RÉCUPÉRER LA VALEUR DE NOS DONNÉES PERSONNELLES ?
La gigantesque masse de données que nous fournissons aux GAFA est utilisée par ces multinationales pour gagner de l’argent. Comment ? En les vendant à des fins publicitaires. L’ensemble de ces données, agrégées massivement, traitées par des algorithmes, permettent un ciblage des publicités qui vaut cher pour n’importe quelle entreprise. Les données personnelles ont donc une valeur commerciale. On estime que l’ensemble du marché des données en Europe pourrait peser environ 1.000 milliards d’euros en 2020.
Il est fréquent de considérer que cette cession de nos données est, en quelque sorte, la contrepartie logique de la gratuité des innombrables services que nous offrent Google, Facebook, Apple, Amazon. Nous payons ces services sous forme de données personnelles. Mais le deal est-il équitable ? Ne faut-il pas récupérer une partie de cette valeur ? Et si oui, comment ? Voici les réponses qui correspondent à des philosophies différentes.
– Selon une approche libérale, les individus devraient pouvoir gérer eux-mêmes la vente de leurs données. Le think tank Génération Libre, en France, défend la création d’un droit de propriété individuel sur les données personnelles. Cela permettrait aux utilisateurs de contractualiser, de monétiser leurs données, pour les vendre ou, au contraire, pour payer le prix des services fournis par les GAFA en échange d’une non-utilisation des données personnelles.
– Dans une approche similaire, Test-Achats, en Belgique, mène actuellement une action collective contre Facebook : avec ses organisations soeurs italienne, portugaise et espagnole, elle réclame 200 euros de dommage pour tous les utilisateurs, pour l’utilisation abusive de données révélée par le scandale Cambridge Analytica. Il s’agit ici d’une campagne ponctuelle, visant une rétribution individuelle. Selon La Libre en ligne, 19.500 personnes s’y sont inscrites.
– Toujours dans une logique de choix individuel, une quatrième approche est d’obliger les GAFA à laisser aux utilisateurs le choix de payer une redevance d’utilisation, avec à la clé l’interdiction de capter nos données personnelles. A l’inverse de Test-Achats, il ne s’agit donc pas de demander une compensation financière aux GAFA parce qu’ils utilisent nos données, mais bien de les payer pour qu’ils n’utilisent ou ne vendent pas nos données.
– Certains s’inquiètent de ces perspectives de commercialisation individuelle des données, défendant plutôt la protection de la vie privée plutôt que sa marchandisation. C’est cette philosophie qui préside au récent règlement européen de protection des données (RGPD).
– Enfin, pourrait exister une revendication plus collective : une taxation des GAFA afin de socialiser la richesse récupérée. La manière de redistribuer cette richesse peut varier d’une approche à l’autre. Cela peut prendre la forme d’une rétribution directe des citoyens ou plutôt d’investissements collectifs.
Ces différentes options soulèvent des débats de société importants. Aux Équipes Populaires, nous nous situons évidemment dans une tradition de protection par le droit et de gestion collective de la richesse créée. Il ne nous semble ni souhaitable ni possible que chacun devienne le petit entrepreneur de ses données personnelles. Cela augmenterait encore davantage les inégalités. À ce stade néanmoins, vu la complexité du sujet et des enjeux économiques, il serait aventureux d’avancer des chiffres précis.
Guillaume Lohest