Surfez couverts ! (Contrastes, septembre 2018)
2018, L’ODYSSÉE DES GAFA*
En 1978, j’avais 14 ans quand j’ai vu pour la première fois au cinéma le film « 2001 l’Odyssée de l’espace » de Stanley Kubrick. J’ai très clairement en tête la scène où un des protagonistes se trouve dans une station spatiale gigantesque et où il téléphone à sa fille pour lui souhaiter bon anniversaire. Ce coup de fil s’apparente aujourd’hui à un échange sur Skype ou sur Whatsapp, rien de plus anodin de nos jours. Mais à cette (lointaine) époque, sur mon siège de cinéma, je me souviens très clairement de ma pensée : « OK pour la station spatiale gigantesque, OK pour le voyage habité vers Jupiter, OK pour l’hibernation, OK pour une pierre noire qui circule dans l’espace infini, mais utiliser un écran et un micro sans fil pour téléphoner depuis l’espace… c’est du grand n’importe quoi, ça n’arrivera jamais ! ». 25 ans plus tard, Skype fait son apparition.
Et je suis donc devenue une grande fan de science-fiction. En 2002, je ne rate pas la sortie du film « Minority Report ». Ce coup-ci c’est Steven Spielberg qui s’y colle. L’action se passe en 2054. À nouveau une scène m’interpelle : le héros est tracé grâce à la reconnaissance faciale et plus spécifiquement la reconnaissance oculaire. Quand il rentre dans une grande surface, il est accueilli par un écran qui affiche son nom, lui souhaite la bienvenue et lui propose une promotion sur des achats potentiellement intéressants pour lui par rapport à ses emplettes précédentes ! 2002 ! Il y a 16 ans de cela, et cette technologie existe déjà dans certaines parties du monde !
Mais la science-fiction ne devient pas toujours réalité, cessons ces pensées alarmistes ! Alors pourquoi tout un dossier sur les Big Data, sur la puissance des GAFA ?
Qu’est-ce que c’est que cette histoire de récoltes de données, d’algorithmes prédictifs ? Est-ce que la science-fiction nous rattrape ? Et qu’est-ce qui ne va pas encore ? Qu’est-ce qu’on va encore me reprocher sur mon comportement ? Moi, je veux me connecter sur mon smartphone et trouver un resto italien ouvert à Virton le dimanche soir sans me prendre la tête. Et si en plus ce resto a été liké par mes amis via Facebook, tant mieux ! Je veux alléger mon portefeuille et n’avoir qu’une carte à puce : identité, banque, carte de fidélité, parc à containers, mutuelle ! Quoique, une carte c’est encore de trop, puisque je peux presque tout gérer via mon smartphone ! Je n’ai rien à cacher ! J’ai même tout à y gagner : je reçois des notifications de promotions sur mes achats potentiels, des notifications sur des rencontres probables dans mon quartier, des propositions de divertissements qui correspondent à mes envies ! Les géants du web se font des montagnes d’argent sur mon dos ? Je veux qu’on me le prouve !
Il y a quelques mois, mon fils m’a offert la trilogie « Fondation », écrite par Isaac Asimov en 1942. Le héros invente une nouvelle science, la psychohistoire, fondée sur la loi des grands nombres et le calcul des probabilités qui permet de « prévoir l’avenir ». Et finalement, l’avenir de l’humanité est prise en main par des robots car nous, humains, sommes considérés dans ce roman comme des enfants qui jouent, insouciants des conséquences de leurs actes ! Dans la même veine, j’ai récemment assisté à une conférence donnée par un professeur de mathématique de l’ULB qui travaille avec son équipe sur les algorithmes prédictifs basés sur l’analyse de récolte de données individuelles. Ce discours de l’Homme incapable de se gérer collectivement était le sien ! Pour lui, la seule solution était de mettre en place une dictature technologique bénéfique pour la sauvegarde de l’humanité et de la planète !
Voilà pourquoi vous allez dévorer les pages de ce dossier : nous resterons critiques, libres et prêts à l’action !
* Google, Apple,Facebook, Amazon.
