Le jeu de massacre, ça fait mal ! (2014–2015)
N’encouragez pas la haine ! Ne vous trompez pas de cible !
L’objectif de cette campagne était de sensibiliser la population mais aussi les médias et les politiques sur le danger réel de continuer à alimenter des discours sur l’austérité qui stigmatisent les populations déjà fragilisées.
« Farciennes : Voici la rue où personne ne travaille. » » Il faut renforcer la prévention de la fraude dans les CPAS. » Des titres de journaux de cette trempe, il en regorge tous les jours. Et à voir le nombre de commentaires (souvent haineux) que ces articles suscitent, on ne peut que se dire que les médias sont complices du lynchage que subissent les populations les plus fragilisées (migrants, allocataires sociaux, demandeurs d’emploi …) Pire, ils contribuent fortement à l’amplifier.
Ces messages de haine se répandent comme des traînées de poudre sur les réseaux sociaux, sur les forums de discussion des journaux et dans les conversations quotidiennes. Arrêtons… le jeu de massacre. ça fait mal et ça ne rapporte rien, bien au contraire !
L’austérité fabrique des boucs émissaires pour détourner des vraies responsabilités. La campagne, lancée en 2014, avait comme objectif de sensibiliser la population mais aussi les médias et les politiques sur le danger réel de continuer à alimenter des discours sur l’austérité qui stigmatisent les populations déjà fragilisées.
Nous avions alors adressé un message clairs aux politiques et aux citoyens à quinze jours des élections fédérales : N’encouragez pas la haine ! Ne vous trompez pas de cible !
Des groupes de vigilance web
Parce que le jeu de massacre, ça suffit !… Des groupes de vigilance web se sont formés pour répondre aux messages simplistes et souvent erronés qui circulent sur les forums en ligne. Des citoyens encadrés par nos animateurs se sont appropriés les outils web et ont formulé des contre-arguments aux idées reçues souvent répandues sur les forums des médias en ligne.
Pourquoi des groupes de vigilance web ?
Pour s’informer et se former : décoder les préjugés et montrer le lien entre l’austérité et la stigmatisation des publics faibles (analyse des discours, faits…).
Pour agir en utilisant Internet et les nouveaux médias : lutter contre les messages de haine qui circulent sur Internet, notamment sur les forums des médias. (RTL, Le Vif etc.)
Si vous souhaitez mettre en place un groupe de vigilance web, vous pouvez prendre contact avec la régionale la plus proche de chez vous.
Étrangers : Tous dehors !?
Maggie de Block nous sauve t-elle de l’invasion des migrants ?
Notre société est multiculturelle, il suffit de se balader dans certains quartiers pour s’en rendre compte. Mais est-ce pour autant que nous sommes envahis par les personnes réfugiées ? La réponse est non ! Le top 3 des pays qui accueillent la plus grande partie des réfugiés sont le Pakistan, l’Iran et l’Allemagne. (Voir encadré)
De plus, les pays pauvres accueillent en moyenne 81% des personnes réfugiées dans le monde. Pourquoi alors certaines personnes ont-elles l’impression d’être envahies ? La responsabilité est partagée. D’un côté, les politiques n’infirment pas certaines idées reçues et induisent par leurs discours simplistes, des perceptions erronées. De l’autre, les médias dans leur course au sensationnalisme,fabriquent des titres racoleurs pour faire vendre, pour faire : « lire, écouter, voir… » leur information.
« Les gens nourrissent des clichés à notre égard. Ils pensent que nous sommes prêts à tout pour obtenir des papiers y compris à se marier pour y arriver… Ce qui est totalement faux. C’est usant de devoir constamment se justifier ou prouver de sa bienveillance comme si sous prétexte que nous sommes sans-papiers tout d’un coup s’effaceraient toutes les qualités humaines qui sont reconnues à tout être humain ».
Au milieu de cette masse d’information, on trouve le citoyen, vous et moi, qui ne joue pas toujours son rôle : aller au-delà du titre accrocheur d’un article de presse, au-delà de discours politiques qui induisent parfois la stigmatisation… Mais pour arriver à retirer le cœur de ce flux informationnel, il faut pouvoir prendre un minimum de recul, croiser différentes sources d’information, accepter d’entendre d’autres opinions.
