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Loge­ment et Ecolo­gie popu­laire : Ensei­gne­ments de notre jour­née d’étude du 20 avril

Illus­­­­­­­tra­­­­­­­tion origi­­­­­­­nale ©️ Jorge Losoya, modi­­­­­­­fiée par les EP

Le 20 avril dernier, nous avons orga­­­­­­­nisé à Char­­­­­­­le­­­­­­­roi notre jour­­­­­­­née d’étude annuelle sur le loge­­­­­­­ment et l’éco­­­­­­­lo­­­­­­­gie popu­­­­­­­laire. Jour­­­­­­­née riche en échanges, débats, infor­­­­­­­ma­­­­­­­tions et rencontres, elle a sans aucun doute permis d’ap­­­­­­­pro­­­­­­­fon­­­­­­­dir notre réflexion autour des deux enjeux abor­­­­­­­dés au cours de la jour­­­­­­­née, à savoir l’amé­­­­­­­na­­­­­­­ge­­­­­­­ment du terri­­­­­­­toire et la réno­­­­­­­va­­­­­­­tion éner­­­­­­­gé­­­­­­­tique des bâti­­­­­­­ments. Je vous propose dans les pages qui suivent un retour sur les moments forts de la jour­­­­­­­née, les conte­­­­­­­nus abor­­­­­­­dés, les réflexions à pour­­­­­­­suivre.

Mais d’abord, pourquoi avoir choisi ce thème pour notre jour­­­­­­­née d’étude ? Le loge­­­­­­­ment, aux Équipes Popu­­­­­­­laires on le sait depuis très long­­­­­­­temps déjà, est un essen­­­­­­­tiel non négo­­­­­­­ciable. Un socle sans lequel il est impos­­­­­­­sible de se déployer comme citoyen, d’être en bonne santé physique et mentale, d’avoir une vie sociale, fami­­­­­­­liale, intime épanouis­­­­­­­sante. Pour­­­­­­­tant, et cela aussi on le sait depuis long­­­­­­­temps, c’est un essen­­­­­­­tiel inac­­­­­­­ces­­­­­­­sible pour de trop nombreux ménages. Pas la bonne couleur de peau, pas de bon statut, pas le bon revenu, trop d’en­­­­­­­fants, d’ani­­­­­­­maux de compa­­­­­­­gnie… Pour les loca­­­­­­­taires, c’est la croix et la bannière. Pour celles et ceux qui ont fina­­­­­­­le­­­­­­­ment signé un contrat de bail, c’est souvent trop cher, insa­­­­­­­lubre, mal situé, trop petit, mal isolé… Les proprié­­­­­­­taires occu­­­­­­­pants ne sont pas non plus épar­­­­­­­gnés par cette crise, en tout cas pas tous. L’ur­­­­­­­gence clima­­­­­­­tique n’est plus à démon­­­­­­­trer, elle non plus. Effon­­­­­­­dre­­­­­­­ment de la biodi­­­­­­­ver­­­­­­­sité, béton­­­­­­­ni­­­­­­­sa­­­­­­­tion à outrance, séche­­­­­­­resses, cani­­­­­­­cules à répé­­­­­­­ti­­­­­­­tion, phéno­­­­­­­mène des ilots de chaleur de ville, risques accrus d’inon­­­­­­­da­­­­­­­tions… Notre précé­­­­­­­dente jour­­­­­­­née d’étude nous a large­­­­­­­ment infor­­­­­­­més sur la situa­­­­­­­tion et les catas­­­­­­­trophes clima­­­­­­­tiques qui nous attendent ici et là-bas.

Dans la droite ligne des discus­­­­­­­sions qui ont animé notre Congrès de novembre 2023, nous avons décidé de rassem­­­­­­­bler ces deux préoc­­­­­­­cu­­­­­­­pa­­­­­­­tions et d’ap­­­­­­­pro­­­­­­­fon­­­­­­­dir deux tensions spéci­­­­­­­fiques iden­­­­­­­ti­­­­­­­fiées alors dans les tables de discus­­­­­­­sion : l’amé­­­­­­­na­­­­­­­ge­­­­­­­ment du terri­­­­­­­toire et l’iso­­­­­­­la­­­­­­­tion des loge­­­­­­­ments. Ensemble, nous avons exploré les tensions, contra­­­­­­­dic­­­­­­­tions, voire conflits qui surgissent entre l’im­­­­­­­pé­­­­­­­rieuse néces­­­­­­­sité d’avoir du loge­­­­­­­ment digne, décent, abor­­­­­­­dable et en quan­­­­­­­tité suffi­­­­­­­sante pour toutes et tous, et l’im­­­­­­­pé­­­­­­­rieuse néces­­­­­­­sité de proté­­­­­­­ger nos espaces verts, l’en­­­­­­­vi­­­­­­­ron­­­­­­­ne­­­­­­­ment, la planète.

