BELGIQUE : UN SECTEUR IMPACTÉ INÉGALEMENT PAR LA PANDÉMIE (Juin 2021)
Monique Van Dieren, Contrastes juin 2021, p13–14
Après les attentats terroristes de 2016 à Bruxelles, le moral du secteur touristique belge est en berne, en particulier à Bruxelles. Les touristes étrangers fuient les pays et les villes devenues tristement célèbres, le niveau d’alerte terroriste plombe l’envie de voyager en Europe.
Mais en 2019, le secteur touristique en Belgique respire, les chiffres de fréquentation des hôtels et sites touristiques sont en hausse. Cette tendance se confirme également les trois premiers mois de 2020… Et puis bardaf, c’est l’embardée !
Chaque année, la Belgique accueille environ 10 millions de touristes dont plus de 6 millions de touristes internationaux, la plupart venant des pays voisins. Le secteur représente un chiffre d’affaires d’environ 9 milliards de dollars[1]. Plus globalement, le secteur des attractions touristiques et musées en Belgique totalise environ 20 millions de visiteurs annuels. Le territoire de la Belgique regorge d’idées d’excursions : grottes, parcs animaliers, parcs d’attractions, musées, etc.
La facilité d’accès, la densité des transports en commun et la proximité des lieux touristiques font de la Belgique une destination populaire pour les vacanciers européens. La majorité du secteur touristique est concentré à la côte et en Ardennes. Bruxelles et les villes flamandes (Anvers, Bruges et Gand) attirent aussi chaque année des milliers de touristes.
Sur le plan économique, le secteur touristique représente 1,8% du PIB (chiffres de 2016), ce qui est relativement faible par rapport à la moyenne européenne (3,4%) et emploie environ 335.000 personnes[2]. Ces chiffres sont cependant difficilement mesurables car de nombreux secteurs vivent du tourisme de manière indirecte, en particulier le secteur de l’Horeca.
Panorama du secteur en 2019
Plus de 42 millions de nuitées ont été réservées en 2019 en Belgique[1] : 26 millions en Flandre, 9 millions en Wallonie et 7 millions à Bruxelles. En Région wallonne et à Bruxelles, ce chiffre était en nette augmentation par rapport à 2018. La moitié des nuitées étaient réservées dans un hôtel. Viennent ensuite les maisons et gîtes (16%), les villages de vacances (13%) et les auberges de jeunesse (10%). Sans surprise, la majorité des nuitées à l’hôtel étaient réservées par des touristes étrangers.
D’où viennent les personnes qui passent leurs vacances dans notre pays ? La moitié sont des Belges ; les Wallons aiment la mer du Nord… et les Flamands adorent nos Ardennes ! 40% proviennent d’autres pays de l’UE (dans l’ordre : Pays-Bas, France, Angleterre). Les 10% restants proviennent des autres continents (Etats-Unis, Chine, Russie, Japon, Brésil).
La Wallonie tire son épingle du jeu
Comme l’Horeca et la culture, le secteur du tourisme a été fortement touché par la pandémie de coronavirus. Le nombre de nuitées passées dans des hébergements touristiques en Belgique a chuté de 52% l’année dernière par rapport à 2019, indique l’office de statistique Statbel[5]. La désaffection des clients étrangers était particulièrement marquée avec une baisse de 69%, contre 36% pour les Belges. Le bilan touristique de l’été 2020 a cependant été contrasté : la Wallonie a tiré son épingle du jeu, tandis que le tourisme bruxellois a été quasiment paralysé[6].
Bilan moyen pour la Wallonie. Le tourisme local semble avoir partiellement sauvé la saison touristique wallonne. L’allongement de la durée du séjour combiné à l’augmentation du nombre de touristes locaux a permis au secteur touristique wallon de limiter la casse. Les séjours en gîte ont eu la cote, avec un taux d’occupation de 97% des gîtes via « Ardennes Etapes ».
La situation sanitaire a manifestement poussé les touristes à privilégier les activités de plein air. Les touristes ont visiblement préféré éviter les foules. Ce bilan wallon satisfaisant pour l’été 2020 n’a cependant pas été suffisant pour éponger les pertes importantes subies au printemps, lorsque le secteur touristique était littéralement à l’arrêt.