Il faut tout d’abord savoir que l’immigration rendue visible par la différence culturelle ou ethnique n’est pas majoritaire, même si c’est elle qui est généralement pointée du doigt. En effet, c’est l’immigration intra européenne qui constitue la part la plus importante de l’immigration en Belgique : 60% est européenne (Italiens, Français, Néerlandais…)
En 2012, on recense en Belgique 22.024 réfugiés. Pour avoir une idée de l’importance de la proportion : l’Ethiopie accueille elle, plus de 370.000 réfugiés, le Kenya plus de 560.000 et le Pakistan plus d’ 1,6 million de personnes ! (Voir ci-dessous) On ne peut donc pas dire que la Belgique accueille massivement des migrants.
« Certaines personnes pensent que tous les immigrés viennent en Belgique. Il y a plus de réfugiés dans mon pays qu’ici ! »
DES CHIFFRES ÉLOQUENTS
21.463 DEMANDES D’ASILE ont été introduites : personne qui a quitté son pays d’origine et sollicite une protection en introduisant une demande de protection internationale. En 2012, 3.038 demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié.
22.024 RÉFUGIÉS : demandeur d’asile à qui un Etat a reconnu le statut de réfugié et donc accordé sa protection.
3.898 APATRIDES : personne qu’aucun État ne veut reconnaître sur son territoire, ou dont la nationalité n’est pas déterminée.
Source : UNHCR 2012
Les immigrés nous volent-ils notre travail ?
Dans un contexte de crise économique, nous nous retrouvons dans une incertitude face à notre situation professionnelle, nous avons peur de perdre notre emploi. Les immigrés seraient-ils la cause du problème ? Notre économie se fonde essentiellement sur le secteur tertiaire c’est-à-dire sur les services aux personnes. Quand ils arrivent chez nous, les immigrés créent de nouveaux besoins et beaucoup leur propre emploi, ouvrent la porte à de nouveaux marchés. Par exemple, certains développent de l’import-export avec leur pays d’origine, ouvrent des agences de voyage avec leur pays d’origine…
« Croire que je suis un profiteur ou que je vole leur travail. C’est de l’ignorance ou de la manipulation d’information. J’aime travailler. D’ailleurs, je travaille même sans être payé ! Je suis un être humain, j’ai besoin d’accomplir quelque chose dans ma vie. Tout le monde aspire au fond à la même chose : avoir une vie heureuse. Personne n’est heureux s’il a comme seule perspective de dormir dans des centres d’accueil et d’attendre… ».
Ce qu’on oublie aussi souvent de mentionner, c’est qu’immigrer coûte cher : les frais de voyage vers l’Europe représentent plusieurs milliers d’euros. Considérer donc que les immigrés qui arrivent sont tous dans la misère est donc une fois de plus une mauvaise perception de la réalité.
La plupart des études économiques révèlent que les immigrés ne font pas le même travail qu’un natif. Tout simplement parce qu’ils n’ont pas les mêmes compétences ou parce que leur diplôme n’est pas reconnu : la plupart du temps les immigrés se concentrent sur les tâches plus manuelles. Mais aussi parce qu’ils occupent des postes précaires dont les natifs ne veulent pas. Selon Andrea Réa, professeur de sociologie à l’ULB et spécialiste des migrations, le niveau d’étude des demandeurs d’asile est supérieur à la moyenne de la Belgique. Ils sont souvent sous-utilisés par rapport à leurs compétences. Bien souvent, ces deux types de travailleurs ne sont donc pas mis en concurrence. Ils sont plutôt complémentaires.
Cependant, selon Andrea Réa, le fait d’aller chercher des immigrés à l’étranger est une stratégie patronale qui contribue à la baisse du niveau des salaires car ils acceptent de travailler pour un moindre coût. Cela crée des compétitions entre les travailleurs, entre les nationaux et les immigrés. Mais certains secteurs ne fonctionneraient pas sans cette contribution notamment le secteur de la construction.
