Enquête : l’énergie, on maîtrise ?
Le thème de l’énergie fait l’objet, au quotidien, de nombreuses questions. En effet, il n’est pas rare d’entendre ou d’assister à des discussions sur le coût des énergies (électricité, charbon, gaz), sur le type de consommation à favoriser ou pas, sans compter les infos diffusées au travers des médias, le « black-out » (pénurie ou pas), problème de production (nucléaire ou pas), coût de la privatisation du marché de l’énergie… L’école des consommateurs des EP de Quaregnon et les travailleurs sans emploi de la CSC ont décidé d’y voir plus clair et de s’engager pour lutter contre la précarité énergétique.
A l’Ecole des consommateurs des Equipes Populaires de Quaregnon, régulièrement, de nombreux ateliers ont abordé ce sujet. Parce que l’énergie prend une part de plus en plus importante dans les charges du ménage et est une préoccupation quotidienne.
Les différents ateliers ont pu ainsi prendre le temps de comparer nos pratiques, nos trucs et ficelles pour essayer de consommer moins d’énergie, de discuter des difficultés que certains locataires rencontraient. Mais aussi des propriétaires de logements anciens. En effet, si nous sommes locataires ou propriétaires, cela change la façon dont nous devons (ou pouvons) agir. Si je suis locataire, le propriétaire est-il d’accord de faire des travaux d’isolation ? Si je suis propriétaire, mes revenus me permettent-ils de faire ces travaux
? Ces ateliers sont aussi des moments de recherche d’information, de compréhension du système : qui sont les acteurs, quels sont leurs rôles et leur fonction, quelles sont les démarches à effectuer pour obtenir des aides… ?
Mais, même en faisant attention tous les jours, en cumulant tous les petits gestes (ne pas chauffer toutes les pièces, éteindre les luminaires en sortant d’une pièce, installer rideaux et tentures…) pour économiser les énergies, celles-ci restent un poste financier important dans le budget du ménage !
Cela devient tellement important, que des personnes (nous y compris) ont de plus en plus de difficultés à faire face aux factures !
Nous avons participé au colloque « Précarité énergétique : De la privation de sens au pouvoir d’agir », organisé par les Equipes Populaires en avril 2017. Les premières réactions ont été : Mais comment est-ce possible que des personnes n’aient pas accès à l’énergie ? Comment peut-on interdire à des personnes de vivre dignement ? Nous ne pouvions en rester là !
Envie de bouger
Avec l’école conso des Equipes Populaires et les TSE de la CSC, nous voulions nous interroger et interpeller sur l’exclusion énergétique. Et nous nous sommes lancés dans un projet commun : Une enquête !
Nous voulions savoir comment cela se passe chez nous et près de chez nous. Y a-t-il des situations d’exclusions ? Comment faire face à cette situation ? Quelles sont les politiques mises en place pour éviter les exclusions ? Et à quel niveau ? (communal, régional…) Que font les sociétés de distribution d’énergie ? Les actes (individuels et collectifs) posés pour faire face à l’exclusion sont-ils efficients ?
Nous voulions aussi interpeller localement, entre autres lors des élections communales. Car l’accès à l’énergie est un enjeu de société et les politiques publiques de consommation mises (ou non en place), crée des inégalités et des injustices. Nous voulions également interpeller des services d’aide existants et des sociétés concernées. Car les informations sur les droits et obligations existent, mais est-ce suffisant ? Des campagnes d’informations régulières et plus ciblées ne devraient-elles pas se faire ?
Nous voulions aussi par ce projet, donner une visibilité des groupes EP et TSE existants ? Et ainsi faire connaître et développer de nouveaux projets, de nouvelles animations…
Les étapes du projet
1. L’enquête
C‘est un exercice ludique et sérieux à faire en groupe ! En plus, dans notre projet, il y a un échange entre les groupes (TSE/CSC et Equipiers) pour savoir ce que nous voudrions connaître, ce que nous cherchons à vérifier ? Jusqu’où aller dans les questions à poser : Situation familiale ou pas (marié, cohabitant, avec ou sans enfants…). C’est également une manière de se mettre en route pour rencontrer des personnes sur les marchés, dans les salles d’attente, lors de manifestations…
Après quelques échanges, nous décidons de faire une enquête1. Mais la réalisation d’une enquête demande de prendre le temps ! En effet, à qui va-t-on s’adresser ? Comment allons-nous la diffuser ? Comment va-t-on la distribuer ? Va-t-on la remplir avec les gens ? Combien de temps les personnes vont-elles devoir y consacrer pour la remplir ? Quelles questions, quelles formes (choix multiples, oui/non…) ? Tout le monde ne sait pas ou ne veut pas écrire !