Le tourisme bruxellois paralysé. Le bilan touristique bruxellois de l’été 2020 a été nettement moins bon, car il dépend à 85% des visiteurs étrangers. Peu de grandes villes ont attiré les foules cet été en raison de l’épidémie, et Bruxelles n’a donc pas pu compenser l’importante perte de clientèle internationale par le tourisme local. Le secteur hôtelier bruxellois a été la première victime de ce ralentissement. La fréquentation des musées et attractions a aussi connu une très forte diminution.
Les agences de voyage dans la tourmente
Souvenons-nous que l’année 2019 a connu la faillite du voyagiste Thomas Cook, très actif en Belgique, qui employait plus de 500 personnes. Cette faillite a également impacté les voyages de 70.000 Belges. Elle a fait le bonheur de Tui, un autre tour-opérateur très actif en Belgique. Une partie des agences et des ventes de voyages ont été reprises par Neckermann.
Dans un article publié dans La Libre du 11 février 2020, on peut lire : « Le géant allemand s’attend à une forte croissance du chiffre d’affaires. Tui constate en effet une croissance de 14% des réservations de voyages pour l’été 2020 et espère voir cette tendance se prolonger. D’autant que l’impact du coronavirus chinois est à peine palpable : « Nous n’avons pas de voyageurs en Chine durant la basse saison et notre cœur de métier est le soleil et la plage, ce que nous ne proposons pas en Chine », assure un porte-parole auprès de l’AFP. » SIC !
L’euphorie de Tui aura été de courte durée, puisque moins de deux mois plus tard, ses agences de voyage fermaient et ses avions étaient cloués au sol pour de longs mois…
Des mesures gouvernementales pour soutenir le secteur
La Belgique a plaidé au niveau européen pour interdire les voyages à l’étranger pendant la pandémie, non seulement pour limiter la propagation du virus mais aussi pour soutenir le secteur touristique belge. Et ça a porté ses fruits, puisque les dégâts ont été limités par le fait que de très nombreux Belges sont restés au pays pour passer leurs vacances ou y faire des excursions d’un jour. Par ailleurs, les régions ont consacré d’importants budgets pour soutenir le secteur : 30 millions en Flandre en 2021[7], 1,75 million à Bruxelles en 2021[8], 85 millions en Wallonie pour les trois prochaines années[9].
Le bilan 2021 devrait être meilleur que celui de 2020, à condition que les prévisions d’un net ralentissement de la pandémie se confirment. Le redéploiement de la culture devrait aussi contribuer à relancer le tourisme, et vice versa.
« Ne serait-il pas temps pour les forces vives du tourisme d’investir la même énergie et le même enthousiasme dans le soutien à la culture qu’il l’a fait pour un tourisme plus éco-responsable ? se demande Denis Genevois[10]. En Belgique, un fossé encore trop grand sépare tourisme et culture. Il est plus que temps de décloisonner dans les actes et surtout, d’explorer et d’exploiter toutes les pistes qui permettent au tourisme d’aider les acteurs culturels à se redresser avant qu’il ne soit trop tard…. »
Et les Belges à l’étranger ?
En 2019, 23 millions de voyages ont été effectués par la population belge (40% une à trois nuits, 60% quatre nuits ou plus), dont 2 millions pour des raisons professionnelles. Pour des séjours de quatre nuits ou plus, la France est la destination privilégiée (23%), devant la Belgique (13%) et l’Espagne (12%).[1]
D’après le tour-opérateur Tui, les vacanciers belges semblent progressivement se détourner vers des destinations moins touristiques, plus authentiques. Ils privilégient par exemple Lanzarote ou la Calabre aux plages bondées de la Costa Brava, le Languedoc-Roussillon et la Normandie à celles de la côte d’Azur. Ils affectionnent aussi les destinations verdoyantes près d’un lac ou en montagne, comme la Moselle, le Danemark ou la Slovénie.
Il est cependant important de souligner que 35% des ménages wallons n’ont pas la capacité financière de partir une semaine en vacances par an (Calcul IWEPS).
[1]https://statbel.fgov.be/fr/themes/menages/enquete-sur-les-vacances-et-les-voyages
1. https://fr.wikipedia.org/wiki/Tourisme_en_Belgique#R.C3.A9gion_wallonne
Attention, ces chiffres datent de 2016.
3. https://statbel.fgov.be/fr/nouvelles/chiffres-du-tourisme-2019
4. Le Soir, 26 mars 2021
6. Métro, 30/12/2020
7. Bx1, 10/05/2021
9. Dans un article publié sur https://www.etourisme.info/decloisonnons-ou-le-tourisme-au-secours-de-la-culture/
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