Pour démar­­­­­­­rer la jour­­­­­­­née dans la bonne humeur, quoi de mieux que des saynètes écrites et mises en scène par le duo de choc du centre commu­­­­­­­nau­­­­­­­taire, Guillaume et Jean-Michel ! Celles-ci ont permis d’in­­­­­­­tro­­­­­­­duire avec humour et légè­­­­­­­reté les grandes ques­­­­­­­tions que nous allions abor­­­­­­­der ensemble. Avec Gilberte, Lucette et leurs deux inénar­­­­­­­rables chiens, nous décou­­­­­­­vrons entre deux fous rires que les Vander­­­­­­­plas auront été « esss­­­­­­­pul­­­­­­­sés » pour impayé de loyer, tandis que Thib’ et Charles se frottent les mains en calcu­­­­­­­lant la renta­­­­­­­bi­­­­­­­lité poten­­­­­­­tielle de l’an­­­­­­­cien loge­­­­­­­ment des Vander­­­­­­­plas… Et qu’un groupe d’ha­­­­­­­bi­­­­­­­tants se mobi­­­­­­­lisent contre l’abat­­­­­­­tage des platanes voisins de cette maison ! Le décor était planté.

Du loge­­­­­­­ment et des espaces verts ?

« J’ai commencé par une mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion près de chez moi » : c’est avec cette phrase que Jean Peltier, du réseau Occu­­­­­­­pons le Terrain, démarre son inter­­­­­­­­­­­­­ven­­­­­­­tion. « Souvent on commence par ce qui nous touche, ce qui est proche de nous. Un projet nuisible dans notre quar­­­­­­­tier, notre envi­­­­­­­ron­­­­­­­ne­­­­­­­ment de vie. Mais comment lutter contre un projet immo­­­­­­­bi­­­­­­­lier ? On peut se sentir démuni, on a l’im­­­­­­­pres­­­­­­­sion de ne pas avoir de prise, on ne sait pas par où commen­­­­­­­cer. » C’est donc ça, le point de départ du réseau. Four­­­­­­­nir un « mode d’em­­­­­­­ploi » aux habi­­­­­­­tants qui souhaitent se mobi­­­­­­­li­­­­­­­ser contre un projet de construc­­­­­­­tion qui leur semble inutile, inadapté, ne répon­­­­­­­dant pas à leurs besoins.

À la suite de sa présen­­­­­­­ta­­­­­­­tion, nous avons pris le temps d’échan­­­­­­­ger en sous-groupes sur le contenu et de prépa­­­­­­­rer quelques ques­­­­­­­tions à soumettre à Jean Peltier. Impos­­­­­­­sible évidem­­­­­­­ment de vous en faire la liste complète, mais une me semble parti­­­­­­­cu­­­­­­­liè­­­­­­­re­­­­­­­ment perti­­­­­­­nente à poin­­­­­­­ter ici, compte tenu de la nature de notre travail aux Équipes Popu­­­­­­­laires. C’est la ques­­­­­­­tion de la mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion sur le terrain, du « comment favo­­­­­­­ri­­­­­­­ser une mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion citoyenne qui dépasse le cercle de convain­­­­­­­cus »

Pas de recette miracle ici, mais quelques balises à garder en tête lorsque l’on souhaite mettre en place une dyna­­­­­­­mique. La première est de passer par la vie locale, les brocantes, les fêtes de quar­­­­­­­tier, l’es­­­­­­­pace public en géné­­­­­­­ral. C’est en effet là qu’on rencontre les habi­­­­­­­tants et qu’on peut échan­­­­­­­ger sur les enjeux de la vie du quar­­­­­­­tier.

