Votons pour la Justice fiscale ! (février 2019)
En vue des élections de mai 2019, le Réseau Justice fiscale (RJF) et son équivalent néerlandophone (FAN)1 ont rédigé un mémorandum pour une fiscalité plus juste aux niveaux belge et européen.
Pour les réseaux FAN/RJF, un principe primordial pour la justice fiscale est d’arrêter la course vers le « taux zéro », tant pour les revenus les plus élevés que pour l’impôt des sociétés. En effet, cette législature a fait une série de cadeaux aux détenteurs de capitaux et aux entreprises : diminutions de cotisations sociales et de l’impôt des sociétés, amnistie fiscale, absence de réelle volonté de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale…
Les réseaux revendiquent une véritable réforme fiscale qui assurera un rééquilibrage de la fiscalité en faisant contribuer équitablement les revenus des entreprises ou du capital. Plus des deux tiers des recettes de l’Etat proviennent de l’impôt des personnes physiques et de la TVA. On peut donc en déduire que les taxes sur les revenus des entreprises ou sur le capital sont particulièrement faibles.
L’impôt ne devrait pas être perçu comme une charge mais comme une contribution, un effort financier demandé à l’ensemble de la population mais aussi à un certain nombre d’acteurs économiques pour financer les besoins indispensables à l’organisation de la vie en société : écoles, hôpitaux, infrastructures routières ou culturelles… L’impôt est ainsi indissociablement lié au développement des sociétés, « l’impôt est le prix de la civilisation ».
Pour les réseaux FAN/RJF, la justice fiscale s’appuie sur la nécessité d’assurer le droit à la dignité de tous les citoyens tel que l’énonce l’article 23 de la Constitution belge. Celui-ci énonce que : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ».
Pour assurer cette dignité respectueuse de chacun, la justice fiscale devra s’appuyer sur un principe de progressivité des contributions, tenant compte de la capacité contributive de chacun, donc de la hauteur de ses revenus, de la hauteur de son patrimoine.
Au niveau belge
En matière d’imposition des personnes physiques, les réseaux RJF/FAN réclament une réforme fiscale ambitieuse qui a pour objectif de traiter les différents revenus de manière transparente et globale et qui rétablisse une plus grande progressivité. Cette réforme fiscale devra permettre de faire contribuer l’ensemble des revenus de manière juste afin que l’Etat puisse financer les services rendus aux citoyens et un système de protection sociale de qualité.
Les réseaux RJF/FAN demandent de globaliser à nouveau les revenus (travail + immobilier + capital), de renforcer la progressivité de l’impôt et d’instaurer une réelle transparence fiscale.
En matière d’imposition des sociétés (ISOC), les derniers gouvernements ont accordé de nombreux avantages fiscaux aux employeurs, particulièrement aux grosses sociétés. Avec le gouvernement Michel – De Wever, ces cadeaux fiscaux ont atteint de nouveaux sommets : réforme de l’ISOC avec une diminution considérable de l’impôt des sociétés, octroi de nouvelles réductions de cotisations patronales, avantages fiscaux, et autres subsides (de l’ordre de 13 milliards € en 2016). Les 1.000 plus grosses sociétés réalisaient au total 56,4 milliards € de bénéfices et voyaient leurs impôts se réduire à 4,4 milliards €, ce qui représente un taux d’imposition de 7,9%.
Les réseaux RJF/FAN demandent notamment une contribution à l’impôt des grosses sociétés beaucoup plus équilibrée par rapport à celle des petites et moyennes entreprises, par la réduction drastique des possibilités de déduction comme les intérêts notionnels, les revenus définitivement taxés ou l’exonération de certaines plus-values, et l’introduction d’un impôt sur les plus-values.
En matière d’imposition sur la richesse, l’évaluation des patrimoines et des richesses réellement détenues par les ménages en Belgique, s’avère particulièrement difficile, vu l’existence du secret bancaire fiscal et l’absence d’une globalisation des revenus. Sur base d’une enquête déclarative européenne (HFCS – Household Finance and Consumption Survey), les bases de données de 2010 et 2014 révèlent que le top 10 des fortunes possèdent plus de 40% de la fortune totale en Belgique. Suivant une autre étude de l’Université d’Anvers, le 1% des ménages les plus riches pourrait détenir jusqu’à 18 à 20% des patrimoines, soit un cinquième du total. Les inégalités sont encore plus élevées quand on considère les patrimoines constitués en avoirs financiers.
