Europe : Garder le bébé, changer l’eau du bain ! ( Contrastes Avril 2013)
La solidarité européenne sacrifiée sur l’autel du grand marché
Une crise frappe de plein fouet la zone euro. Les Etats membres souffrent d’un endettement public qui grève leurs ressources et les obligent à payer des intérêts parfois extravagants sur les marchés auprès desquels ils se financent.
La réponse de l’Union européenne pour sauver sa monnaie consiste à pousser les Etats dans la voie de l’austérité, c’est-à-dire d’une réduction drastique des dépenses publiques pour alléger les dettes publiques, au risque d’affecter la qualité de vie des populations et de briser la cohésion sociale.
En échange de quoi, les pays plus riches consentent à prêter (prêter, pas donner) à un taux d’intérêt moins élevé aux pays fragilisés. Et deviennent donc actionnaires de ces Etats.
Ce qui leur donnent, estiment-ils, le droit de regard sur la confection des budgets publics. Cette voie de l’austérité est choisie dans un contexte de très faible croissance économique. Il faudrait relancer l’économie au sein du fameux “marché unique” en Europe. Donc investir, créer de l’emploi.
Mais l’Europe n’a pas de recettes pour réinventer son modèle économique livré au capitalisme de marché, avide de main-d’œuvre bon marché et gourmand en ressources énergétiques.
Quelle est donc cette Union européenne qui semble n’avoir rien d’autre à offrir qu’un grand marché dérégulé et des sacrifices à ses citoyens ?
A quoi sert-elle si elle ne peut même pas assurer une solidarité financière de ses Etats membres, mais seulement une discipline de fer ?
Qu’est-ce que c’est que cette institution dotée d’un budget dérisoire, qui se décline tantôt à 11, tantôt à 17 ou à 26 ou encore à 27 ? Qu’est-ce que c’est, cette démocratie gouvernée au gré d’intérêts qui sont d’abord nationaux au nom des dogmes néolibéraux d’une Commission dont les membres ne sont pas élus ?
Quel horizon l’Union européenne préfigure-t-elle si elle se montre incapable de faire entendre une voix commune à propos de politiques aussi essentielles que la protection sociale, la justice fiscale, le modèle économique, la protection des ressources naturelles ?
Toutes ces questions sont brûlantes d’actualité. L’euroscepticisme, voire le rejet de l’Europe, monte en puissance. Parce que le sujet est complexe et semble lointain ; parce que l’Europe est de plus en plus assimilée à un projet politique en panne, faute de projet, de solidarité, de démocratie.
Ce numéro de Contrastes propose quelques clés pour prendre part au débat sur l’avenir de l’Europe. Un premier article guide le lecteur dans le fonctionnement de cette géante aux pieds d’argile, et l’invite à se rafraîchir la mémoire quant aux matières pour lesquelles elle est compétente… ou pas.
Ensuite, l’on s’intéressera aux différentes crises qui la traversent et dont la crise de l’euro n’est finalement qu’un symptôme. De telles crises appellent à des remèdes.
Des propositions sont donc avancées en ce qui concerne le sauvetage même du cadre européen. Mais tout aussi important est la manière dont les mouvements sociaux se saisissent de ce cadre pour lui rendre un projet porté par les populations, et pas par “l’élite d’en haut”.
Sur l’ensemble de ces questions, un éclairage stimulant est également donné par l’interview croisée entre le député européen Philippe Lamberts (Ecolo Belgique) et le porte-parole du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde) Eric Toussaint.
Car nous ne pouvons pas nous permettre de balayer d’un trait le projet européen. Ni de nous positionner “simplement” pour ou contre. Nous avons besoin d’Europe. Mais pas de n’importe quel modèle européen !
Sommaire
p.3 Institutions : L’ABC de l’Europe
Première puissance économique mondiale, l’Europe est aussi ce “modèle social en déclin”, le “vieux continent”, la “forteresse”, ou, pire, une “non démocratie” …On la nomme également “Europe des 27” mais aussi “Europe des 17”. Qu’est-ce que l’Europe ? Et comment fonctionne-t-elle ? Petit tour d’horizon d’une organisation à la réalité et au fonctionnement complexes, voire labyrinthiques.
p.6 Analyse : Les trois maladies de l’Union européenne L’endettement des Etats menace l’unité et donc l’existence de l’Eurozone. Il est survenu à la suite de la crise financière de 2008. Mais le problème est beaucoup plus profond. Il touche à l’architecture même de la construction européenne qui manque de fondations. Si l’Europe est nécessaire dans un monde globalisé, alors il faut comprendre ce qui la menace pour être capable de choisir ce qui peut la sauver.
p.10 Interview croisée : Philippe Lamberts – Eric Toussaint L’Europe doit changer de cap !
Crise de l’euro, crise de solidarité entre pays européens, crise de confiance dans ses institutions… L’Union européenne doit faire face plus que jamais à des enjeux de taille. La mondialisation, la politique fiscale… Contrastes fait le tour des questions fondamentales qui touchent l’Europe au cœur avec Philippe Lamberts, député européen (Ecolo) et Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM).
p.15 Perspectives : L’Europe, oui… Mais laquelle ?
La crise de la zone euro est révélatrice des déficiences dont souffre l’Union européenne. Mais l’option choisie pour tenter de sauver l’euro en imposant une politique d’austérité et de recul salarial, risque de conduire l’Europe droit dans le mur. Il est grand temps de construire un véritable modèle social commun qui devra être porté par une dynamique démocratique.
p.17 Mouvements sociaux : Une autre Europe est possible… Osons y croire !
Sous le slogan « Un autre monde est possible », le mouvement altermondialiste a constitué le terreau d’une mobilisation européenne, qui a pris la forme de réseaux multiples sur des enjeux tantôt globaux, tantôt spécifiques. Bien qu’apparemment dispersés, ces réseaux constituent cependant le plus grand espoir de faire entendre les peuples face à l’absence de solidarité organisée et à l’austérité aveugle imposée au nom de la stabilité monétaire européenne. Tour d’horizon non exhaustif de la mobilisation citoyenne pour une Europe sociale et solidaire.
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