Débat Contrastes: L’art pour pe(a)nser le monde en vidéo !
Interroger l’art et la pratique artistique en tant qu’outils pour pe(a)nser le monde dans une démarche collective, c’est un vaste sujet qui nous a rassemblés au centre culturel de Namur le 2 décembre dernier.
L’art c’est complètement inutile, mais absolument nécessaire. C’est avec ces quelques mots qu’Elise Jacquemin, directrice du Miroir Vagabond (association socioculturelle active dans le nord de la province de Luxembourg) a ouvert le débat. Si l’art ne répond pas à un de nos besoins primaires, il n’en est pas moins fondamental. C’est un outil magique de changement de regard sur le monde poursuit Elise. L’art permet de s’exprimer différemment, d’avoir un autre regard sur les choses et sur le monde. L’art peut amener un débat, provoquer des rencontres improbables. Elise nous partage l’importance cruciale de se retrouver ensemble dans des mêmes espaces-temps, à créer et à communiquer, par l’oral, par le langage artistique, par le non verbal aussi après la période de pandémie et d’isolement que nous avons connue.
Convaincue de l’importance du développement de la créativité de tous, Marylène Toussaint, directrice de l’action culturelle au centre culturel de Namur, estime cependant que trop de gens pensent que l’art n’est pas pour eux. Tout comme les mondes artistiques et culturels mettent des barrières dans l’accès à l’art lorsqu’ils n’acceptent pas le mélange des genres. Au centre culturel, Marylène travaille justement à la rencontre des genres, à l’interstice des pratiques des uns et des autres. Le centre culturel s’apprêtait d’ailleurs à fêter les 30 ans du groupe NBS ‘Namur break sensation’, groupe hip-hop namurois. Le hip-hop est une culture
qui a été créée dans les quartiers, pour porter des revendications.
Il ne faut pas sacraliser l’art
Les humains créent depuis des millénaires. De tout temps, ils inventent des cultures et c’est encore plus important de créer aujourd’hui avec les gens, dans un monde où on est bombardé d’images. Marylène et Elise citent aussi l’exemple de la parade des lanternes organisée tous les 17 octobre (journée internationale de lutte contre la misère) qui est un moment fort dans la vie des Namurois. Des dizaines de personnes ont réalisé ensemble des lanternes de papier dans différents groupes dispersés sur tout le territoire de la région pour préparer la parade. A la fin de la parade, les lanternes sont brûlées. L’objet artistique a fait son job, il a rassemblé les personnes autour de sa création et de l’événement. La lanterne peut disparaître ensuite.
Etre artiste n’a rien à voir avec le milieu social dont on vient
En tant que praticien, Bruno Hesbois, responsable du théâtre-action de la province de Namur, est conscient que l’art peut être quelque chose qui divise plutôt que de rapprocher. Son travail consiste à diminuer la distance qui sépare les personnes de l’artiste, qui sépare les êtres entre eux aussi et à aller chercher ce que les gens ont dans les tripes grâce à une série de techniques : travail corporel, non verbal, travail sur les émotions, écriture… Petit à petit, les gens vont arriver à dire l’essentiel de ce qu’ils veulent vraiment dire.
Les ateliers de théâtre-action qu’il anime sont des lieux où les gens viennent se poser, où ils savent qu’il n’y aura pas de jugement. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils ont l’occasion de fréquenter un endroit où il y a une vraie liberté, une vraie écoute, une solidarité. Pour la première fois, ils vivent une vraie expérience de démocratie. Réhabiliter cette dimension collective dans un monde qui nous pousse de plus en plus vers l’individualisme, ça semble indispensable, nous partage Bruno.
Dans les ateliers que le Miroir vagabond anime, il n’est pas rare que les violences que les gens vivent au quotidien explosent à un moment dans le groupe. Tout le travail va alors consister à ne pas rester sur les violences individuelles mais à les transformer en création artistique collective. Le fait d’être en groupe, de se décentrer de soi, de prendre du recul va permettre d’avoir un objet artistique qui a plus de force. Comme l’a fait par exemple un groupe d’aides familiales de la commune de Hotton. A partir d’un processus de récit individuel par la peinture (par un procédé
très simple qui permet à chacun d’oser tenir un pinceau et de peindre), elles sont arrivées à un récit collectif qui disait la réalité parfois dure de leur métier et leurs souffrances au travail. Récit qui a ensuite été mis en forme et a pu être présenté au public choisi et identifié par le groupe.
Encore un tout grand merci à nos intervenants pour leurs réflexions, pour le partage de leurs pratiques, ainsi qu’au centre culturel pour son accueil.