Investissez dans les paradis sociaux (Contrastes spécial campagne, octobre 2017)
INVESTISSEZ DANS LES PARADIS FISCAUX SOCIAUX
C’est le message que les Equipes Populaires et le CIEP lancent à travers leur nouvelle campagne de sensibilisation.
Nous adressons ce message…
A l’opinion publique, pour réaffirmer :
• Que la sécurité sociale est importante, et qu’on ne veut pas laisser la protection sociale des citoyens aux mains des assurances privées
• Que, contrairement à ce qu’on entend régulièrement, elle est finançable si le gouvernement s’en donne la volonté
• Qu’elle est améliorable, à condition de ne plus bafouer les logiques de solidarité et de droits
qui sont ses racines et font encore aujourd’hui sa force.
Au Premier ministre Charles Michel, pour que son gouvernement arrête de détricoter la sécurité
sociale. Et nous appelons tous les citoyens à lui adresser le message ci-dessous.
Pétition en ligne sur www.secuwars.be
Monsieur le Premier ministre,
Je souhaiterais vous faire part d’évènements particulièrement violents intentés contre ma personne (et contre toutes les personnes relevant du régime belge de sécurité sociale) qui ont cours de manière de plus en plus répétée depuis plus d’une vingtaine d’années. La sécurité sociale, pilier de notre système de protection sociale est un outil de solidarité qui m’a permis, jusqu’à aujourd’hui, de traverser différentes étapes de la vie sans me retrouver complètement démunie.
Basée sur la solidarité et l’assurance, la sécurité sociale m’est tout aussi utile et nécessaire qu’à mon voisin.
Et pourtant, de plus en plus de partis politiques mettent tout en place pour la fragiliser, nous fragilisant par la même occasion :
– Manque de volonté dans la lutte contre l’évasion fiscale,
– Diminution toujours plus importante des cotisations patronales,
– Volonté de scission de la sécurité sociale rendant son financement de plus en plus fragile,
– Réforme des pensions qui affaiblit encore la pension légale,
– Exclusion des chômeurs via la réforme sur les allocations de chômage,
– Diminution de remboursement de certains soins de santé,
– Saut d’index des salaires et des allocations,
– Suppression des crédits-temps sans motifs,
– Mise en place d’un stage d’insertion obligatoire pour les jeunes…
Toutes ces mesures rendent ma vie et celle des citoyen-nes de plus en plus fragile, et amènent à des risques d’exclusion de plus en plus importants.
Ces actes d’agression à l’encontre du projet de la sécurité sociale et donc de moi-même sont d’une violence inouïe.
Mais soyez assurés qu’avec ce qu’une grande partie d’associations, collectifs de citoyens, syndicats, mutuelles, mettent en oeuvre pour sensibiliser la population et interpeller le monde politique sur les risques auxquels nous sommes exposés, nous pouvons espérer qu’au-delà de 2019, la situation de crise sera gérée en toute intelligence, remettant au centre un projet basé sur la solidarité, la dignité et la justice sociale.
Je finirai donc cette lettre en vous remerciant d’avance d’accepter de prendre en considération un petit conseil. Au lieu de contribuer, par vos réformes actuelles, à faire de notre pays une jungle individualiste, je ne vous demande qu’une chose : Investissez dans les paradis sociaux !
Bien à vous.
Un-e citoyen-ne engagé-e
La Sécu, c’est quoi ?
En bref…
La sécurité sociale, c’est un système solidaire qui protège tous les citoyens contre certains aléas de l’existence. Elle garantit un revenu de remplacement après la vie active (les pensions), en cas de perte d’emploi (les allocations de chômage), d’accident de travail ou de maladie professionnelle. Elle offre aussi une sécurité via le remboursement des soins de santé et le soutien aux familles via les allocations familiales.
Une assurance pas comme les autres
La sécurité sociale, c’est un peu comme une assurance : on cotise en prévision d’un risque. Le principe est le même, mais la philosophie est à l’opposé. Car ce qui change tout, c’est que la sécurité sociale est solidaire : on ne cotise pas en fonction du risque qu’on représente, mais en fonction de ses revenus.
A-t-elle toujours existé ?
Loin de là ! Telle qu’on la connaît, la sécurité sociale belge a été créée en 1944. On parle du « Pacte social de 1944 ». Il s’agit d’un compromis entre les représentants des salariés et les représentants des patrons : l’État doit faire en sorte que l’économie tourne, mais à condition de protéger les travailleurs contre certains risques. Il existe de nombreux pays dans le monde où la sécurité sociale n’existe pas, ou sous une forme très réduite.
