Quand les territoires se revivifient (Contrastes novembre-décembre 2022)
Objectif terre : en approche…
La revue est téléchargeable gratuitement en bas de page.
Il y a des femmes et des hommes qui, par leurs œuvres, leurs actes ou leurs réflexions, inspirent autour d’eux, suscitent des changements, influencent leur époque. De leur vivant déjà, mais bien au-delà. Le philosophe Bruno Latour, décédé le 9 octobre dernier, a consacré la dernière partie de son existence à découvrir et à explorer un territoire oublié, dont le Progrès, la mondialisation et la modernité nous avaient éloignés. Ce territoire, c’est le seul dont on dispose : la terre. Sous la plume de Latour, la terre ne désigne plus le globe terrestre, le « monde » de la mondialisation, ce réservoir de ressources qu’on pensait infinies, disponibles pour le « développement ». Par le mot « terre », le philosophe désigne plutôt le « terrestre », c’est-à-dire la mince couche qui abrite la vie, qui a été façonnée par le vivant lui-même, qui est menacée aujourd’hui par le dérèglement climatique et la destruction de la biodiversité.
L’un de ses derniers livres a pour titre « Où atterrir ? ». Cette question, d’une actualité brûlante, peut servir de fil rouge pour ce numéro de Contrastes. Pas seulement parce qu’elle a inspiré directement l’animation d’ateliers citoyens à Natoye (voir l’article de Laurent Quoibion et Peggy Lallemand), mais aussi parce qu’elle renvoie à toute une série de projets ou d’initiatives existantes qui ont en commun d’interroger la notion de territoire, de l’avoir pour point de départ même. C’est évidemment le cas des ZAD (zones à défendre), où des citoyen.ne.s s’installent pour préserver des espaces « terrestres » menacés d’être détruits et transformés en aéroports, en parkings, en zonings, en béton.
Les ceintures alimentaires et énergétiques, qui se développent en Wallonie, posent concrètement la question de la dépendance des villes à un approvisionnement lointain, industriel et mondialisé. Les « ceintures » sont une tentative de rééquilibrer les choses en favorisant les circuits de proximité. Quant aux GAL (groupes d’action locale), ils offrent des réponses similaires en milieu rural, en faisant collaborer des acteurs économiques et associatifs avec les pouvoirs locaux, au service d’objectifs de cohésion sociale, d’inclusion, de durabilité sur des petits territoires équivalant à quelques communes.
Même pour l’enjeu délicat de l’emploi et du manque d’emploi, l’approche par le territoire amène des renversements de perspective révolutionnaires. Les territoires zéro chômeur, dont Julien Charles explique le fonctionnement dans l’interview de ce numéro, changent radicalement le rapport entre les pouvoirs publics, les entreprises et les personnes privées d’emploi. Ici, c’est l’emploi qui doit venir à elles – car c’est un droit – et non l’inverse !
Enfin, s’il y a bien des êtres humains aux prises avec la question d’un territoire à habiter, ce sont les personnes migrantes. Dans l’article de Laurence Delperdange, vous pourrez lire que certaines villes interculturelles tentent de faciliter leur atterrissage. Car leur exil n’est évidemment pas étranger à nos vies et à notre économie capitaliste « hors-sol ». C’est une seule et même question, commune à tous les « terrestres » : où vivre solidairement sans déborder sur du « hors-sol », sans piller d’autres sols, sans dérégler les équilibres du vivant ?
Bon atterrissage et bonne lecture !
SOMMAIRE
p3. Dans les ceintures alimentaires, nature et culture se réajustent
p6. « Où atterrir ? » avec Bruno Latour
p9. Interview : Julien Charles. Territoires zéro chômeur :Un emploi pour tous et pas juste pour les bisounours
p13. Les GAL… au service de la transition ?
p16 Les ZAD, foyers de résistance exemplaires
p19 Des cités interculturelles
Prix au n° : 4€ + les frais d’envoi
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