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Mieux comprendre le racisme ( Contrastes Avril 2012)

Un débat qui exige de la nuance et de la connais­­­­­sance

Mieux comprendre le racisme (Mars 2012)Le 11 avril dernier, l’émis­­­­­sion “Ques­­­­­tion à la Une” de la RTBF pré- sentait un repor­­­­­tage inti­­­­­tulé “Faut-il avoir peur de l’Is­­­­­lam ?” Ques­­­­­tion évidem­­­­­ment inter­­­­­­­­­pel­­­­­lante, que beau­­­­­coup se posent suite aux événe­­­­­ments drama­­­­­tiques récents.

On atten­­­­­dait une réponse objec­­­­­tive, nuan­­­­­cée et analy­­­­­tique de la part d’une TV de service public. Elle a hélas, elle aussi, viré un peu trop dans la cari­­­­­ca­­­­­ture : d’un côté les isla­­­­­mistes ultrain­­­­­té­­­­­gristes, miso­­­­­gynes et menaçants, prêts à (presque) tout pour impo­­­­­ser leur reli­­­­­gion ; de l’autre les « musul­­­­­man(e)s libéré(e)s”, c’est-à-dire occi­­­­­den­­­­­ta­­­­­li­­­­­sés, parfois jusqu’à la provo­­­­­ca­­­­­tion.

Entre ces deux extrêmes peu nombreux mais plus visibles et plus média­­­­­ti­­­­­sés, il y a l’im­­­­­mense majo­­­­­rité des musul­­­­­mans.

Malika Madi, anima­­­­­trice, a parti­­­­­cipé à l’éla­­­­­bo­­­­­ra­­­­­tion de l’émis­­­­­sion. Elle exprime sa profonde décep­­­­­tion après avoir vu le repor­­­­­tage : Hier soir, j’ai regardé avec inté­­­­­rêt, mais l’amer­­­­­tume au cœur, le repor­­­­­tage que la RTBF consa­­­­­crait à la commu­­­­­nauté musul­­­­­mane. Appro­­­­­chée et suivie pour cette émis­­­­­sion par Frédé­­­­­ric Deborsu et son équipe dans une école où j’ani­­­­­mais un débat sur la multi­­­­­cul­­­­­tu­­­­­ra­­­­­lité avec des élèves de rhéto­­­­­rique, puis au sein d’un atelier théâtre où je travaille avec un groupe de femmes à Molen­­­­­beek, j’avais l’es­­­­­poir qu’un projec­­­­­teur vien­­­­­drait enfin éclai­­­­­rer l’iden­­­­­tité plurielle qui carac­­­­­té­­­­­rise la plupart des enfants de l’im­­­­­mi­­­­­gra­­­­­tion, mais qui reste mécon­­­­­nue par la grande majo­­­­­rité de la popu­­­­­la­­­­­tion belge. »

Elle pour­­­­­suit en s’adres­­­­­sant au jour­­­­­na­­­­­liste : « Qu’y avait-il de neuf dans ton émis­­­­­sion d’hier ? Quelles « success-stories » as-tu retra­­­­­cées ? Quels portraits de l’im­­­­­mi­­­­­gra­­­­­tion réus­­­­­sie as-tu bros­­­­­sés ? Quels « objec­­­­­tifs larges », as-tu ratis­­­­­sés ? Aucun ! Entre l’ado­­­­­les­­­­­cente en hidjab inté­­­­­gral qui ne serre pas la main aux hommes et l’ado maquillée à outrance, les fesses serrées dans un short agui­­­­­cheur, où doivent, où peuvent se situer les autres ? Mes nièces, mes cousines, mes belles-sœurs, mes amies, mes comé­­­­­diennes, qui sont infir­­­­­mières, ensei­­­­­gnantes, secré­­­­­taires, méde­­­­­cins, juristes, univer­­­­­si­­­­­taires, poli­­­­­ti­­­­­ciennes ou même simple­­­­­ment mères de famille ensei­­­­­gnant à leurs enfants les valeurs de l’iden­­­­­tité multiple ? Oui Frédé­­­­­ric, elles existent, mais celles-là tu as omis d’al­­­­­ler les rencon­­­­­trer. »

C’est bien là le problème : faute d’un travail média­­­­­tique objec­­­­­tif (combien d’im­­­­­mi­­­­­grés sont-il sensibles aux courants extré­­­­­mistes ?), les clichés perdurent.

Or, derrière ces clichés, la ques­­­­­tion essen­­­­­tielle est de nature sociale. C’est celle des discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tions au quoti­­­­­dien que vivent les immi­­­­­grés, récem­­­­­ment arri­­­­­vés ou natu­­­­­ra­­­­­li­­­­­sés de longue date. Diffi­­­­­cul­­­­­tés d’ac­­­­­cès à l’em­­­­­ploi, au loge­­­­­ment, à un ensei­­­­­gne­­­­­ment de qualité, à la justi­­­­­ce…

Ces discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tions sont passées sous silence. En revanche, on consi­­­­­dère de plus en plus volon­­­­­tiers les migrants comme respon­­­­­sables de tous les maux de notre “glorieuse civi­­­­­li­­­­­sa­­­­­tion occi­­­­­den­­­­­tale”.

