DIGITALISATION : LA NOUVELLE FRACTURE SOCIALE ( Contrastes novembre – décembre 2021)
Les droits sociaux en danger
La revue est téléchargeable gratuitement en bas de page
A des degrés divers, nous rencontrons quotidiennement des difficultés dans nos démarches/tâches quotidiennes. En cause, la digitalisation galopante de tous les secteurs de la vie en société : à l’école, au travail, dans nos achats, dans nos contacts interpersonnels, dans nos rapports aux administrations publiques.
La pandémie a donné un coup d’accélérateur à la digitalisation, mais elle a dans le même temps contribué à creuser le fossé entre les personnes qui possèdent des compétences numériques et celles qui, même si elles possèdent une connexion internet, ont des difficultés à effectuer des démarches administratives essentielles pour maintenir ou accéder à leurs droits sociaux (chômage, CPAS, mutuelle, services communaux, etc.). Les fractures sont multiples ; fractures d’accès, d’usage, de compétences.
L’étude réalisée par Patricia Vendramin et Périne Brotcorne1 montre que les fragilités numériques sont liées de près à la situation sociale et économique des citoyens. « Les personnes sans accès ou disposant de mauvaises conditions d’accès aux technologies numériques (qualité de l’équipement informatique et/ ou de la connexion internet, par exemple) ainsi que celles moins autonomes sur le plan de leur utilisation sont généralement plus pauvres, plus âgées, moins diplômées, moins souvent actives professionnellement, et/ou plus isolées que les
autres. »
Le danger de cette accélération galopante, c’est que les services autrefois accessibles par téléphone ou dans les bureaux abandonnent définitivement le contact direct avec les personnes qui n’ont pas les compétences suffisantes pour effectuer leurs démarches administratives en ligne. Les services sociaux dont les bureaux ne sont pas fermés sont débordés de demandes d’accompagnement ou de formation de base au numérique.
L’évolution constante du numérique oblige les citoyens à une mise à jour permanente de leurs compétences, ce qui en décourage certains. Comme le soulignent les auteures de l’étude, « l’obsolescence progressive du matériel (ordinateur ou smartphone obsolète, version dépassée de logiciels) se double ainsi d’une obsolescence des compétences numériques ».
Ne serait-il dès lors pas indispensable d’appuyer sur Pause, comme le suggère Guillaume Lohest dans son article ? Le temps de réfléchir au sens des évolutions technologiques ; le temps de permettre aux passagers les plus fragiles de monter dans le train du numérique plutôt que de les laisser sur le quai d’une gare désaffectée…
Monique Van Dieren
1 Dans une étude parue dans la revue « Sociétés en changement » de l’Institut d’analyse du
changement dans l’histoire et les sociétés contemporaines (IACCHOS) en collaboration avec
l’Université Catholique de Louvain, Patricia Vendramin et Périne Brotcorne, sociologues et