les réponses de votre moteur de recherche.
Donc, avec la complicité, volontaire ou non, de communautés d’internautes, une page contenant de l’information non vérifiée sera plus crédible pour Google qu’un site d’information soumis à une certaine éthique. Il faut donc faire preuve de bon sens et de vigilance et favoriser le recoupement des sources et l’analyse de celles-ci. Parce que dans cette masse illimitée d’informations, il est devenu vraiment difficile de faire la distinction entre les vraies et les fausses informations et les Hoax y contribuent énormément.
Bon réflexe à avoir sur les sites d’informations que vous ne connaissez pas :
Cliquez sur les pages « A propos » des sites que vous consultez (si elles existent) ou encore déroulez le site jusqu’en bas de page pour y découvrir les liens vers les sites et blogs partenaires.
Les séquelles de la contamination
Outre le fait que l’utilisateur se rende ridicule après le partage d’une fausse alerte enlèvement, d’autres dangers sont à craindre de la propagation de rumeurs sur internet.
Le copier-coller rend la source intraçable ; n’importe quelle personne ayant partagé un contenu diffamatoire pourra donc être désigné comme étant son auteur. C’est d’autant plus problématique lorsque celle-ci est partagée par mail avec l’inscription d’une signature qui peut être liée à son lieu de travail.
Un simple message peut mener à l’engorgement, voire à l’abandon d’adresse mail ou de ligne téléphonique. Par exemple, l’internaute dont le groupe sanguin est A rhésus négatif sera tenté de sauver Noélie, la petite fille de 9 mois atteinte d’une leucémie rare en attente d’une greffe de moelle. Il appelle donc l’établissement français du sang de Bois-Guillaume, qui est harcelé d’appels à chaque nouvelle apparition de ce message qui circule sur nos réseaux depuis 2002.
Enfin, il existe le risque d’insensibilisation de l’internaute qui, à force de répondre aux alertes au loup, finira par ne plus se mobiliser quand une cause véritable se présentera à lui. Dans le même ordre d’idées, l’internaute sera également plus enclin à ne plus croire l’information fiable des sites de presse pourtant soumis au code de déontologie, sourcés et documentés, ou à ne plus avoir envie de chercher à s’informer. Le vrai danger est aussi là…
Dernier bon réflexe :
Avant de partager, de « liker » ou de commenter un article ou un lien, lisez-le jusqu’au bout ! Un article partagé sur deux n’a pas été ouvert, ce qui signifie que 50% des internautes limitent leurs informations à un titre, un résumé et une image.
Vaccin en cours de développement
Oui, l’espoir est permis en ce qui concerne la limitation de l’épidémie de rumeurs sur internet. Et c’est à l’utilisateur ordinaire que nous le devons, avec la mise en ligne de sites de décryptage tels que Hoaxbuster.com, Hoaxkiller.fr pour les informations générales, ou debunkersdehoax.com, le site spécialisé dans le décryptage des rumeurs d’extrême droite.
Ces sites fonctionnent grâce à la participation d’internautes bénévoles qui alertent les sites de chasseurs de Hoax et qui relaient la vérification et l’analyse de ces messages frauduleux.
Vous pouvez participer à la vaccination de la toile en vous rendant régulièrement sur ces sites, en les alimentant ou en partageant leurs articles !
Avec un peu de vigilance et quelques bons réflexes, nous pouvons, ensemble, faire du web, un meilleur média.
Sources : Hoaxbuster/Hoaxkiller/Le Monde/Médiapart
A méditer
Les hoaxes sont des messages informatiques qui circulent sur les réseaux sociaux, souvent urgents, à transférer au plus grand nombre. Ils jouent sur les émotions pour diffuser des rumeurs et des fausses informations.
– Ai-je déjà été confronté à des hoaxes ? Comment ai-je réagi ?
– Sur les réseaux sociaux, suis-je attentif aux sources des informations qui sont partagées ?
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