Les réseaux RJF/FAN demandent un registre précis et exhaustif des patrimoines des citoyens et un impôt progressif sur les patrimoines supérieurs à un million d’euros (habitation personnelle non comprise).
En matière de perception de l’impôt, il faut une administration fiscale performante. La Constitution belge énonce le principe que tous les Belges doivent être égaux devant l’impôt. Force est de constater que cela n’est malheureusement pas la réalité. En effet, de trop nombreux contribuables (fortunés) éludent l’impôt, notamment suite aux manquements dans l’organisation et les moyens financiers et humains de l’administration. On estime à plus de 900 millions la perte annuelle pour le Trésor occasionnée par la diminution du nombre de contrôles.
Les réseaux RJF/FAN demandent le recrutement d’inspecteurs supplémentaires pour renforcer les contrôles fiscaux (chaque inspecteur supplémentaire rapporte au Trésor plusieurs fois son salaire). Et dans la lutte contre l’évasion fiscale tant au niveau national qu’international, il faudrait lever le secret bancaire fiscal, introduire l’échange automatique de toutes les informations financières entre banques et administrations fiscales, et imposer des sanctions plus sévères à tous les responsables, parties prenantes et intermédiaires impliqués dans les fraudes et évasions fiscales (banques, cabinets d’avocats fiscalistes…)
Au niveau international
L’Union européenne a progressivement mis en place un vaste marché unique des capitaux, des marchandises et des services, complété par une union monétaire plus restreinte.
Pourtant la fiscalité y est quasiment totalement dérégulée, car l’UE est presque incapable de légiférer en la matière, à cause de la règle de l’unanimité qui permet à un seul Etat membre de bloquer toute forme de progrès. Les acteurs de l’industrie de l’optimisation fiscale (notamment les cabinets d’audit) ont un rôle excessif et peu transparent dans l’élaboration des politiques fiscales publiques. En effet, les multinationales mettent en oeuvre des circuits complexes et secrets de déplacement de leurs profits vers des paradis fiscaux afin d’y bénéficier d’une exemption fiscale quasiment intégrale.
Il faut donc une véritable transparence de la fiscalité des entreprises
Les réseaux RJF/FAN demandent notamment de créer une Organisation internationale de la fiscalité, sous l’égide des Nations Unies, de modifier la règle de l’unanimité et de lancer des procédures de « coopération renforcée » en matière fiscale, d’empêcher que les « lobbyistes » de l’optimisation fiscale puissent influencer de façon indue et peu transparente l’élaboration de la politique fiscale, de rendre obligatoire dans l’Union européenne un système par lequel les entreprises multinationales devaient déclarer pour chacune de leurs filiales certains chiffres significatifs (notamment profits, impôts réellement payés, nombre de travailleurs employés), de mettre fin à la course vers le bas en matière de fiscalité des bénéfices des entreprises, en prévoyant un taux plancher minimum de 25%, de créer une Taxe sur les transactions financières (TTF), de fiscaliser enfin l’économie digitale et les GAFA et de mettre la fiscalité au service du développement durable, en mettant fin à tous les subsides à la production et distribution des énergies fossiles. Des taxes internationales sur le carburant du transport international aérien et maritime doivent être mises en place.
Action symbolique à la santé des grosses fortunes !
Dès le 4 janvier, les plus grosses fortunes se seront déjà acquittées de leur contribution fiscale au bien-être collectif, là où la moyenne de leurs concitoyens ne le pourra avant la moitié de l’année.
C’est cette date symbolique que le Réseau pour la Justice fiscale a choisie pour manifester sa désapprobation envers les injus tices fiscales, devant un lieu symbolique rebaptisé pour l’occasion « Clos des millionnaires ». Une centaine de représentants des associations sont venus boire le champagne et se faire entendre à la presse, nombreuse ce jour-là.
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Le RJF et le FAN rassemblent les syndicats et une trentaine de mouvements et d’ONG de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles.
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