Regroupement de crédits | Plus c’est long, plus ça fait mal… au portefeuille ! (Octobre 2018)
Comme on peut le constater dans la publicité et en particulier sur internet, le regroupement de crédits est bien souvent vanté comme LA solution au surendettement. Cette année, la plateforme Journée sans crédit s’est penchée sur cette forme sournoise de crédit et a rédigé de nouvelles recommandations au législateur.
Les propositions de regroupement de crédits abondent de toutes parts et bon nombre de consommateurs en difficulté se laissent convaincre par les arguments avancés par les professionnels du crédit : « Simplifiez- vous la vie avec le regroupement de crédit »1, « Economisez jusqu’à –60 % sur vos mensualités », « Le rachat de crédit vous permet de dépasser vos problèmes de surendettement ».
De quoi retrouver le sourire, non ?!? Mais la réalité est parfois très éloignée de la publicité ; des coûts décuplés (que ce soit à cause de la durée de remboursement, des taux d’intérêts appliqués ou des frais supplémentaires comptabilisés), des regroupements de crédit accordés sans analyse de solvabilité correcte, des mensualités impossibles à respecter à court ou à long terme au vu de la situation financière du ménage…
Le regroupement de crédits cible clairement des consommateurs qui sont déjà fragilisés et qui, guidés par l’urgence, signent la première offre qu’ils reçoivent. Il va leur donner l’illusion que leurs ennuis financiers seront réglés et qu’ils vont même pouvoir réaliser une épargne alors qu’il n’en est rien ! Bien au contraire ! Dans certains cas, les consommateurs ont conscience de poser un mauvais choix financier au moment même de la signature mais pensent qu’il s’agit de la « moins mauvaise solution ».
Pourtant, il existe souvent d’autres solutions plus pertinentes pour les personnes en situation de surendettement : le recours aux services de médiation de dettes, le plan de paiement qui peut être obtenu devant le Juge de paix, ainsi que le règlement collectif de dettes. Mais elles sont malheureusement trop peu connues.
Un démarchage intempestif
Les consommateurs fragilisés sont souvent victimes de méthodes agressives et/ou dé- loyales et ce malgré les nombreuses avancées législatives obtenues sur la question du démarchage. Les consommateurs qui ont conclu une ouverture de crédit (lors d’un achat avec TAEG à 0% par exemple) reçoivent régulièrement chez eux des publicités personnalisées ou sont appelés par le prêteur pour les inciter à utiliser sans attendre « leur nouvelle réserve d’argent » pour d’autres dépenses (pourquoi ne pas partir en vacances, alléger la rentrée, se faire plaisir…) ou encore leur proposant de demander une augmentation du montant de leur ligne de crédit.
Le témoignage en caméra cachée d’un employé de Beobank enregistré l’année dernière par la RTBF2 est éloquent : « On essaye de les amener dans une philosophie de crédit permanent en les relançant constamment ». « Quand ils sont au maximum de leur ouverture de crédit on leur propose une reconsolidation (regroupement de crédits) ».
Autre constat de plus en plus courant : l’envoi au consommateur – qui n’a rien demandé – de « propositions » de contrats préremplies et parfois déjà signées par le prêteur. Cofidis est champion dans cette pratique déloyale.
Bien souvent, lorsque le consommateur se rend chez le prêteur ou l’intermédiaire, ce n’est pas automatiquement pour obtenir un rachat ou un regroupement de crédits. Cette formule lui sera cependant souvent suggérée par le prêteur ou l’intermédiaire. On laisse croire au consommateur qu’un crédit supplémentaire ne sera pas accepté et que le regroupement est la seule solution pour disposer d’un supplément de crédit. Ces pratiques incitent le consommateur au surendettement. Elles s’apparentent à du démarchage sans de- mande expresse et préalable du consommateur et devraient être totalement interdites.
Le coût d’un regroupement de crédits
Le regroupement de crédits n’intervient généralement que lorsque le consommateur est en situation de détresse : c’est-à-dire quand il ne parvient plus à assumer le(s) crédit(s) déjà conclu(s). Les mensualités qu’il doit respecter sont trop élevées compte tenu de ses rentrées financières, il se sent alors étouffé.
Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit se trouve alors dans une position de force : il sait en effet que l’emprunteur effectue cette démarche dans le but de diminuer immédiatement la charge mensuelle de ses crédits et dettes en cours. Malheureusement, certains professionnels vont profiter de cette situation pour imposer des conditions désavantageuses à l’emprunteur et l’enfoncer davantage dans la spirale du surendettement.