Comme il s’agit de luttes de terri­­­­­­­toire qui concernent l’en­­­­­­­vi­­­­­­­ron­­­­­­­ne­­­­­­­ment direct de vie, l’or­­­­­­­ga­­­­­­­ni­­­­­­­sa­­­­­­­tion des groupes se fait direc­­­­­­­te­­­­­­­ment dans les quar­­­­­­­tiers et il y a forcé­­­­­­­ment des gens qui répondent présent. Ensuite, il s’agit d’être atten­­­­­­­tif à ne pas deve­­­­­­­nir un groupe d’ex­­­­­­­perts de l’amé­­­­­­­na­­­­­­­ge­­­­­­­ment du terri­­­­­­­toire – car c’est le risque avec ce type de lutte qui peut deve­­­­­­­nir très tech­­­­­­­nique – mais de lais­­­­­­­ser la place à diffé­­­­­­­rents types d’en­­­­­­­ga­­­­­­­ge­­­­­­­ment : « penser la place pour toutes et tous, tout type d’aide est le bien­­­­­­­venu et légi­­­­­­­time. Quelqu’un qui vient aider juste pour la vente des gaufres pour récol­­­­­­­ter de l’argent par exemple, c’est un début d’en­­­­­­­ga­­­­­­­ge­­­­­­­ment qui peut, après quelques mois, deve­­­­­­­nir autre chose, un enga­­­­­­­ge­­­­­­­ment plus poli­­­­­­­tique ». Si des négo­­­­­­­cia­­­­­­­tions en amont d’un projet peuvent se faire au travers de Commis­­­­­­­sions Consul­­­­­­­ta­­­­­­­tives d’Amé­­­­­­­na­­­­­­­ge­­­­­­­ment du Terri­­­­­­­toire ou parfois direc­­­­­­­te­­­­­­­ment avec les promo­­­­­­­teurs, c’est de toute façon la mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion sur le terrain qui est déci­­­­­­­sive. Les communes ont une série d’ou­­­­­­­tils, de mesures légales à leur dispo­­­­­­­si­­­­­­­tion pour frei­­­­­­­ner, empê­­­­­­­cher un projet (comme le « gel » des espaces verts) mais les action­­­­­­­ner relève de la volonté poli­­­­­­­tique… La préoc­­­­­­­cu­­­­­­­pa­­­­­­­tion constante doit donc rester la mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion large.

Réno­­­­­­­va­­­­­­­tion éner­­­­­­­gé­­­­­­­tique : vrai­­­­­­­ment écolo­­­­­­­gique et sociale ?

En route pour le deuxième gros morceau de la jour­­­­­­­née, avec Manon Chapur­­­­­­­lat du Centre de Réno­­­­­­­va­­­­­­­tion Urbaine et Arnaud Bilande du Rassem­­­­­­­ble­­­­­­­ment Wallon pour le Droit à l’Ha­­­­­­­bi­­­­­­­tat. Ils ont présenté les grandes lignes des poli­­­­­­­tiques en place concer­­­­­­­nant le plan de réno­­­­­­­va­­­­­­­tion et d’iso­­­­­­­la­­­­­­­tion des loge­­­­­­­ments faisant suite aux obli­­­­­­­ga­­­­­­­tions euro­­­­­­­péennes de neutra­­­­­­­lité carbone. Selon eux, ces poli­­­­­­­tiques portent en elles une série de limites, tant du point de vue envi­­­­­­­ron­­­­­­­ne­­­­­­­men­­­­­­­tal que social.

