Revues

Des vies boule­ver­sées (Contrastes Mai-Juin 2020)

UN RÉVÉLATEUR DES PLAIES DE LA SOCIÉTÉ

(La revue est télé­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­char­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­geable en bas de page.)

La crise sani­­­­­­­­­­­­­taire a boule­­­­­­­­­­­­­versé notre quoti­­­­­­­­­­­­­dien ; au travail, chez soi, au maga­­­­­­­­­­­­­sin, dans la rue… Elle a agi comme un « révé­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­teur », ce produit que les anciens amateurs de photos utili­­­­­­­­­­­­­saient pour déve­­­­­­­­­­­­­lop­­­­­­­­­­­­­per leurs clichés pour faire appa­­­­­­­­­­­­­raître les formes, les couleurs, les contrastes. Nous n’al­­­­­­­­­­­­­lons pas jusqu’à dire que la photo de la société d’avant-crise était fade et inco­­­­­­­­­­­­­lore. Depuis de nombreuses années en effet, les inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés de reve­­­­­­­­­­­­­nus se creusent, l’ac­­­­­­­­­­­­­cès aux besoins de base (loge­­­­­­­­­­­­­ment, alimen­­­­­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­­­­­tion) devient de plus en plus diffi­­­­­­­­­­­­­cile, les soins de santé de plus en plus coûteux, le travail de plus en plus précaire, le vivre-ensemble de moins en moins soli­­­­­­­­­­­­­daire. Cette évolu­­­­­­­­­­­­­tion était cepen­­­­­­­­­­­­­dant insi­­­­­­­­­­­­­dieuse et discrète (du moins dans nos pays occi­­­­­­­­­­­­­den­­­­­­­­­­­­­taux), malgré les piqûres de rappel de la gauche, et elle finis­­­­­­­­­­­­­sait par sembler inexo­­­­­­­­­­­­­rable. Le Covid a donc agi comme un révé­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­teur des plaies lais­­­­­­­­­­­­­sées par la course à l’argent et au pouvoir des plus riches, et de la faiblesse des Etats pour proté­­­­­­­­­­­­­ger les popu­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­tions face à leur vora­­­­­­­­­­­­­cité.

Il a aussi réveillé un « pouvoir d’agir » des citoyens et des asso­­­­­­­­­­­­­cia­­­­­­­­­­­­­tions, mais aussi des pouvoirs publics. Des mesures très rapides et inédites ont été prises sur les plans sani­­­­­­­­­­­­­taire, social et écono­­­­­­­­­­­­­mique pour conte­­­­­­­­­­­­­nir tant bien que mal un bain de sang social encore plus grave. L’Eu­­­­­­­­­­­­­rope a desserré les boulons de la rigueur budgé­­­­­­­­­­­­­taire pour permettre aux Etats de s’en­­­­­­­­­­­­­det­­­­­­­­­­­­­ter afin de finan­­­­­­­­­­­­­cer ces poli­­­­­­­­­­­­­tiques d’ur­­­­­­­­­­­­­gence. Dans ce numéro-ci, nous avons choisi de mettre le focus sur quelques faits marquants qui se sont déga­­­­­­­­­­­­­gés de cette crise sani­­­­­­­­­­­­­taire : le creu­­­­­­­­­­­­­se­­­­­­­­­­­­­ment des inéga­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés sociales et le bascu­­­­­­­­­­­­­le­­­­­­­­­­­­­ment soudain dans la pauvreté pour certains, le chan­­­­­­­­­­­­­ge­­­­­­­­­­­­­ment assez radi­­­­­­­­­­­­­cal de notre consom­­­­­­­­­­­­­ma­­­­­­­­­­­­­tion alimen­­­­­­­­­­­­­taire, les diffi­­­­­­­­­­­­­cul­­­­­­­­­­­­­tés rela­­­­­­­­­­­­­tion­­­­­­­­­­­­­nelles provoquées par le confi­­­­­­­­­­­­­ne­­­­­­­­­­­­­ment, le sort réservé aux migrants en tran­­­­­­­­­­­­­sit et aux sans-papiers, la néces­­­­­­­­­­­­­sité de reva­­­­­­­­­­­­­lo­­­­­­­­­­­­­ri­­­­­­­­­­­­­ser les métiers d’uti­­­­­­­­­­­­­lité sociale.

Si la crise sani­­­­­­­­­­­­­taire a été révé­­­­­­­­­­­­­la­­­­­­­­­­­­­trice des vulné­­­­­­­­­­­­­ra­­­­­­­­­­­­­bi­­­­­­­­­­­­­li­­­­­­­­­­­­­tés indi­­­­­­­­­­­­­vi­­­­­­­­­­­­­duelles et collec­­­­­­­­­­­­­tives, elle permet aussi de mettre au grand jour que les solu­­­­­­­­­­­­­tions que nous préco­­­­­­­­­­­­­ni­­­­­­­­­­­­­sons depuis des années pour renver­­­­­­­­­­­­­ser les logiques capi­­­­­­­­­­­­­ta­­­­­­­­­­­­­listes sont fondées, et que nous avons égale­­­­­­­­­­­­­ment plus que jamais un pouvoir d’agir. « Le choc du Covid-19 doit nous donner la force pour répondre collec­­­­­­­­­­­­­ti­­­­­­­­­­­­­ve­­­­­­­­­­­­­ment, par en bas, aux pouvoirs écono­­­­­­­­­­­­­miques et poli­­­­­­­­­­­­­tiques qui ne nous offrent comme pers­­­­­­­­­­­­­pec­­­­­­­­­­­­­tive que la peste de la crise sociale ou le choléra des pandé­­­­­­­­­­­­­mies et des crises écolo­­­­­­­­­­­­­giques. Le mouve­­­­­­­­­­­­­ment ouvrier aura un rôle impor­­­­­­­­­­­­­tant à jouer pour éviter le naufrage. Il ne pourra gagner qu’en s’al­­­­­­­­­­­­­liant à d’autres mouve­­­­­­­­­­­­­ments sociaux »1 . La société d’après-Covid sera l’objet de notre prochain dossier de Contrastes.

Monique Van Dieren


  1. Gilles Maufroy dans Les Confins, hors-série de la revue Le Chou de Bruxelles éditée par le MOC de Bruxelles

Prix au n° : 4€­­­­­­­­­­ + frais d’en­­­­­­­­­­­­­voi

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