COMMENT EXPLIQUER LE NON-RECOURS ? (Avril 2022)
Cette petite typologie du non-recours a été développée par Odenore1, l’observatoire français du non-recours.
Non-accès : les demandeurs se perdent dans la complexité des démarches et des informations parfois contradictoires qu’ils reçoivent. Perdus dans un labyrinthe administratif et des exigences de plus en plus élevées, ils abandonnent.
Exclusion : proche du non-accès, il s’agit ici des refus alors que la personne répond aux critères (erreurs ou appréciations abusives) ou de la suppression de certains droits par des changements de législations en cours de procédure.
Non-connaissance : les personnes n’ont pas l’information, elles ne savent pas qu’elles pourraient avoir droit à une aide. Elles « reçoivent trop ou trop peu d’informations, des informations erronées ou non actualisées qui peuvent ensuite parfois entraîner une perte temporaire ou définitive du droit par inéligibilité due à la perte de temps pour obtenir l’information correcte2 ».
Non-demande : les personnes choisissent de ne pas (ou plus) demander d’aide, par crainte de la stigmatisation sociale, par refus de la dépendance ou pour éviter d’entrer dans un « parcours du combattant » épuisant. Cela peut survenir « après plusieurs expériences négatives (mauvais accueil, délais trop longs, humiliation, absence de suivi, refus, exigences disproportionnées…)3 ».
Non-proposition : dans ce cas, ce sont les interlocuteurs sociaux qui ne proposent pas un droit auquel les personnes pourraient avoir recours. Cela peut s’expliquer par une mauvaise information des acteurs sociaux eux-mêmes, par la quantité d’informations à digérer, par un important turn-over des équipes, par des exigences de rendement par rapport à des budgets limités, mais aussi parfois sur des appréciations restrictives de certains droits par les travailleurs sociaux.
1. L’ODENORE, ou Observatoire des non-recours aux droits et services,
« est un dispositif de recherche du Laboratoire de sciences sociales PACTE et de l’Université Grenoble-Alpes qui a pour but d’observer, d’analyser et de diffuser des connaissances relatives à la question du non-recours dans les domaines des prestations sociales, de la santé, de l’insertion sociale et professionnelle, de l’autonomie, de la médiation sociale, des déplacements, de la lutte contre les discriminations, etc. » https://odenore.msh-alpes.fr
2. Laurence Noël, « Non take-up.brussels ou le non-recours aux droits sociaux en Région bruxelloise », Observatoire belge des inégalités, 18 juin 2018.
3. Idem.
Des chiffres épidémiques
- D’après une étude sur l’accès au revenu d’intégration sociale (Bouckaert & Schokkaert, 2011) : 57% à 76% des ayants droit n’y ont pas accès ;
- Tarif social pour l’électricité : en 2009 (avant le processus d’automatisation), il y avait 256.000 ménages ayant droit à un tarif social ; après le processus, en 2012, ce chiffre est monté à 390.965 ménages. Cela signifie 84% d’augmentation suite à l’automatisation du tarif social en 2018 (chiffres du SPF Economie) ;
- Droit « Secal » (acompte pour les pensions alimentaires impayées) : 30% de non-recours (source : Pacolet & Dewispelaere, 2012) ;
- Droit à une allocation-loyer en Flandre : seuls 53% des ayants droit potentiels renvoient le formulaire de demande et 41% en bénéficient effectivement (source : Vlaamse Woonraad, 2017) ;
- Droit à une fourniture minimale en gaz en Flandre : sur l’ensemble des personnes ayant un compteur à budget, seuls 19,27% ont fait la demande d’une fourniture minimale pour l’hiver 2017–2018 (source : VREG, 2018).
Fermés pour cause de pandémie
« L’indemnisation suite à l’accident de travail de Madame M. a été stoppée par l’assurance de son employeur. La mutuelle ne souhaite pas prendre le relais sans attestation de l’assurance et un avis médical et ce, en pleine période Covid. La mutuelle souhaite également des formulaires remplis en version papier ainsi qu’une copie de la composition de ménage accessible uniquement à la commune, fermée suite à la pandémie. Perte de droit : 2.800 € (2 mois de revenus de remplacement)1. »1. « Le non-recours comme conséquence des politiques de sécurité et d’assistanat sociales et comment l’éviter ? » Travail de fin de Certificat en Travail, Développement et Innovations Sociales (TDIS) 2020–2021