Anti-terrorisme : La tentation sécuritaire (Contrastes Avril 2017)
Un pouvoir fort pour lutter contre le terrorisme ?
Cela fait maintenant plus de deux ans que la crainte d’être victime d’un attentat terroriste fait désormais partie de notre quotidien. L’impact psychologique est un des objectifs de l’organisation terroriste Etat Islamique et il est partiellement atteint. La visée est également politique : déstabiliser les démocraties, provoquer une réaction sécuritaire forte de leur principal adversaire principal, l’Occident. Et les mesures sécuritaires ne se sont en effet pas fait attendre. Bien que saluées au lendemain des attentats par la grande majorité des partis politiques et par la population, celles-ci posent cependant de plus en plus question.
La précipitation avec laquelle les mesures ont été décidées après chaque attentat en France puis en Belgique répondait avant tout au besoin de rassurer la population en montrant qu’on agit. Mais elle a révélé une absence de stratégie globale et de concertation avec les acteurs concernés (justice, police, parlement, pouvoirs régionaux et locaux), au point que certaines d’entre elles sont tout simplement inapplicables.
Outre un manque de stratégie concertée, la dérive sécuritaire est également dénoncée par les défenseurs des droits de l’homme. Sans nier la nécessité de mesures pour améliorer les services de renseignement, les associations attirent l’attention sur la disproportion des mesures prises au regard du respect des libertés fondamentales, de la citoyenneté et de la vie privée. « Rien à cacher, rien à craindre », entend-on souvent pour justifier une surveillance généralisée. Pas si sûr, notamment au regard des récents projets de loi visant à obliger les travailleurs sociaux à dénoncer tous les indices suspects de radicalisation et lutter contre la fraude sociale. Un canon pour tuer une mouche, mais qui mène à généraliser la loi du soupçon, perceptible à travers plusieurs modifications législatives visant les étrangers et les demandeurs d’asile.
Or, pour lutter contre la radicalisation, il faut avant tout mener des actions de prévention dans les écoles, les quartiers, les salles de sport, la culture et lutter contre la discrimination qui renforce le sentiment de méfiance et d’exclusion, une des racines du terrorisme.
La dérive des politiques sécuritaires (et en particulier la pré- sence massive des militaires en rue), se traduit aussi par la tentation d’un pouvoir fort, comme l’a montré la récente enquête Noir, jaune, blues, publiée par le journal Le Soir. Un pouvoir fort qui ne s’encombrerait plus des « contraintes » de la démocratie représentative, ni de la séparation des pouvoirs. La vigilance est de mise car la menace est réelle si nous n’y prenons garde. Et cette menace est bien plus pernicieuse que celle d’un attentat. Pire, elle y contribue.
Sommaire
p3 – Terrorisme : Libérer notre imaginaire du piège de la terreur
Depuis les attentats de Charlie hebdo, les attaques terroristes se sont succédé et la population a dû intégrer cette nouvelle dimension dans sa vie. Passées l’émotion, la colère, l’incrédulité, l’incompréhension, il faut libérer notre imagination que le terrorisme tente de maintenir captive.
p6 –Mesures sécuritaires : Rien à cacher, rien à craindre ?
Le gouvernement belge a adopté une série de mesures visant à renforcer la sécurité en rue, améliorer les services de renseignements et de surveillance, réprimer plus durement les activités terroristes. L’objectif : mieux protéger la population. Mais qu’en est-il du respect des libertés fondamentales et de l’Etat de droit ?
p10 – Interview : “Les politiques doivent être des faiseurs de ponts”
Echevine à Molenbeek et islamologue de formation, l’écologiste Sarah Turine vit et travaille au coeur de la commune bruxelloise qui s’est trouvée sous les feux des médias au lendemain des attentats. Elle met en place pas à pas des initiatives pour dépasser les replis identitaires et refaire société.
p14 – Social : La logique du soupçon
Des intervenants sociaux chargés d’évaluer si leur interlocuteur ne serait pas en train de ruminer un acte terroriste. Des étrangers expulsés du pays sur simple soupçon… En point de mire : le travail social, les précarisés et les étrangers. N’y aurait-il pas comme une dérive ?
p17 – Présence des militaires : Les dimensions sociales de la peur
Depuis plus de deux ans, l’armée belge est présente dans l’espace public. Certains citoyens se sentent protégés, d’autres y voient une dangereuse dérive sécuritaire. Comment comprendre les différences de perception de cette présence militaire ? Quels éléments doivent entrer en considération dans le débat politique ?
Prix au n°
Prix au n° : 2 € (+ frais d’envoi)