La peinture sociale : Une approche collective de l’art comme outil émancipateur
L’art et le social se répondent, se nourrissent mutuellement et se croisent parfois sur des chemins inattendus. En effet, de nombreuses associations, travailleurs sociaux ou encore animateurs en éducation permanente utilisent des pratiques artistiques pour émanciper leur public, le faire réagir ou même l’apaiser. Quant aux artistes, ils s’emparent parfois de questions sociétales pour alimenter leurs créations, quand ils ne se servent pas tout simplement de ces dernières pour dénoncer l’état du monde auprès du grand public. L’art est un outil, une échappatoire, un langage… mais l’art est aussi un merveilleux instrument pour favoriser l’identification et l’émergence des dimensions collectives, que ce soit d’un projet ou d’un groupe.
C’est pourquoi nous vous proposons ici, inspirée par l’asbl Le Miroir Vagabond, une animation où l’art a une visée collective et sociale. Lors de l’activité, il s’agit en premier lieu de créer un moment de bien-être, tous ensemble, par l’expression créative. Le projet offre la possibilité de se connecter à soi-même et aux autres, tout en explorant des aspects sociaux et artistiques. Voir comment les gens se mettent autour de la table, les interactions, cela permet de cerner les personnalités.
De plus, prendre sa part dans un travail et pouvoir se visualiser comme capable de le faire à bon escient est valorisant. Affiché dans le local, le résultat rappelle à la fois un moment de détente, et le fait que le groupe est capable de produire quelque chose de collectif.
Mais l’intérêt de ce processus ne s’arrête pas là ! Les objectifs sont multiples : pouvoir mettre en lumière l’ancrage social des individus, aller d’une prise de conscience individuelle à la prise de conscience collective, favoriser chez les participant·e·s une réflexion concernant l’inscription des expériences personnelles à l’intérieur de structures sociales qui les orientent et les définissent et, pour finir, permettre de briser l’isolement et constater que l’expérience partagée peut rendre le pouvoir d’agir appréciable. Cette animation, qui ne demande aucune disposition particulière au départ que celle d’être ouvert à l’exercice, est une mine d’or pour un mouvement émancipateur et créateur de droits culturels comme le nôtre.
Comment l’organiser ?
Déroulement du moment collectif : prévoir minimum 1h + 30 minutes de temps de parole
① Préparer l’espace suffisamment adapté au groupe (grandeur du projet, matériel, obstacles, propreté…)
② Placer des tables avec le matériel (gouaches, pinceaux et gobelets adaptés au nombre de participant·e·s)
③ Inviter chaque participant à aller chercher le pinceau et une couleur
④ Inviter les participants à se placer autour de la table
⑤ Inviter les participants à faire un trait de couleur. Se déplacer d’un pas. Répéter 3–4 fois
⑥ Les traits de couleurs ne peuvent pas se chevaucher
⑦ Changer de gobelet (couleur) avec un autre participant
⑧ Recommencer cela autant de fois que nécessaire afin de recouvrir tout le papier
⑨ Inviter les participants à faire un pas ou deux en arrière pour regarder le résultat de la fresque
⑩ Mise en commun. Inviter à la parole pour exprimer oralement le ressenti de l’animation.
Est-ce possible d’y voir le début d’un travail politique ?
Le « Voir, juger et AGIR » propose avant tout de trouver et d’explorer des techniques collectives d’action. Dans ce cadre, le mot « collectif » a toute son importance (en opposition au découragement quand on est isolé·e). Un droit commun bafoué est un moteur pour l’action mais peut s’effriter dans le temps si le collectif n’atteint pas un but fixé par l’AGIR. L’utilisation de cette technique a le pouvoir de rendre plus proches les personnes d’un groupe et de voir les prémices d’un futur collectif avec un but militant. La technique, plutôt ludique, aussi artistique, peut donner de l’énergie dans des moments de creux et a tout son sens comme brise-glace avec un groupe qui se constitue. Les couleurs et autres textures avec des images et médias peuvent être utilisées collectivement, ce qui aura de l’importance pour former un langage que le groupe s’approprie.
ANALYSE DES POINTS FORTS DE L’OUTIL
– Rassembler autour d’un objectif / but commun
– Prendre conscience et renouer avec le plaisir d’être
– Prendre du temps pour se poser collectivement
– Miroir d’une image positive aux participants et au groupe
– Outil collectif pour passer au-dessus de l’individualisme et rendre la rencontre ludique
– Amener une dynamique positive et permet de collaborer dans le respect des autres et de soi-même
via des consignes dans un cadre sécurisant
– Base pour s’approprier d’autres langages d’expression ( ex : collages, travail en terre, fusain, pastels… )
– Utilisable par tout le monde – mélange de publics et âges possible.
Un outil simple mais pas simpliste
Dans le cadre d’interventions psychosociales avec des personnes ou groupes opprimés ou marginalisés, les outils artistiques deviennent des outils précieux et ils permettent de réinventer l’intervention. Ils interpellent des citoyen·ne·s qui sont souvent moins sollicités, ou outillés pour participer à l’aspect social du « vivre ensemble ». Le côté ludique, créateur et expérimental du processus artistique obtient plus facilement l’adhésion et la participation de ces groupes. De nombreuses personnes montrent une curiosité naturelle pour la découverte et l’apprentissage de la forme et de la matière artistique
en tant que telle. La personne intervenante peut soutenir et faciliter la démarche du groupe en choisissant le médium artistique qui convient le mieux aux intérêts et capacités des personnes prenant part à l’intervention. Le fait que ce travail ne soit pas que verbal et cognitif valorise la qualité singulière de chacune des expressions personnelles et collectives dans des formes extrêmement variées et cela devient la plus-value de ce type d’intervention.