Or, comme le dit Nico­­­­­las Vanden­­­­­he­­­­­mel (voir page 19), “en creu­­­­­sant scan­­­­­da­­­­­leu­­­­­se­­­­­ment les inéga­­­­­li­­­­­tés entre riches et pauvres, les poli­­­­­tiques écono­­­­­miques ultra­­­­­li­­­­­bé­­­­­rales et les dicta­­­­­tures qui ont été impo­­­­­sées à de nombreux pays musul­­­­­mans sont la cause première de la recru­­­­­des­­­­­cence des tensions entre commu­­­­­nau­­­­­tés et à la base même des senti­­­­­ments de rejet de l’autre, quel qu’il soit”.

Tout comme la lutte contre le racisme passe par une lutte contre les discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tions socio-écono­­­­­miques, la lutte contre les discours et les actes fonda­­­­­men­­­­­ta­­­­­listes passe donc par un rééqui­­­­­li­­­­­brage des rapports entre peuples domi­­­­­nants et domi­­­­­nés au niveau mondial.

Dans ce dossier, après une défi­­­­­ni­­­­­tion du racisme, nous analy­­­­­sons pourquoi les stéréo­­­­­types ont la vie dure et quelles en sont les consé­quences pour leurs victimes.

Nous mettons ensuite un focus sur deux domaines dans lesquels la discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tion est impor­­­­­tante : l’em­­­­­ploi et le loge­­­­­ment.

Le dernier article nous aide à comprendre les fonde­­­­­ments de l’is­­­­­la­­­­­mo­­­­­pho­­­­­bie et de l’an­­­­­ti­­­­­sé­­­­­mi­­­­­tisme et ouvre des pistes de réflexion pour “ne pas se trom­­­­­per d’ad­­­­­ver­­­­­saire ».

Et notre invi­­­­­tée du mois est Frédé­­­­­rique Mawet, direc­­­­­trice du Ciré, pour qui c’est moins la poli­­­­­tique d’ac­­­­­cueil belge que le modèle écono­­­­­mique mondial qu’il importe de chan­­­­­ger. .

Sommaire

p3 DÉFINITION : LA PERVERSITÉ DU RACISME
Tout semble­­­­­rait avoir été dit sur le racisme. Déjà maintes fois étudié, dissé­qué dans ses dimen­­­­­sions scien­­­­­ti­­­­­fique et morale, il est aussi en constante muta­­­­­tion. Retour sur un terme dont on n’a pas fini de ques­­­­­tion­­­­­ner les contours.

p6 STÉRÉOTYPES : L’ENFER, C’EST LES AUTRES ?
Les stéréo­­­­­types font partie inté­­­­­grante de notre vie en société. Mais quels sont les méca­­­­­nismes qui sous-tendent ces images figées qui enva­­­­­hissent nos esprits ? Quelles sont les consé­quences de ces idées reçues sur les personnes qu’elles visent ?

p8 EMPLOI : CACHEZ CE VOILE QUE JE NE VEUX VOIR…
La légis­­­­­la­­­­­tion sur le racisme et la discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tion est rela­­­­­ti­­­­­ve­­­­­ment complète mais diffi­­­­­cile à faire appliquer. Dans le cadre du recru­­­­­te­­­­­ment de person­­­­­nel, comment four­­­­­nir la preuve qu’une personne n’a pas été enga­­­­­gée en raison de sa natio­­­­­na­­­­­lité, de sa couleur de peau ou de sa tenue vesti­­­­­men­­­­­taire ?

p11 INTERVIEW : FRÉDÉRIQUE MAWET : “LA MIGRATION N’EST PAS UN PROBLÈME”

p15 LOGEMENT : DÉSOLÉ, DÉJÀ LOUÉ !
Courante mais masquée, la discri­­­­­mi­­­­­na­­­­­tion raciste au loge­­­­­ment prend une large part dans les dossiers de plaintes.
C’est qu’il n’est pas toujours évident de démê­­­­­ler les causes. Aussi le dialogue reste-t-il primor­­­­­dial. Mais il faut aussi agir.

p17 ISLAMOPHOBIE & ANTISÉMITISME : CAUSES ET REMISE EN CAUSE
Parmi les nombreuses mani­­­­­fes­­­­­ta­­­­­tions de rejet de l’autre, l’is­­­­­la­­­­­mo­­­­­pho­­­­­bie et l’an­­­­­ti­­­­­sé­­­­­mi­­­­­tisme occupent très souvent le devant de l’ac­­­­­tua­­­­­lité. Pour combattre ces phéno­­­­­mènes, il est primor­­­­­dial de comprendre leurs fonde­­­­­ments.

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