Pour aller plus loin :
« Un bien collectif qui nous change la vie » pages 9 à 12 (PDF)
Son budget en un coup d’oeil ?
La caisse globale de la sécurité sociale (l’ONSS) est alimentée par les cotisations des travailleurs, par celles des employeurs, et par l’État. L’ONSS répartit ensuite le budget entre les 7 caisses correspondant aux 7 branches (voir schéma ci-dessous).
Pour aller plus loin :
« Impayable, la sécurité sociale ? » pages 13 et 14 (PDF)
Qui l’attaque ?
Eux, entre autres :
Bart De Wever (N-VA) : “Il n’y a que dans la sécurité sociale que nous pouvons encore grignoter de l’argent.” (De Tijd, 9 janvier 2016)
Pierre-Yves Jeholet (MR) : “Le chômage n’est pas une rente.” (Le Soir, 28 août 2017)
Vincent Van Quickenborne (Open VLD) : “Afin d’augmenter la différence entre ceux qui travaillent et ceux qui ne le font pas, la pension des chômeurs de longue durée doit encore diminuer.” (De Standaard, 29 septembre 2017)
Avec quels prétextes ?
Ces dernières années, la sécurité sociale est attaquée par les gouvernements successifs à des degrés divers.
Les gouvernements sociaux-démocrates, de centre-gauche ou de centre-droit, ont porté quelques coups à la sécurité sociale essentiellement en avançant le prétexte du « trou de la sécu ». Son budget serait en déséquilibre, la part de l’État ne cessant d’augmenter dans son financement. Des mesures d’économie donc. C’est le prétexte de l’austérité.
Par ailleurs, la plupart des gouvernements européens affirment qu’il est nécessaire de diminuer le « coût du travail », c’est-à-dire les cotisations patronales qu’ils appellent péjorativement les « charges sociales ». Leur prétexte ? La compétitivité des entreprises. Conséquence de ces réductions de cotisations : le budget de la sécurité sociale est déforcé.
Plus fondamentalement, la philosophie de la sécurité sociale a été modifiée à partir de la fin des années 90 avec ce qu’on a appelé la voie de « L’État Social Actif ». Normalement, cet État Social Actif devait prendre un rôle accru dans le fonctionnement global du « Pacte Social ». Dans les faits, c’est surtout devenu une activation des demandeurs d’emploi, sous la forme d’une pression de plus en plus forte : augmentation des contrôles, des restrictions, des exclusions. C’est le prétexte de la responsabilisation.
Depuis 2014 et la constitution du gouvernement MR – Open VLD – N-VA, la sécurité sociale est même ouvertement attaquée dans ses fondements. Ce gouvernement se situe dans une ligne néolibérale pure et dure. Le néolibéralisme est un ensemble de théories économiques qui ont en commun la redéfinition du rôle de l’État comme facilitateur de l’économie de marché, et donc l’affaiblissement des institutions de redistribution comme la sécurité sociale. En pratique ? Les tenants du néolibéralisme cherchent à détricoter petit à petit les branches de la sécurité sociale au profit d’assurances privées. C’est, en quelque sorte, la privatisation de la sécurité sociale.
Pour aller plus loin : « Néolibéralisme et sécurité sociale : Habituer à la douleur » pages 16 à 19 (PDF)
Contre-attaquons !
Peut-on se contenter de refuser les mesures de détricotage de la sécu ? La meilleure défense, c’est l’attaque. Reprenons la main, reconstruisons le jeu à partir des fondamentaux.
Prenons l’initiative du débat de société démocratique.
Moderniser ? S’adapter à la société numérique? S’adapter aux enjeux environnementaux ?
Oui, mais c’est à nous de décider comment. Les valeurs-phares à mettre en avant, ce sont la solidarité, la justice sociale, l’universalité, l’égalité.
1. Défendre la sécu
Éviter que la sécurité sociale soit défaite, cela implique de nous mobiliser pour renforcer ce qui existe actuellement, pour refuser la dénaturation de la sécu en système de contrôle et de pression sur les individus.