« Il faudrait faire plus confiance aux gens, leur permettre de s’intégrer en leur donnant accès à des formations, à des cours de langues. Voir les migrants comme une main d’œuvre potentielle supplémentaire qui permettrait de contribuer à la croissance économique du pays et non comme des voleurs. Une autre solution serait d’aider les pays d’origine des migrants ; leur permettre d’être de réelles démocraties. »
DES CHIFFRES ELOQUENTS
MARCHÉ DE L’EMPLOI / IMMIGRÉS
1/3 des immigrés occupent des EMPLOIS PEU QUALIFIÉS DÉLAISSÉS PAR LES BELGES : chauffeur de taxi, société de nettoyage, conciergerie, cueillette de fruits
1/3 des immigrés occupent des EMPLOIS TRÈS QUALIFIÉS EN PÉNURIE : médecins, infirmiers, footballeurs
1/3 des immigrés occupent des EMPLOIS STANDARDS : salariés et employés et des emplois qu’ils créent
Source : François Gemenne, conférence ULG « Migrations, droits d’asile. Quelles alternatives à l’Europe Forteresse ?, févr. 2014.
Les immigrés coûtent-ils trop cher à l’Etat ?
« On ne peut pas accueillir tous ces immigrés parce qu’ils coûtent cher à l’Etat et qu’en temps de crise économique, on ne peut pas se le permettre. » Mais combien coûtent-ils au juste ?
Selon François Gemenne, chercheur à l’Université de Liège, la Belgique est un des seuls pays industrialisés avec la France dans lequel l’immigration coûte un peu d’argent. Parce que chez nous, le taux de chômage de la population immigrée est plus important par rapport aux autres pays européens. En effet, Il y a trois fois plus de demandeurs d’emploi auprès des immigrés qu’au sein des belges.
Donc, cela prouverait qu’ils viennent chez nous pour profiter des aides sociales ? Là encore, il faut chercher plus loin que les idées simplistes, se documenter, croiser les différentes informations et on en arrive à la conclusion que l’importance du taux de chômage chez les immigrés est essentiellement dû à la discrimination existante sur le marché de l’emploi.
Plusieurs études récentes dont le monitoring socio-économique élaboré par le SPF Emploi et le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (CECLR) l’ont d’ailleurs démontré. Lutter contre cette discrimination à l’embauche, ramener le taux de chômage des immigrés à celui de la population belge, rapporterait 1% du PIB selon l’OCDE.
De plus, selon le bulletin statistique du SPP Intégration sociale, les bénéficiaires d’un revenu d’intégration sociale sont principalement de nationalité belge.
En 2012, moins d’un bénéficiaire sur 10 était ressortissant d’un pays de l’Union européenne et environ un sur cinq avait une nationalité extra-européenne. Oui… même considérant ces éléments, l’immigration a un coût me direz-vous ! En France, on estime que l’immigration coûte entre 4 et 8 milliards par an au budget de l’Etat. Etant donné que la situation du chômage est comparable avec la Belgique, on peut dire que l’immigration coûterait approximativement 1 à 2 milliards par an au budget de l’Etat belge. C’est un coût relativement faible.
Pourquoi alors ramener systématiquement cet argument sur la table ? Nous bénéficions tous d’une manière ou d’une autre, de l’aide ou de la protection sociale.
L’immigration a un coût dans certains pays mais elle rapporte également ! En France, une équipe de chercheurs de l’université de Lille a réalisé une étude en 2009. Celle-ci mettait en évidence le gain de l’immigration pour l’Etat français : plus de 12 milliards d’euros par an. Mais attention le bénéfice tiré de l’immigration dans certains pays comme le Canada par exemple s’explique aussi par le fait qu’ils pratiquent l’immigration choisie.
PROFIL DES MIGRANTS EN BELGIQUE
Les demandeurs d’asile, dont le niveau d’étude est supérieur à la moyenne de la Belgique. ils sont souvent sous-utilisés par rapport à leurs compétences.
des personnes issues de l’élargissement de l’Europe : Polonais, roumains, bulgares
des personnes qui bénéficient du regroupement familial : souvent considérées comme une éventuelle source de coûts car moins bien formées.
MAIS globalement, la plupart des immigrés qui arrivent en Belgique sont des personnes dont l’activité économique est la première motivation pour entrer sur le marché du travail.
DES CHIFFRES ÉLOQUENTS
45,2 millions de personnes sont déracinées dans le monde
80% de réfugiés de par le monde sont accueillis par les Pays Pauvres
TOP DES DEMANDES D’ASILE
- États-Unis : 70.400 (le + grand nombre de demandes)
- Allemagne : 64.500
- Afrique du Sud : 61.500
- France : 55.100
Source : UNHCR 2012
En 2014, au moment de lancer cette campagne, la BELGIQUE accueille 75 réfugiés syriens et le LIBAN plus d’1 million !
