INTERVIEW : VÉRONIQUE VAN DER PLANCKE (Juillet 2024)
UN FOURNISSEUR PUBLIC… INSÉRÉ DANS UN MARCHÉ LIBÉRALISÉ ?
Notre revendication de campagne (« Pour un fournisseur public d’énergie ») ») suscite régulièrement des interrogations. Souhaitons-nous une « renationalisation » à l’ancienne, comme au temps d’Electrabel par exemple ? Ne doit-on pas favoriser plutôt les coopératives citoyennes d’énergie, dont certaines ont d’elles-mêmes bloqué leurs prix pendant la crise de l’énergie, au bénéfice de leurs clients ? Et les Communautés d’énergie, ces nouvelles entités qui semblent prometteuses et permettraient de se passer de fournisseur, devraient-elles alors être abandonnées ?
Ces interrogations sont légitimes… mais reposent sur un malentendu. Notre revendication ne consiste pas à vouloir abolir le marché de l’énergie existant – ce qui est à court et moyen terme impossible vu le cadre juridique européen, et tout à fait
hors de portée d’une association comme la nôtre. Ce que nous appelons de nos vœux, la création d’un fournisseur public d’énergie, à l’échelle de la région par exemple (région bruxelloise, région wallonne), devrait donc se faire dans le cadre juridique existant, en complément des coopératives citoyennes et des communautés d’énergie… voire, en articulation. Car l’accès à ces coopératives citoyennes et à ces communautés d’énergie demeure extrêmement marginal. Les premières demandent en effet une capacité d’investissement (il faut être coopérateur, donc détenir au moins une part) avant de pouvoir être client, tandis que les secondes sont forcément localisées à certains en droits. L’immense majorité de la population n’a pas accès à ces alternatives actuellement, en particulier les citoyennes et les citoyens les plus pauvres.
L’arrivée d’un fournisseur public pourrait au moins permettre une troisième alternative aux pratiques déloyales et aux tarifs aléatoires des fournisseurs privés, protéger ainsi les personnes les plus fragiles et, tout simplement, offrir une garantie stable à toutes celles et ceux qui ne souhaitent pas passer leur temps à « jouer le jeu » (économique) de comparer sans cesse les offres et de lire les clauses des contrats. Voilà pour le cadre général. Mais concrètement, qu’est-ce que cela pose comme questions, comme difficultés ? Qu’est-ce que cela ouvre comme perspectives ? Nous avons interrogé à ce sujet Véronique van der Plancke, conseillère juridique à la Fédération des Services Sociaux.
Guillaume Lohest, Contrastes Juillet 2024, p 12 à 15