Ensuite, il nous faut régler d’autres questions : qui se mobilise et qui on mobilise pour ce défi ? Comment inviter les différents groupes des EP et des TSE à utiliser l’enquête pour aller à la rencontre des personnes dans leur commune, leur quartier… Au total, 154 questionnaires ont été récoltés par les militants. Ce n’est donc pas une enquête scientifique mais le nombre de réponses a permis d’avoir un regard suffisamment large pour en tirer des conclusions.
2. Le dépouillement2
Qu’est-ce que nous retenons des réponses reçues ? Qu’est-ce que nous avons oublié et qu’il aurait été intéressant d’avoir comme info ?… Que devrions-nous faire pour compléter les informations que nous avons réunies ? Quelles perspectives de travail ? (dans le groupe, dans la régionale, avec le MOC, avec la plateforme logement…)
Les résultats ont été analysés dans les groupes. Ces moments d’échange ont permis de relever des questions, des points importants sur les droits des personnes, des inégalités et des différences entre d’une part les femmes et les hommes, d’autre part les propriétaires et les locataires, ensuite entre les moins de 35 ans et les plus de 55 ans…
La moitié des personnes interrogées nous ont par exemple dit qu’elles devaient se priver ou restreindre leur consommation d’énergie, 74% considèrent que se chauffer et s’éclairer est devenu un luxe. Et la grande majorité (88%) mettent en place des trucs et astuces pour économiser l’énergie.
Par contre, en ce qui concerne les solutions collectives, on a constaté un manque d’information et une grande défiance envers les acteurs du secteur : seuls 48% des répondants disent avoir connaissance des dispositifs mis en place en matière d’aide aux dépenses d’énergie, 32% seulement font confiance aux services sociaux et seulement 13% aux opérateurs.
Autre résultat interpellant : à la question « Comprenez-vous vos factures d’énergie ? », 6 personnes sur 10 ne la comprennent pas ou ont besoin d’explications par rapport à leur consommation et aux frais annexes de la facture.
3. Les suites
Journée d’échanges et de présentation publique des résultats
le 15/05/2018 à la Maison Ouvrière
Cette première activité a réuni une petite vingtaine de personnes (les membres du groupe et certaines personnes ayant répondu à l’enquête). Il était important de leur communiquer les résultats et de partager les constats et les questions soulevées par les enquêtes. Mais aussi parce que lorsque les personnes ont rempli le questionnaire, cela a suscité chez certaines d’entre elles une envie d’en savoir plus. De connaître leurs droits et leurs obligations lorsque des situations difficiles apparaissent. De découvrir pour certains participants qu’ils ne sont pas si seuls dans ces situations et que d’en parler avec d’autres peut les aider aussi ! Mais que les solutions proposées ne sont pas toujours aussi efficaces pour lutter contre l’augmentation de la part « énergie » dans le budget des ménages.
Une assemblée régionale sur les compteurs à budget et les compteurs « communicants » le 27/06
Avec la présence des animatrices du RWADE et d’Eric Mercier, délégué CNE chez ORES. La soirée d’information a permis de comprendre les avantages et inconvénients de ces systèmes. Quels impacts sur les ménages, sur les budgets publics, sur les comportements des consommateurs mais surtout quelle protection de la vie privée.
Participation aux débats électoraux, car il existe des liens entre santé et précarité énergétique. Il existe des moyens au niveau communal pour agir et lutter pour un droit à l’énergie. Les CPAS peuvent sûrement agir. Mais des politiques communales plus concertées pour soutenir et développer entre autres de véritables dialogues entre les locataires et les propriétaires (privés – publics). Développer et renforcer les campagnes d’information sur les obligations et les droits des utilisateurs face aux prestataires de service.
D’autres perspectives
La poursuite des ateliers conso sur d’autres questions : l’accès à l’eau ? Le développement d’autres ateliers conso énergie. Continuer à parler de l’accès à l’énergie, car c’est un droit à développer.
Le soutien à des associations d’information des consommateurs est précieux ! La preuve, les politiques de financement de ces organisations sont en diminution, voire supprimées !
Alberto Granados (régionale du Hainaut-centre)
1. Certains voulaient faire des interviews radio, d’autres un reportage photo…
l’imagination ne manque pas. Mais les aspects techniques sont importants.
2. Les résultats complets de l’enquête sont disponibles auprès des Equipes
Populaires Hainaut Centre.