Chômeurs : Tous profiteurs !?
La dégressivité des allocations de chômage poussera t-elle les chômeurs à travailler?
En Belgique, il y a plus de 461.000 chômeurs complets indemnisés (Chiffres Onem, janvier 2014). C’est un problème d’envergure auquel il faut s’attaquer. Mais comment ?
Le gouvernement a décidé de prendre le problème par le mauvais bout. Peut-être pour se faciliter la vie. Effectivement, c’est assez simple de prendre des mesurettes symboliques ou électoralistes. Mais c’est plus compliqué de prendre des décisions moins populaires mais qui pourraient produire des résultats structurels en termes de création d’emplois.
DIMINUTION DES ALLOCATIONS DE CHÔMAGE Elles diminueront par phases sur quatre ans :
Chefs de ménage : moins 12% Isolés : moins 17,5% Cohabitants : moins 40%
Source : Ecolo 2012
Tout le monde sera d’accord pour dire que ce n’est pas normal qu’un demandeur d’emploi ait le même revenu qu’un travailleur. Par contre, là où on se laisse avoir, c’est quand on se laisse charmer par des raccourcis : « Il faut réduire l’allocation de chômage, ça les poussera à chercher du boulot ! ». Le problème avec ces évidences, c’est qu’elles ne le sont pas tant que ça ! Réduire un peu plus les allocations de chômage par paliers va appauvrir une part importante de la population (plus de 100.000 personnes), plutôt qu’augmenter réellement le nombre de personnes à l’emploi.
Tout d’abord, pour ne pas tomber dans le panneau, il faut savoir de quoi on parle : à quoi ressemble le marché de l’emploi en Belgique ? Les syndicats estiment qu’il y a un poste disponible pour 40 demandeurs d’emploi en Wallonie. Selon une étude de l’Ires de 2013, cette proportion serait réduite à 5 postulants pour 1 poste disponible. Ces chiffres varient donc d’une étude à l’autre mais quels que soient les chiffres, que signifient-ils ? Tout simplement qu’il n’y a pas assez de travail pour tout le monde ! Pas besoin d’avoir fait« science éco » pour comprendre ça ! Diminuer les revenus des demandeurs d’emploi pour les « motiver » à trouver un boulot ? Cela va surtout augmenter le stress qu’ils vivent déjà au quotidien et les pousser à s’engouffrer dans le tourbillon de la débrouille (travail au noir…) et/ou de la course au travail le plus précaire. Toutes ces personnes qui vivent avec une faucheuse au-dessus de leur tête devront accepter n’importe quel boulot à n’importe quelles conditions.
“Lors d’un contrôle (oh pardon !) d’un conseil Forem, on m’a fait comprendre que je devrais accepter n’importe quel job même s’il est à l’opposé de mon diplôme”.
« Et alors quel est le problème ? Un travail, c’est un travail ! N’est-ce pas ? » Le problème, c’est que cela va contribuer à alimenter une forme d’esclavage moderne où la tête de ces gens sera mise à prix aux moins offrants. Cela risque de tirer les salaires et les conditions de travail vers le bas et de porter un fameux coup à la législation du travail, aux droits des travailleurs (qui seront peut-être un jour à la place des chômeurs).
TAUX DE CHÔMAGE
Belgique : 8,8% Europe : 11%
Source : Onem 2013
Qui dit réduire les allocations de chômage progressivement, dit trouver rapidement un emploi dans le délai qui aura été déterminé « en théorie » comme étant « suffisant » pour percer sur le marché de l’emploi. Sauf que si l’effet attendu ne se révèle pas dans la « vraie vie », que vont faire tous ces gens : jeunes diplômés, femmes seules avec enfants, personnes « périmées » pour le marché de l’emploi… ? Elles devront soit se mettre dans l’illégalité, soit se tourner vers les CPAS. Mais le hic, c’est que ces derniers disent que leurs caisses sont vides, qu’ils ont déjà du mal à travailler correctement aujourd’hui. Qu’en sera-t-il quand 50.000 chômeurs perdront leur allocation en janvier 2015 ? Du côté du gouvernement, on rassure avec des « oui mais vous recevrez une plus grosse dotation ». Oui mais… l’incertitude règne et les imprécisions sont légion.