• Des pensions publiques décentes
• Une assurance-chômage qui ne soit pas une chasse aux chômeurs
• Une couverture la plus large possible des soins de santé
• Des allocations familiales importantes
• Une protection en cas de maladie professionnelle ou d’accident du travail
Pour aller plus loin : « Un bien collectif qui nous change la vie » pages 9 à 12 (PDF)
2. Améliorer la sécu
Pour que la sécurité sociale puisse remplir ses fonctions dans un cadre budgétaire confortable, sans dévier vers une logique de contrôle et d’exclusions, elle doit être mieux financée. Pour cela, des pistes existent, elles doivent être débattues :
• Une cotisation sociale généralisée (CSG), ou une cotisation sociale sur la valeur ajoutée (CSVA), qui vont dans le sens d’une contribution des revenus financiers et immobiliers à la sécurité sociale, sont-elles souhaitables ?
• Cet apport ne devrait-il pas se faire plutôt sous forme d’une adaptation de la fiscalité pour que celle-ci soit plus juste ?
Pour aller plus loin : « Faire le choix de l’investissement social » page 15 (PDF)
3. Sécutopies
Allons même plus loin ! Faisons entrer dans le débat sur la sécurité sociale des enjeux fondamentaux et des dimensions nouvelles.
• La sécurité sociale n’est-elle pas un bien commun ? Alors, gérons-la en commun !
Comment démocratiser davantage sa gestion ?
• La sécurité sociale doit s’étendre. Dans une économie mondialisée, il n’y a pas de raison de limiter la solidarité à l’intérieur des États. Comment universaliser son fonctionnement ? Et si on commençait par une sécurité sociale européenne ?
• Le rapport au travail évolue. Comment impliquer les nouvelles formes de travail dans une nouvelle sécurité sociale, moins dépendante du salariat ?
• Le modèle économique sur lequel s’est greffé la sécu est destructeur pour le climat et les ressources. La sécu peut-elle radicalement le transformer ?
Pour aller plus loin : « La sécu du futur, impensable mais indispensable » pages 20 à 22 (PDF)
Testez votre personnalité !
Etes-vous avec ou sans sécu ?
1. Pensez-vous que les personnes sans emploi devraient obligatoirement accepter des tâches de bénévolat ?
• Oui, autant qu’ils servent à quelque chose.
• Non, car on créerait une nouvelle catégorie de travailleurs au rabais
• Je ne sais pas mais ça m’intrigue.
NOTRE AVIS : Une des propositions du gouvernement Michel est d’instaurer un « travail gratuit » pour les chômeurs. En contrepartie, ils seraient « récompensés » par un allègement de la dégressivité de leurs allocations. N’est-on pas ainsi en train de créer du travail bon marché, du travail gratuit ? Par ailleurs, s’il existe des missions et des tâches importantes à réaliser pour la collectivité, ne devrait-on pas trouver les ressources pour que celles-ci soient correctement financées ?
2. Les allocations familiales sont un droit pour tous les enfants. Certains parlent d’octroyer cette allocation en fonction de la situation économique de la famille.
Etes-vous d’accord ?
• Oui, les enfants de riches n’ont pas besoin d’alloc !
• Non, nos enfants sont notre plus belle richesse (surtout quand ils dorment).
• Je ne sais pas mais je vais me renseigner.
NOTRE AVIS : L’octroi des allocations familiales est un droit lié à l’enfant. Celles-ci permettent notamment de répondre à certaines dépenses importantes (scolarité par exemple). Actuellement, les allocations familiales sont octroyées à tous les enfants et le montant de l’allocation dépend de la place de l’enfant dans la famille. A partir de 2019, on ne tiendra plus compte du rang dans la fratrie. La dangereuse étape suivante est l’octroi d’un montant en fonction des revenus économiques de la famille.
3. Lorsqu’un travailleur est en maladie de longue durée, il est incité, « obligé » de reprendre le travail le plus rapidement.
Pensez-vous que cette mesure soit judicieuse ?
• Oui, car sa maladie est surtout imaginaire !
• Non, c’est déjà suffisamment pénible de se retaper d’une longue maladie.
• Je ne sais pas mais vous allez me le dire.
NOTRE AVIS : Il y a une augmentation importante du nombre de maladies de longue durée et la ministre de la Santé, Maggie De Block, souhaite mettre en place un contrôle (questionnaire, entretiens) qui permettra d’examiner les facteurs qui empêchent la reprise du travail et de repérer les malades « non coopérants ». Le malade de longue durée est ainsi progressivement
perçu comme un « profiteur ».
