NOS VACANCES COÛTENT CHER… À LA PLANÈTE (Juin 2021)
Claudia Benedetto, Contrastes juin 2021, p 10 à 12
Envie d’évasion, de soleil et de plages paradisiaques. Envie de quitter la voie toute tracée du quotidien et de rejoindre les chemins de traverse. Dépaysement, découvertes, détente, farniente : c’est ce que les vacances évoquent pour beaucoup d’entre nous. Nous savons pourtant tous -à moins d’être de très mauvaise foi- que cette envie quasi frénétique de voyager n’est pas sans conséquences pour notre planète…
Il est loin le temps où partir, explorer d’autres espaces était de l’ordre de l’inatteignable pour beaucoup. En 1950, c’est 25 millions de personnes qui pouvaient voyager en dehors de leurs frontières. En 1995, c’est 525 millions de personnes. Et aujourd’hui, c’est environ 1,4 milliard de personnes !
Jusqu’il y a peu, le tourisme représentait 1.700 milliards de dollars. Et chaque année, une personne sur cinq partait en vacances à l’étranger[1]. Tout ça, c’était avant la crise sanitaire du Covid-19. Contraints de rester chez soi, circonscrits à nos frontières. Nous avons dû réduire, supprimer même nos déplacements à l’étranger et au sein de notre propre pays. Cela nous a complètement bouleversé ; la planète, quant à elle, a pu retrouver un peu de son souffle. Les émissions carbone ont diminué de 7% en un an au niveau mondial. Et on a pu noter toute une série de bienfaits pour les animaux en général, comme les tortues marines qui pouvaient pondre sur des plages désertes, des baleines qui pouvaient mieux communiquer puisque plus court-circuitées par le brouhaha de l’activité humaine. Des espaces naturels avaient désormais le temps de se régénérer. Mais on a pu aussi constater des conséquences néfastes à l’effondrement du tourisme : par exemple, l’absence de guides touristiques et de contrôles dans les parcs naturels a entraîné le retour des pratiques de braconnage et de déboisement illégal. Et la chute des rentrées d’argent liées au tourisme a mis à mal les budgets de la protection de la nature[2].
Les effets destructeurs de l’avion
Dès lors que nous sommes en vie, que nous nous animons, nous sommes des vecteurs de pollution. Pour 2025, on estime que le tourisme génèrera 5 à 6,5 milliards de tonnes de CO2.[3]
Lorsque nous voyageons, nous nous faisons du bien mais nous faisons aussi du mal à notre environnement. Nos modes de transport, notre alimentation mais aussi l’hébergement sélectionné, les achats de souvenirs en tous genres ont un impact sur la biodiversité.
L’élément qui fait le plus de mal à l’environnement, c’est le choix de nos moyens de transports. Ils représentent 75% de toutes les émissions de CO2 du tourisme mondial, contre 21% pour l’hébergement et 4% pour les activités[4]. On le sait tous, choisir de prendre l’avion, la voiture, le train, le car ou le vélo n’aura pas le même impact sur notre planète.
C’est la voiture individuelle qui est le mode de transport dominant pour les touristes intra-européens et elle est suivie sans surprise par le transport aérien. La voiture, symbole de liberté, est attractive pour la plupart d’entre nous. Elle permet de découvrir peu à peu les nouveaux paysages qui s’offrent à nous, de s’arrêter dès qu’on le souhaite pour admirer la beauté environnante. Mais elle est aussi symbole de destruction : émissions de CO2, de polluants atmosphériques, occupation de l’espace public, besoin d’infrastructures, bruit, accidents de la route, congestion…
Je me souviens de la première fois que j’ai pris l’avion, j’avais 14 ans et au-delà de l’excitation d’être dans les airs, je notais déjà à l’époque le gain de temps pour me rendre à destination. C’était magique : en seulement deux heures, j’étais transportée dans cet ailleurs qui me faisait tant rêver, qui nous fait tous rêver. Avec l’arrivée des low cost, ces compagnies aériennes qui proposent des billets d’avion défiant toute concurrence, le nombre de personnes qui voyageaient jusqu’alors a fortement augmenté, et les habitudes de voyage ont également changé. On part une journée pour faire du shopping à Milan, on part faire un citytrip à Barcelone. Partir n’est même plus à portée de main… Partir est devenu une possibilité quasi immédiate : avec la naissance des plateformes de réservation en ligne, en un clic, vous êtes ailleurs.
L’avion est le mode de transport qui émet le plus d’émissions de gaz à effet de serre. Dans son dossier[5] sur le tourisme durable, IEW donne un exemple frappant : pour un aller-retour de quatre personnes de Bruxelles à Barcelone, l’avion émet 1,2 tonne de CO2 ; la voiture environ 0,5 tonne et le train 0,04 tonne de CO2. L’avion est donc 10 à 30 fois plus impactant que le train. Si on associe ce chiffre au fait que nous devons limiter notre émission à 100 tonnes de CO2 par habitant pour limiter la hausse de température sur terre à 2°C, on comprend très vite que l’utilisation de l’avion est tout simplement à éviter.
Dioxyde de carbone, oxydes d’azote, particules, aérosols, vapeur d’eau constituent un véritable cocktail explosif s’échappant des vols commerciaux « responsables de 5 à 9% des changements climatiques imputables à l’être humain au niveau mondial[6] ». Et à tout ceci s’ajoutent les nuisances sonores pour les riverains des aéroports qui sont néfastes pour leur santé, et la consommation d’énergie excessive des aéroports (En Belgique, les deux aéroports régionaux ont une augmentation de 356,9% entre 2000 et 2010).