Gagnent-ils vraiment plus que moi qui travaille ?
« C’est bien beau tout ça mais quand même… certains se lèvent tôt, font un job qu’ils détestent et acceptent les pires conditions. Et avec par-dessus le marché un salaire misérable identique aux allocations que les chômeurs perçoivent ». Oui, sauf que… ce qu’on peut en retenir, c’est qu’il y a des travailleurs qui ont un salaire bas et des contrats précaires.
Pourquoi ne pas augmenter les bas salaires ? Pourquoi ne pas arrêter de diviser les travailleurs avec et sans emploi ? Car ces derniers sont avant tout des travailleurs privés d’emploi. Parce que personne n’a envie de tourner en rond, parce que ces personnes ont une famille… qu’elles veulent avancer dans la vie plutôt que d’imaginer leur avenir dans la salle d’attente d’un bureau de chômage.
“Je vais perdre plus de 100€/mois. Je touche actuellement 1.180€, je vais progressivement descendre à 1.070€. Sans mettre un sou de côté pour les coups durs ou les frais exceptionnels (réparation d’un bulex, achat d’une nouvelle poêle ou d’une nouvelle casserole, réparation de mes lunettes qui sont tombées par terre…), il me reste 340€/mois. Soit 11€/jour pour manger, me vêtir, me déplacer, me soigner et me laver, entretenir mon appartement, lire, m’informer, me cultiver, faire du sport, me détendre, faire des cadeaux aux proches, les inviter une fois de temps en temps à souper… Bref, pour vivre une vie “presque” normale quoi : je ne regarde pas la télé, je ne voyage pas, je ne pars pas à l’étranger en vacances, et je ne fais pas de politique car ça coûte de faire de la politique… Pour tout ça donc, pour assurer mon élémentaire vie quotidienne, apolitique, sédentaire et casanière, j’ai aujourd’hui 340 € par mois. Demain, j’en aurai 110 de moins.”
JUGEZ PAR VOUS-MÊME !
Allocation de chômage : 1.070€/mois
Dépenses obligatoires : 640€ (Loyer + charges, assurance incendie, assurance complémentaire à la mutuelle + assurance hospitalisation, taxes communales, provinciales et régionales,GSM)
Pension alimentaire à payer : 200€
Restera : 230€/mois
Isolés, cohabitants, chefs de famille… Tous seraient surpayés ? Par rapport à quoi ? Par rapport à qui ? Devons nous remettre en cause notre système de sécu, celui-là même qui nous a permis d’être plus épargnés que d’autres par la crise économique ? Les demandeurs d’emploi actuels sont pour la plupart (excepté les jeunes sortant de l’école) d’anciens travailleurs qui ont cotisé, payé leurs impôts comme tout le monde. N’oublions pas que seuls ceux qui ont travaillé pendant une période déterminée ont droit à une allocation de chômage ! Et que cette allocation est calculée sur base du dernier salaire perçu.
Trop payés ? Par rapport à leurs qualifications ? Par rapport au type de job qu’ils occupaient ? Non… Alors par rapport à quoi ? Actuellement, un chef de famille, c’est-à-dire une personne qui doit subvenir aux besoins de son conjoint et/ou de ses enfants, perçoit environ 1.600€ par mois pendant un an. Ensuite, cette somme diminue pour atteindre environ 1.100€ après 3 ans. Mais attention, ce sont des montants maximums : l’allocation est calculée selon la situation familiale, le passé professionnel (temps plein, mi-temps…). Certains peuvent donc démarrer avec 1.100€ en poche ! Les personnes qui ont le statut d’isolé, c’est-à-dire qui vivent seules, partent avec la même allocation de départ que les chefs de ménage pour en fin de compte toucher environ 916€. Mais ici aussi, quid de tous ceux qui ont dès le départ une allocation bien inférieure ?