Sommaire
p2 – Edito. 2018, l’odyssée des GAFA
p3 – Black Mirror Power
Aujourd’hui comme tous les autres jours, vous vous réveillerez, jetterez peut-être un oeil à votre partenaire, puis, vous likerez, tweeterez, retweeterez, posterez, vous scruterez votre fil d’actualité pour vous assurer que vous n’en aurez pas perdu une miette. Ensuite, vous recommencerez plus de 26 fois * dans la journée. Le black mirror ** toujours à portée de main, vous surferez sur la vaste étendue, cet océan de contenus, presque surréaliste puisque infini. Vous y rechercherez des infos mais en même temps, vous y laisserez les vôtres parfois même sans le savoir. Qui exploite vos traces sur le net et à quelles fins ?
p7 – Géolocalisation : La banalisation de la surveillance
Notre vie numérique est parsemée d’actions, de traces invisibles à l’oeil nu que nous laissons derrière nous lors de notre passage sur le net. Ces empreintes sont enregistrées, collectées sur des serveurs par des firmes dans une visée de marketing. Parmi les données, on trouve celle de la géolocalisation. Où que l’on se trouve sur le globe, on peut aujourd’hui identifier notre position. Serions-nous traqués ?
p10 – RGPD : Un parapluie pour protéger ses données personnelles
Nous avons tous entendu parler du fameux RGPD, le nouveau règlement européen sur la protection des données personnelles, entré en vigueur en Europe depuis le 25 mai dernier. De qui s’agit-il ? Nous protège-t-il de tous les abus en matière d’utilisation de nos données personnelles à des fins commerciales ?
p12 – Comment nos données nous échappent-elles ?
p14 – Interview. « Des enjeux économiques et démocratiques »
Pour THOMAS LEMAIGRE , chercheur indépendant, enseignant, co-directeur de la Revue Nouvelle ce n’est vraiment pas une bonne idée pour la démocratie qu’on soit tous espionnables à merci. Et le formatage des offres de contenus qui s’opère grâce aux algorithmes réduit à notre insu nos goûts et notre horizon de pensée. Il ne prône pas l’abstinence numérique, mais le développement de l’esprit critique et la création d’outils numériques pour préparer la contre-attaque.
p17 – Les algorithmes formatent-ils nos goûts?
Lorsque nous écoutons de la musique sur Youtube ou sur Spotify, nous sommes assaillis de suggestions. Des playlists sont préétablies pour nous, sur base de ce que nous écoutons déjà et de ce que nos amis écoutent. Ce qui est incroyablement séduisant, c’est que ces propositions visent souvent très juste.Ce petit miracle est permis par l’amélioration permanente de ce qu’on appelle les algorithmes de recommandation.
p18 – Comment éviter de se faire déshabiller par Google & Co ?
Vous n’avez pas envie que Google & Co connaissent le prénom de votre chat, vos préférences sexuelles ou le type de plante verte que vous affectionnez particulièrement ? Vous ne voulez pas qu’ils se fassent du fric sur votre dos ? Alors ces conseils sont pour vous. Loin de pouvoir vous rendre totalement invisible sur le net, voici quelques trucs et astuces pour limiter l’accès à votre vie privée.
p20 – Impuissants face aux GAFA ?
Quelques propositions à défendre, et des idées à mettre en chantier
p22 – Interview minute. « On peut bousiller leur business model ! »
PHILIPPE LAMBERTS, co-président du groupe des Verts au Parlement européen, n’a pas sa langue en poche. Nous lui avons demandé ce qui peut, selon lui, contrecarrer la toutepuissance des géants du Net.
p23 – Récupérer la valeur de nos données personnelles ?
La gigantesque masse de données que nous fournissons aux GAFA est utilisée par ces multinationales pour gagner de l’argent. Comment ? En les vendant à des fins publicitaires. L’ensemble de ces données, agrégées massivement, traitées par des algorithmes, permettent un ciblage des publicités qui vaut cher pour n’importe quelle entreprise. Les données personnelles ont donc une valeur commerciale. On estime que l’ensemble du marché des données en Europe pourrait peser environ 1.000 milliards d’euros en 2020.
Prix au numéro : (2 € + frais d’envoi)
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