La première limite évidente est le fait que cette poli­­­­­­­tique soit basée unique­­­­­­­ment sur le PEB. Or le PEB ne prend pas en compte les consom­­­­­­­ma­­­­­­­tions réelles, le mode de vie de l’uti­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tion du bâti­­­­­­­ment, ni l’im­­­­­­­pact envi­­­­­­­ron­­­­­­­ne­­­­­­­men­­­­­­­tal des maté­­­­­­­riaux de réno­­­­­­­va­­­­­­­tion. Deuxiè­­­­­­­me­­­­­­­ment, l’ab­­­­­­­sence complète de poli­­­­­­­tique anti-spécu­­­­­­­la­­­­­­­tive, d’en­­­­­­­ca­­­­­­­dre­­­­­­­ment des loyers. Aujourd’­­­­­­­hui ce sont majo­­­­­­­ri­­­­­­­tai­­­­­­­re­­­­­­­ment les ménages précaires qui habitent dans les loge­­­­­­­ments à plus faibles PEB, étant plus acces­­­­­­­sibles finan­­­­­­­ciè­­­­­­­re­­­­­­­ment. Or, sans poli­­­­­­­tique anti-spécu­­­­­­­la­­­­­­­tive, le risque est grand que les loyers et prix de vente de ces loge­­­­­­­ments augmentent. Enfin, le système de primes, qui est inéga­­­­­­­li­­­­­­­taire. Il n’y a pas assez de réflexion sur comment on les rend acces­­­­­­­sibles, à qui on les donne. Il n’y a par exemple pas de possi­­­­­­­bi­­­­­­­lité de préfi­­­­­­­nan­­­­­­­ce­­­­­­­ment, les ménages doivent d’abord avan­­­­­­­cer l’argent, faire les travaux, et ensuite seule­­­­­­­ment reçoivent leurs primes. Les démarches sont compliquées, tout se fait en ligne… Ce système produit un effet appelé « effet Mathieu » : les primes sont acces­­­­­­­sibles à ceux qui n’en ont pas vrai­­­­­­­ment besoin.

Pour répondre à ces limites, nos membres ont réflé­­­­­­­chi à une série de propo­­­­­­­si­­­­­­­tions. Sans en faire une liste exhaus­­­­­­­tive, je voudrais en mettre quelques-unes en lumière qui me semblent parti­­­­­­­cu­­­­­­­liè­­­­­­­re­­­­­­­ment inté­­­­­­­res­­­­­­­santes à inves­­­­­­­ti­­­­­­­guer. D’abord, celle de rempla­­­­­­­cer le système des primes par un système de crédit d’im­­­­­­­pôt. Une autre propo­­­­­­­si­­­­­­­tion est la mise en place d’un fonds de finan­­­­­­­ce­­­­­­­ment qui serait géré collec­­­­­­­ti­­­­­­­ve­­­­­­­ment et pari­­­­­­­tai­­­­­­­re­­­­­­­ment. Ensuite, sur la problé­­­­­­­ma­­­­­­­tique de la hausse des loyers, une balise géné­­­­­­­rale propo­­­­­­­sée est de dire que « ce qui est financé sur fonds publics ne peut pas être amorti par une augmen­­­­­­­ta­­­­­­­tion de loyer ». Passer par une grille contrai­­­­­­­gnante, limi­­­­­­­ter encore plus l’in­­­­­­­dexa­­­­­­­tion des loyers, voire inter­­­­­­­­­­­­­dire la propriété lucra­­­­­­­tive (ou ne l’au­­­­­­­to­­­­­­­ri­­­­­­­ser qu’en cas de loca­­­­­­­tion via une Agence Immo­­­­­­­bi­­­­­­­lière Sociale) sont autant de pistes abor­­­­­­­dées par les sous-groupes. Dans tous les cas, il y a une néces­­­­­­­sité de sortir de la logique indi­­­­­­­vi­­­­­­­duelle et de mettre en place une réelle plani­­­­­­­fi­­­­­­­ca­­­­­­­tion publique.

La jour­­­­­­­née s’est clôtu­­­­­­­rée par une présen­­­­­­­ta­­­­­­­tion du Pacte loge­­­­­­­ment-éner­­­­­­­gie porté par la Coali­­­­­­­tion Climat, avec Marie-Claude Chai­­­­­­­naye (RWLP) et Nadia Cornejo (Green­­­­­­­peace). L’enjeu de ce pacte ? Cons­­­­­­­truire une posi­­­­­­­tion commune inté­­­­­­­grant les enjeux sociaux et clima­­­­­­­tiques autour de l’ac­­­­­­­cès au loge­­­­­­­ment, ce qui n’a rien d’évident.

Vous l’au­­­­­­­rez constaté à la lecture de ces pages, le 20 avril dernier fut une jour­­­­­­­née incroya­­­­­­­ble­­­­­­­ment riche en contenu et, nous l’es­­­­­­­pé­­­­­­­rons, utile aux mobi­­­­­­­li­­­­­­­sa­­­­­­­tions sur le terrain !

Compte-rendu de Char­­­­­­­lotte Renou­­­­­­­prez

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