Sont considérés comme cohabitants, les personnes qui vivent avec quelqu’un qui a également un revenu de remplacement (pension, allocation de chômage par exemple), ou avec une personne qui est salariée. Dans le premier cas, ils perçoivent au départ environ 1.600€. Dans le second, ils perçoivent environ 700€. Après quatre ans, les uns comme les autres atteindront la somme de 484€ ! « 1.600€ par mois pendant un an ? C’est pas si mal ! Ils ont tout le temps de retrouver du boulot ». Sauf que la croissance économique n’est plus la même que dans les années 60, période où l’emploi foisonnait. Aujourd’hui, c’est même carrément l’inverse : pour la période 2009–2013, la croissance économique a atteint le seuil le plus faible jamais atteint depuis la 2ème guerre mondiale !
Comment vivre avec 1.100€/mois avec une famille à charge ? Payer le loyer, l’électricité, le gaz, l’eau, les fournitures scolaires, les médecins et les trajets ou l’assurance voiture devenue la plupart du temps indispensable pour trouver un emploi ? Comment vivre avec 920€ seul ? Payer le loyer, les courses et toutes les autres charges et payer un abonnement de train ou de bus pour aller à ses entretiens ? Comment vivre avec 480€ par mois ? Comment imaginer un avenir, se projeter positivement dans sa vie ?
Les demandeurs d’emploi gagnent trop ? N’est-ce pas plutôt les travailleurs qui ne gagnent pas assez ?
DES CHIFFRES ÉLOQUENTS
55.000 C’est le nombre de demandeurs d’emplois qui risquent d’être exclus du chômage à partir du 1er janvier 2015
Source : FGTB 2013
CPAS : Tous fraudeurs !?
Est-on vraiment trop laxistes en Belgique ?
Mais qu’entend-on par aide sociale au juste ? Avant de porter un jugement, autant s’informer correctement. Il existe différents types d’aides sociales. Les aides financières d’abord : revenu d’intégration sociale (RIS, appelé auparavant minimex), allocation-loyer, primes à l’énergie, primes d’installation des SDF… Mais aussi l’aide médicale, la guidance budgétaire, ainsi que les aides à l’emploi et les mesures de mise au travail. En effet, les CPAS engagent des personnes exclues du marché du travail pour faciliter leur insertion sur le marché du travail ou leur permettre de bénéficier ultérieurement des allocations de chômage. Le CPAS peut affecter ces personnes à ses propres services ou à un employeur tiers. Ce sont les fameux « Articles 60 et 61 » qui ont fait la une de l’actualité récemment.
En effet, des ressortissants européens ont reçu un ordre de quitter le territoire alors qu’ils avaient un emploi article 60 et étaient considérés comme une charge déraisonnable pour l’Etat belge.
DURÉE D’OCTROI DU RIS
Sur le total des bénéficiaires du RIS :
- 48% en bénéficient pendant 6 mois max.
- 31% entre 1 à 2 ans
- 20% entre 6 mois et 1 an
- 1% plus de 2 ans
Source : SPP Intégration sociale, 2013
Mais combien sont les personnes qui bénéficient d’une aide sociale ? En 2013, environ 150.000 personnes bénéficiaient d’une aide sociale, tous types confondus. Et 98.000 d’entre elles bénéficiaient d’un revenu d’intégration sociale (RIS). Ce chiffre est loin de ceux qu’on lit parfois sur les forums des médias en ligne.
« Peu nombreux, ok mais… la plupart restent à vie au CPAS non ? » Un récent rapport du SPP Intégration sociale met en évidence que seul 1% des bénéficiaires du RIS le perçoivent plus de 2 ans (voir ci-dessus). Encore une fois, il y a un énorme décalage entre la perception qu’on peut avoir d’une situation et la réalité.
DES CHIFFRES ÉLOQUENTS
149.076 Nombre de personnes qui bénéficient d’une aide sociale chaque mois.
95.000 Nombre de bénéficiaires du RIs en 2012
98.000 Nombre de bénéficiaires du RIs pour les huit premiers mois de 2013
Source : SPP Intégration sociale, 2013
Lutter contre la fraude sociale va t-il équilibrer les dépenses de l’Etat ?
En temps de crise économique, on cherche à faire des économies, contrôler au maximum les dépenses et traquer les fraudeurs. On a beaucoup parlé dans les médias de la fraude sociale, qui permettrait d’équilibrer les dépenses de l’Etat. Avant de s’engouffrer dans l’évidence apparente d’un tel argument, autant vérifier quelques informations… Tout d’abord une récente étude de PWC sur la fraude sociale largement relayée sur les sites d’informations mais aussi sur le site de la secrétaire d’Etat à la migration, Maggie de Block, révèle que la fraude sociale parmi les bénéficiaires du RIS est de 5%. Autrement dit, 95% des bénéficiaires ne fraudent pas !
