Droit de grève et droit au travail : Amis ou ennemis ? ( Contrastes Février 2015)
On n’a pas l’un sans l’autre !
L’automne 2014 a-t-il marqué un tournant politique et social dans notre pays ? Sans doute. Sur le plan politique, un gouvernement de droite affichait sans complexe un programme largement inspiré des desiderata des organisations patronales.
Sur le plan social, le front commun syndical lançait en réponse un plan d’actions de grande envergure qui a servi à expliquer les mesures gouvernementales et affiner les revendications avant de lancer les actions de grève.
Comme l’écrit le permanent syndical CSC Nic Görtz dans ces pages, un tel plan a permis de mettre en évidence les alternatives à l’austérité.
Et c’est peu dire que les forces syndicales ont davantage œuvré à canaliser le mouvement de colère et de résistance qu’à l’insuffler !
Jean Faniel, directeur du Crisp et invité de ce numéro de Contrastes, observe que malgré les mutations profondes du monde du travail et le processus de désindustrialisation du pays, plus de 120.000 personnes ont convergé, venant d’horizons divers, pour la manifestation nationale de novembre.
La réussite n’en est que plus grande et sa signification d’autant plus profonde.
D’autant qu’elle a également donné une impulsion à la naissance de collectifs citoyens au Nord comme au sud du pays, comme le montre l’article de Claudia Benedetto.
La force de ce mouvement reflète clairement le mécontentement de la population, au nord comme au sud du pays, vis-à- vis du programme du gouvernement Michel 1er .
C’est sans doute pourquoi il a fallu faire appel aux moyens de communication modernes pour appliquer une vieille recette connue depuis la nuit des temps : s’efforcer de décrédibiliser l’adversaire et diviser ses forces. Dans son article « Une fausse dualité », Monique Van Dieren souligne qu’on pouvait observer une large adhésion à la grève dès les premières actions.
Certains venaient manifester pour la première fois de leur vie. Par la suite, on assiste à une attaque en règle du droit de grève de la part du gouvernement, dans les médias et sur les réseaux sociaux, au nom du droit au travail.
Argument doublement fallacieux. D’abord le droit au travail est justement ce pour quoi les travailleurs se battent. Ensuite il s’agit plutôt ici du droit de se rendre sur son lieu de travail quand il y a grève. Mais faire grève est bel et bien un droit, reconnu et protégé.
Régulièrement, les tribunaux renvoient la patate aux partenaires sociaux quand le patronat s’évertue à l’attaquer. Faire grève consiste à peser collectivement sur l’économie pour établir un rapport de force qui pousse à établir ou rétablir la concertation. Sans cette arme, les travailleurs ne seraient que des marchandises soumises à la loi de l’offre et de la demande.
Il a fallu des décennies pour faire reconnaître ce droit, sans cesse remis en cause, ce que rappelle l’article qui ouvre ce numéro. A l’heure d’écrire ces lignes, la concertation a eu lieu pour l’accord interprofessionnel (AIP).
Le résultat est cependant si maigre et si peu en phase avec les aspirations que la FGTB l’a rejeté tandis que la CSC ne l’a approuvé qu’à une très courte majorité.
Et personne n’imagine sérieusement que le front commun irait se briser dessus comme une vague en fin de parcours. Mais deux défis au moins se présentent. D’abord relancer un plan d’action aussi rassembleur qu’à l’automne ; ce qui implique aussi de bien s’expliquer sur les stratégies, y compris vers ceux et celles qui se sont mobilisés hors syndicats.
Ensuite, il est urgent que les syndicats sachent se saisir des ressorts des médias actuels pour rappeler à l’opinion publique le sens, la force et la nécessité du droit de grève.
Sommaire
p3 – L’histoire du pot de terre et du pot de fer
(Par Christine Steinbach)
Quoique reconnu, le droit des travailleurs à faire grève n’est pas défini dans la loi belge et se trouve régulièrement contesté par le patronat, bien souvent avec le soutien des pouvoirs publics. Au fil des décennies de lutte pour survivre et conquérir des droits, le mouvement ouvrier doit constamment défendre ce droit de grève.
p7 – La force syndicale aujourd’hui
(Par Nic Görtz)
Les syndicats sont des organisations puissantes et incontournables en Belgique. Mais sauront-elles faire face aux changements idéologiques et économiques qui favorisent leurs adversaires ?
p10 – Interview : Jean Faniel : redorer le blason du syndicat
(Par Monique Van Dieren et Muriel Vanderborght)
Devenu directeur du centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP) en 2013, Jean Faniel est particulièrement sollicité lorsqu’il s’agit d’expliquer au grand public les tenants et aboutissants des questions politiques belges. Qui mieux que lui pouvait donc nous apporter un éclairage sur le droit de grève, le mouvement de contestation de l’automne dernier et la toute récente reprise de la concertation sociale ? Nous l’avons donc rencontré ce 23 janvier pour faire, avec lui, un petit tour de la question…
p14 – Droit de grève et droit au travail : une fausse dualité
(Par Monique Van Dieren)
Les grèves de décembre dernier (et celles à venir ?) semblent créer un nouveau clivage au sein de la société belge. Après le clivage Gauche-Droite et Nord-Sud, une nouvelle pomme de discorde divise les citoyens : Ceux qui défendent le droit de grève et ceux qui revendiquent de manière de plus en plus affirmée le “droit au travail”. Comment expliquer ce nouveau clivage ?.
p17 – Osons « Tout autre chose »
(Par Claudia Benedetto)
En novembre, les syndicats en front commun ont mobilisé plus de 120.000 personnes contre les mesures d’austérité du gouvernement Michel, une mobilisation qu’on n’avait plus vue depuis dix ans. Parmi elles, on trouve le jeune mouvement citoyen “Hart boven hard – le coeur pas la rigueur” qui a la particularité de manifester “autrement” Le 11 décembre 2014, les francophones leur emboîtent le pas. “Tout autre chose” voit le jour avec comme étendard l’espoir qu’une alternative existe à l’austérité, qu’il faut oser rêver autre chose.
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