Dans le secteur de l’aviation, on tente de trouver des solutions pour diminuer l’impact sur l’environnement (travail sur l’aérodynamisme, recherche de sources d’énergie de substitution, système de compensation des émissions de gaz à effet de serre…), mais cela ne suffira pas pour sauver ce qu’il est encore possible de sauver. Parce que c’est de cela qu’il est question aujourd’hui, un peu partout sur le globe, on assiste à la disparition d’espèces marines mais aussi de la faune et de la flore terrestre. Ces disparitions sont pour la plupart irréversibles. Un voyage sans retour possible, voilà ce à quoi nous nous employons à chaque fois que nous ne prenons pas en compte notre planète dans les choix que nous faisons chaque jour.
La voiture et l’avion étouffent la nature, attaquent violemment la faune et la flore que nous avons à cœur d’observer… alors pourquoi continuons-nous dans cette voie ? Prenons le bus, le car, le train plutôt que la voiture ou l’avion. Renouons avec le vélo et décélérons. Prenons le temps. Evitons de faire du quad, du jet ski ou toute autre activité très polluante et/ou dangereuse pour la vie marine. Choisissons un hébergement respectueux de l’environnement. Pour nous orienter parmi la multitude des offres, les écolabels sont utiles. Il en existe une centaine dans le monde. En Belgique, le label international La clé verte est soutenu par la Région wallonne et le CGT (Commissariat Général au Tourisme). Ce label évalue les hébergements sur leur politique environnementale globale, la sensibilisation à l’environnement, la gestion de l’eau, la gestion des déchets, la gestion de l’énergie, les achats responsables ou encore le cadre de vie. Les possibilités de tourisme alternatif existent. (Voir article p 15)
Inter-Environnement Wallonie recommande aux pouvoirs publics de promouvoir les moyens de transport moins impactants comme le vélotourisme, de permettre à chacun de mesurer l’empreinte écologique de ses voyages, de faire connaitre davantage les produits et services plus durables existants, d’appliquer et de renforcer les mesures réglementaires existantes, d’encadrer et de motiver les prestataires en réalisant des enquêtes pour connaître les attentes des client.e.s en matière de durabilité. Certains proposent également de mettre en place une taxe carbone sur les déplacements touristiques.
Même si nous restons généralement accroché.e.s à notre confort, nous savons toutes et tous que chacun.e a un rôle à jouer dans la préservation de notre environnement chaque jour de plus en plus menacé. Sommes-nous capables d’affronter ce dilemme avant qu’une inéluctable réponse s’impose à nous ?
Tulum, un exemple de désastre environnemental et culturel
Située au bord de la mer des Caraïbes au Mexique, la petite ville de Tulum abrite une ancienne cité maya du 6e siècle. Mais ce n’est pas seulement pour le tourisme culturel que les 2 millions de visiteurs annuels s’y rendent chaque année. Avec son climat tropical et ses plages de rêve, la ville et ses alentours se sont récemment transformés en un gigantesque chantier. De luxueux hôtels soi-disant écologiques se construisent à tour de bras, faisant des ravages sur le plan environnemental. La journaliste Lauriane David1 interviewait deux investisseurs franco-belges qui ont acheté et rasé un hectare de jungle pour y construire un complexe hôtelier de luxe, chassant les autochtones et polluant les Cénotes ce réseau souterrain aquatique exceptionnel qui circule sous la péninsule du Yucatan, mondialement connu des spéléologues plongeurs, mais surtout vital
pour la survie des communautés mayas qui y sont encore implantées.
Pire encore, un célèbre « Hippie chic » américain a décidé d’organiser au coeur même de la jungle un festival de musique électronique, ou des milliers de fêtard du monde entier viennent chaque année danser et se défoncer, remplissant au passage les poches des cartels de la drogue qui contrôlent désormais le secteur. Ces fêtards prennent possession de la jungle, chassant évidemment la faune exceptionnelle qu’elle abrite. Ils se baignent dans les cénotes sans se soucier de la pollution qu’ils engendrent, et sans aucun respect pour les Mayas qui vivent à proximité, pour qui les cénotes sont des lieux ancestraux hautement symboliques autour desquels se passaient les rituels funéraires.
MVD
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1. Les Carnets du Bourlingueur, RTBF, 6 juin 2021
- En 70 ans, le tourisme a explosé, ses conséquences aussi, Guillaume Woelfle, le 3 août
2019
www.rtbf.be/info/monde/detail_en-70-ans-le-tourisme-a-explose-ses-consequences-aussi?
id=10285159#:~:text=par%20l’%C3%A9rosion%20humaine,aussi%20pr%C3%A8s%20
de%20chez%20nous - Baisse brutale du tourisme : quel effet pour notre planète ? Jean-François Herbecq, le 12
mars 2021
www.rtbf.be/info/monde/detail_baisse-brutale-du-tourisme-quel-effet-pour-notre-planete?
id=10717572 - Le tourisme serait l’un des vecteurs principaux du réchauffement climatique, Juliette Heuzebroc,
nationalgeographic.fr, 2018
www.nationalgeographic.fr/environnement/le-tourisme-serait-lun-des-vecteurs-principaux-
du-rechauffement-climatique - Cela englobe les transports de l’origine à la destination. Tourisme durable, une opportunité
pour la Wallonie, Marie Spaey, Fédération Inter-Environnement Wallonie, décembre 201 - Idem
- Ibidem
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