Obtenir un TAEG plus intéressant ne veut pas dire que le crédit est toujours plus intéressant. Il est donc préférable de regarder quel est le coût total du crédit. Or, il est quasi impossible pour un consommateur lambda de s’en rendre compte car calculer le coût total du crédit est très complexe.
La plateforme Journée sans crédit plaide pour que la FSMA (organe de contrôle et de régulation du secteur financier) informe le consommateur des dangers liés au regroupement de crédits et crée un outil de comparaison de coût qui sera mis à disposition des consommateurs.
UN SURCOÛT DE 25.000€ !
En septembre 2017, Monsieur et Madame X prennent contact avec leur agence bancaire pour obtenir un complément de crédit pour des tra- vaux de rénovation d’un montant de 25.000 €. A cette époque, ils ont trois crédits en cours, consentis à l’occasion de travaux antérieurs.
Deux de ces crédits étaient presque totalement payés. Le coût total des différents crédits pour la durée restant à courir s’élevait à un peu moins de 3.500 €.
Plutôt que de leur octroyer un nouveau crédit, l’agence leur conseille de regrouper leurs crédits. L’argument principal : une mensualité inférieure, même avec un prêt à la rénovation supplémentaire.
Quand on y regarde de plus près, le coût total du regroupement de crédits a entraîné un surcoût de plus de 25.000€ en rai- son du paiement de trois indemnités de remploi, de l’allongement de la durée de remboursement et du taux d’intérêt bien plus élevé de ce dernier crédit.
Les abus des assurances liées au crédit
Nous constatons que le regroupement de crédits sera souvent l’occasion pour le prêteur ou l’intermédiaire de crédits de faire signer au consommateur un contrat d’assurance solde restant dû. Ce type d’assurance permet la prise en charge du crédit par l’assureur au cas où survient un décès, une perte d’emploi, une maladie ou encore une incapacité de travail. Or, chez certains prêteurs ou intermédiaires de crédits, un très grand nombre de contrats d’assurance sont en réalité imposés sous le couvert d’une assurance qui se dit « facultative » ou « volontairement souscrite ». On rencontre très régulièrement des personnes qui sont liées par une assurance connexe à leur prêt, mais sans même le sa- voir. Ces assurances procurent des revenus supplémentaires très élevés tant aux prêteurs qu’aux intermédiaires et sont très coûteuses pour le consommateur. La plateforme Jour- née sans crédit plaide pour un coût total, réel et transparent des assurances.
Mettre fin aux effets pervers du zérotage
Depuis 2004, le prêteur doit3 prévoir un dé- lai de zérotage dans les contrats d’ouvertures de crédit à durée indéterminée ou de plus de cinq ans. Au terme de ce délai, le consomma- teur sera tenu de rembourser la totalité de sa dette avant de pouvoir effectuer un nouveau prélèvement. L’objectif de ce délai de zéro- tage est d’obliger le consommateur à se re- mettre à flot dans un délai déterminé et d’évi- ter ainsi l’endettement à perpétuité. C’est pourquoi la plateforme Journée sans crédit soutient depuis toujours cette mesure.
Néanmoins, de nombreux consommateurs qui n’arrivent pas à faire face au remboursement demandé à l’issue du délai de zérotage
contractent en urgence un nouveau crédit pour rembourser le précédent. Or, il n’est souvent averti que deux mois avant la date d’échéance du délai de zérotage : ce délai est bien trop court !
Il est primordial que le consommateur soit mieux informé de l’échéance à venir et des risques en cas de non-remboursement. Ces informations et mises en garde doivent être rappelées lors des relevés mensuels et de toute communication du prêteur au consommateur (décomptes, rappels, mises en demeure).
Améliorer la Centrale des crédits aux particuliers
La Centrale des crédits et fichier central est une source d’information inégalée quant à la situation financière des candidats-emprunteurs. Sans vouloir transformer la Centrale des crédits en une véritable liste noire des dettes4, la plateforme plaide depuis plusieurs années pour une amélioration et une meilleure utilisation de la Centrale des crédits aux particuliers afin de mesurer avec précision l’endettement réel du candidat emprunteur, d’identifier les regroupements de crédits et les refinancements, et de tracer les intermédiaires de crédit.
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1. https://www.credafin.be/regroupement-de-credits
2. Voyez le reportage sur le site de la Journée sans crédit : http://www.journeesanscredit.be/page/la-journee- sans-credit
3. Art VII.95 §2 du CDE
4. Voyez notre position détaillée contre l’élargissement de la Centrale des crédits aux particuliers en une « centrale de l’endettement » où seraient reprises toutes les autres dettes (factures d’énergie impayées, factures d’hôpitaux, arriérés de loyers, arriérés en matière de téléphonie…) sur le site www.journeesanscredit.be
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