Au sens large, la fraude sociale et principalement le travail au noir ne représente qu’un tiers de la fraude totale ! Les 2/3 restants concernent la fraude fiscale. Il y a absence de moyens mais aussi de volonté politique : le président de la Cellule de traitement des informations financières (CTIF), Jean-Claude Delepière, a déclaré en 2013 que le monde politique ne fait pas grand-chose pour s’attaquer au problème de la grande fraude fiscale. De plus, le secrétaire d’Etat à la lutte contre la fraude fiscale a lui-même reconnu qu’il ne disposait pas des moyens et des outils nécessaires pour être efficace.
Les minimexés devraient-ils faire des travaux d’intérêt général gratuits pour mériter leurs allocations ?
Actuellement, un CPAS peut proposer à ses bénéficiaires un travail gratuit non obligatoire. Il faut revenir à l’utilité de base d’une aide sociale, celle de la réinsertion dans la société mais aussi dans sa propre vie. Donc si on suit ce raisonnement, il faut permettre aux gens de disposer du temps libre pour se former, chercher un emploi… pour se reconstruire.
MONTANT DU RIS PAR CATÉGORIE /SEUIL DE PAUVRETÉ
Cohabitants : 544,91€/mois
Isolé : 817,36€/mois / 973 €/mois
Chef de ménage : 1.089,82€/mois / 2.100 €/mois (ménage de 2 adultes et 2 enfants)
Source : SPP Intégration sociale, 2013 – IWEPS, 2013
Par ailleurs les personnes qui sont au CPAS, ne sont pas toutes en « décrochage ». Beaucoup de jeunes diplômés qui n’ont pas encore travaillé et dont on a rallongé le stage d’attente ont recours au CPAS. On va les obliger à nettoyer les rues pour les motiver ? Il vaut mieux offrir à ces personnes des formations de qualité, leur permettre de chercher correctement un travail rémunéré et durable plutôt que de les obliger à contribuer à l’intérêt général comme si on partait du principe qu’ils disposent d’un temps libre infini et qu’ils ne font rien de leurs journées.
De manière générale, les nouvelles mesures appliquées dans le cadre de la réforme du système des allocations de chômage vont avoir des conséquences importantes sur les CPAS : ceux-ci vont devoir réduire les aides octroyées et renforcer les critères d’octroi des aides sociales pour faire face à l’afflux de demandeurs d’emploi exclus ou en attente d’allocations. Les risques d’exclusion risquent donc d’augmenter alors que le CPAS est le dernier filet de protection sociale avant la rue.
ESTIMATION DE LA PERTE DE RECETTES DE L’ETAT BELGE
FRAUDE FISCALE : entre 20 et 30 MILLIARDS € (Source : SPP Intégration sociale, 2013)
FRAUDE SOCIALE : entre 8 et 10 MILLIARDS € (Source : IWEPS, 2013)
Les fausses bonnes idées qui circulent
La stigmatisation des publics vulnérables amènent souvent les politiques et les médias à proposer des solutions simplistes qui ciblent les personnes mais ne s’attaquent pas aux racines des problèmes. Nous les avons appelées les « fausses bonnes idées ».
EN MATIÈRE DE CHÔMAGE :
« Le bénévolat devrait être obligatoire pour éviter aux chômeurs d’être déconnectés de la vie active. «
Faux :
Cela crée de la concurrence avec les travailleurs et fera donc baisser les salaires, et le bénévolat mène rarement à l’emploi.
« Activer les chômeurs créera de l’emploi. »
Faux :
C’est rentrer dans la logique allemande du dumping social qui crée du travail sous-payé et à temps partiel qui ne permettent pas de vivre décemment.
« Il faut supprimer l’allocation d’insertion des jeunes pour les motiver à chercher rapidement un emploi. »
Faux :
C’est de l’emploi et de la formation qui manque, pas de l’activation.
EN MATIÈRE DE MIGRATION :
« Il faut faire baisser le taux d’immigration pour diminuer les dépenses publiques. »
Faux :
L’accueil des étrangers ne coûte que 0,7% aux dépenses publiques. Et de nombreuses études montrent que l’immigration rapporte au moins autant qu’elle ne coûte.