4. L’âge de la pension sera de 66 ans en 2025, et de 67 ans en 2030. Etes-vous d’accord de travailler plus longtemps ?
• Oui, le travail, c’est ma drogue !
• Non, les jeunes n’ont qu’à me remplacer.
• Je ne sais pas mais je vous dis quoi dans 15 jours.
NOTRE AVIS : L’espérance de vie en « bonne santé » est de 64 ans. Serons-nous en mesure de poursuivre une activité professionnelle jusque 67 ans ? Par ailleurs, en prolongeant les carrières professionnelles, nous empêchons les jeunes d’accéder à l’emploi.
5. Actuellement, la sécurité sociale est principalement financée par les cotisations sociales et patronales. L’état devrait-il intervenir davantage dans le financement ?
• Oui, évidemment ! Sinon à quoi sert-il ?
• Non, l’Etat a déjà trop de dépenses. On ne va pas en rajouter une couche.
• Je ne sais pas mais j’aimerais savoir…
NOTRE AVIS : La part de la sécurité sociale qui est financée par l’Etat est dépendante du budget global de l’Etat ? Cette dotation varie donc d’une année à l’autre, ce qui fragilise le fonctionnement de la sécurité sociale.
Actuellement, la dotation d’équilibre est soumise à différentes conditions contraignantes. Si ces conditions ne sont pas remplies, le gouvernement peut décider de diminuer le montant qui sera attribué à la sécurité sociale. Or la dotation d’équilibre est pourtant essentielle en cette période de crise.
6. Les soins de santé représentent 40% du budget total de la sécurité sociale. Certains pensent que le remboursement des soins devrait être octroyé en fonction du comportement ou de l’attitude de l’individu vis-à-vis de sa propre santé (ex : si vous n’arrêtez pas de fumer, La sécurité sociale ne couvrira pas le coût des soins de santé liés à une maladie provoquée directement ou indirectement par votre tabagisme). Etes-vous d’accord ?
• Oui, qui sème le vent…
• Non, ce n’est pas parce que je fume que je devrais avoir moins de droits.
• Je ne sais pas mais j’aimerais bien savoir.
NOTRE AVIS : Aux Etats-Unis, les compagnies privées d’assurances des soins de santé essaient de contrôler différentes dimensions de la vie de leurs
assurés. Elles tentent d’obtenir des informations à propos de leurs assuré e-s, des informations qui limiteront leurs interventions ou qui permettront d’exclure les personnes.
7. Auparavant, l’accès aux allocations de chômage était un droit pour tous. Actuellement ce droit est conditionné : on parle d’activation de la personne sans emploi (ex : prouver un certain nombre de recherches d’emploi). Les sanctions et exclusions se multiplient. Trouvez-vous ce glissement normal ?
• Oui, pas de bras, pas de chocolat.
• Non, c’est tellement tendu de trouver un job.
• Je ne sais pas et merci d’éclairer ma lanterne.
NOTRE AVIS : L’accès aux allocations de chômage est un droit pour tous. Ce droit est actuellement remis en question, il est attaqué et transformé : l’allocation de remplacement doit aujourd’hui se mériter à travers des comportements adéquats. Cette situation est d’autant plus injuste que le nombre d’emplois disponibles sur le marché du travail est incapable de répondre à la demande des travailleurs et travailleuses. Ce glissement porte gravement atteinte aux fondements même de la sécurité sociale, que sont la solidarité et la couverture des risques de la vie.
8. Les informations qui circulent au sujet de la sécurité sociale ne sont pas toujours très positives (Ex : « elle coûte trop cher » ; « il y a des profiteurs », etc.). Pensez- vous que ces messages sont vrais ?
• Oui, si Jean-Pierre Pernaut le dit à la TV, c’est sûrement vrai !
• Non, on nous manipule vous dis-je !
• Je ne sais pas qui croire !
NOTRE AVIS : Quelles que soient leurs origines (Etat, médias, hommes/femmes politiques, etc.), les messages qui circulent abondamment aujourd’hui valorisent fort souvent les solutions privées (assurance privée, fonds de pension) et ils « oublient » d’expliquer qui sont les gagnants (compagnies privées) et qui sont les perdants (les faibles revenus, les jeunes, les personnes âgées, etc.) de ces solutions. Pour exercer son esprit critique, il est nécessaire d’avoir des informations fiables et diversifiées.
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