« Il faut limiter l’immigration économique pour diminuer le taux de chômage.«
Faux :
Les migrants créent de nouveaux besoins et donc des emplois.
« Il faut diminuer les aides sociales aux étrangers pour les dissuader de venir chez nous. »
Faux :
Ce n’est pas la raison principale de leur choix, et c’est contraire aux obligations internationales.
A PROPOS DU CPAS :
« Les minimexés devraient faire des travaux d’intérêt général gratuits pour mériter leurs allocations. »
Faux :
Le RIS est octroyé à des personnes sans ressources. Les faire travailler gratuitement est une manière de fragiliser l’emploi et d’utiliser les personnes comme des marchandises.
« Lutter contre la fraude sociale est indispensable pour équilibrer les dépenses de l’Etat. »
Faux :
La fraude sociale ne représente que 5% des montants octroyés par les CPAS, erreurs administratives comprises. Et la fraude sociale au sens large (principalement le travail au noir) ne représente qu’un tiers de la fraude (le reste = de la fraude fiscale).
« L’allocation universelle permettrait à chacun d’avoir le minimum pour vivre sans devoir dépendre du CPAS ».
Faux :
A moins que les riches n’acceptent de tout remettre à zéro pour pouvoir financer un revenu suffisant à tous (et indexé selon le coût de la vie).
Les vraies bonnes idées
Soucieux du respect des personnes, de la justice sociale, et d’un changement en profondeur de la société actuelle dominée par les logiques économiques et financières, nous proposons des pistes pour faire barrage aux idées reçues et raccourcis haineux.
Le fait que la stratégie du bouc émissaire trouve un échos traduit un profond malaise. Celui d’une société qui se laisse de plus en plus guider par des logiques de marché et l’individualisme, où SON argent et SON confort prennent le dessus sur l’intérêt collectif et le bien-être de chacun.
Celui d’un monde politique qui ne veut pas ou se sent incapable de prendre une autre voie que celle de l’austérité pour réparer les énormes dégâts sociaux provoqués par la voracité des spéculateurs et des banques. Et qui préfère, par facilité ou par choix idéologique, réduire les dépenses sociales (l’austérité) plutôt que d’augmenter les recettes fiscales.
Pourtant, les vraies bonnes idées ne manquent pas. Elles sont portées par différents mouvements sociaux. On en retrouve aussi bon nombre dans les programmes des partis politiques progressistes. Elles concernent :
Le respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes et en particulier des plus vulnérables :
Par exemple :
- Réaliser l’individualisation des droits en sécurité sociale et supprimer le statut de cohabitant. Et ainsi permettre à toutes et tous ceux qui cotisent à la Sécu de bénéficier de leurs droits.
- Définir et mettre en oeuvre une politique de migration centrée sur la défense des droits humains et des normes de travail. Et ainsi lutter conter l’exploitation, en particulier des migrants en situation irrégulière.
- Mettre en oeuvre une politique offensive de lutte contre le racisme. Et travailler à démonter les préjugés liés aux migrations et aux migrants.
La recherche d’égalité et de justice sociale :
Par exemple :
- Réduire collectivement le temps de travail, avec embauche compensatoire et maintien des salaires. Et ainsi permettre à tous un emploi.
- Définir un salaire minimum garanti au niveau européen. Et ainsi lutter contre le dumping social.
- Prendre en compte tous les revenus (et pas seulement ceux du travail) dans le cadre de l’impôt.
- Mettre en place un véritable impôt sur les grosses fortunes.
- Relever les montants des minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté.
La Re-politisation des enjeux de société, face à la suprématie arrogante du monde économico – financier
Par exemple :
- Préserver de la marchandisation et de la concurrence, les secteurs d’activités qui rencontrent des besoins fondamentaux, comme l’éducation, la santé, l’accès à l’eau, les services postaux, l’énergie…
- Instaurer une vraie gouvernance économique au sein de la zone euro. Pour coordonner des politiques économiques, fiscales et de régulation indispensables.
- Soutenir pleinement la dynamique associative. Car c’est par l’articulation bien comprise entre les mouvements collectifs et l’action politique que l’on fait vivre la démocratie et que l’on produit du droit.