Pandémie : Comment payer la dette ? (Contrastes juillet-août 2021)
LES IDÉES NE MANQUENT PAS ;
LES CONTRADICTIONS NON PLUS…
(La revue est téléchargeable en bas de page.)
Ce n’est plus un secret pour personne ; après la tuile nommée Covid qui nous est tombée sur la tête, après s’être surpris à rêver d’un monde différent, voire meilleur, la question qui focalise actuellement les cénacles politiques et les débats publics est à présent beaucoup plus terre à terre : Comment payer la facture du monde à reconstruire ? Les gouvernements occidentaux et l’Union européenne ont dénoué les cordons de la bourse pour éviter que les économies ne s’effondrent complètement, ce qui aurait provoqué des dégâts encore bien plus importants. Les dettes publiques ont fait exploser les carcans budgétaires fixés notamment par l’UE, dans lesquels les Etats étaient engoncés.
Les économistes et politiques de tous bords ainsi que les organisations de la société civile planchent sur des pistes de sortie de crise. Faut-il faire tourner la planche à billets, laisser filer l’inflation, revenir à l’austérité budgétaire, comme le suggèrent généralement les économistes « classiques » ? Ou plutôt annuler les dettes publiques, taxer les robots, les multinationales et les hauts patrimoines, revoir en profondeur le système fiscal, comme le suggèrent la plupart des personnes rencontrées dans le cadre de ce dossier ? Les positions des uns et des autres sont loin d’être tranchées, et c’est ce qui fait la complexité du débat.
Dans un premier article, nous avons choisi de relayer l’opinion des économistes « classiques », ceux qu’on entend le plus souvent dans la presse, même si la pandémie a quelque peu fait vaciller leur « pensée unique » et leurs dogmes concernant les vertus irréfutables de l’économie de marché. A côté d’eux -ou même parmi eux-, d’autres voix se font entendre pour que l’on rebatte les cartes du système économique et financier. Dans ce dossier, nous avons choisi de présenter ou donner la parole à quelques-unes de ces voix jusqu’il y a peu discordantes, mais qui commencent à être davantage écoutées dans les cénacles économiques et politiques.
Parmi ces voix, celle des Economistes atterrés, qui plaident pour que la dette publique ne soit pas considérée comme un problème mais comme un pari sur l’avenir pour financer des politiques publiques utiles aux générations futures. Ou encore celle de Marie-Hélène Ska, qui estime également qu’il faut poursuivre des investissements publics pour assurer un bon financement de la sécurité sociale et de la transition écologique. Philippe Lamberts plaide quant à lui pour que les règles budgétaires belges et européennes soient adaptées au contexte de crise que nous connaissons. Pour que les Etats puissent retrouver des marges de manoeuvre financières, il estime qu’il faut simultanément agir sur deux volets de mesures fiscales ; la contribution des patrimoines privés et celle des grandes entreprises. Mais il met en garde : le climat est propice, mais les obsédés de la rigueur budgétaire n’ont pas disparu ; ils sont juste en embuscade…
Pour Paul Jorion, auteur de nombreux ouvrages sur l’économie et la finance et interviewé dans notre numéro, « la seule véritable solution serait de confisquer une partie de la richesse là où elle est pour renflouer le stock et relancer la machine de l’Etat ». Il relance notamment l’idée d’une taxe sur la robotisation et la digitalisation, dont la richesse créée part dans la poche des actionnaires sous forme de dividendes. Enfin, la justice fiscale est un levier incontournable pour trouver des recettes supplémentaires pour financer les investissements et enrayer les inégalités renforcées par la pandémie. Des mesures sont possibles et envisagées aux niveaux belge, européen et mondial ; le Réseau pour la Justice fiscale et le CNCD y travaillent activement.
Le hic, c’est que la grande majorité des pistes pour payer la facture Covid -qu’elles proviennent de gauche, du centre ou de droite- reposent sur une reprise de la croissance. Or, il devient de plus en plus évident que croissance et écologie ne font pas bon ménage. Faut-il purement et simplement mettre fin à la croissance, ou plutôt mettre fin à la croissance sans fin de l’activité économique ? C’est en ces termes que Philippe Lamberts propose de poser la question. Un curseur bien difficile à placer, qui va encore beaucoup animer les débats à tous niveaux de la société dans les prochains mois et années. Mais il y a urgence.
Monique Van Dieren
SOMMAIRE
Planche à billets, austérité, dette publique, etc.
Quel est le bruit de fond du débat économique ? p.3
INTERVIEW: Des pistes pour la reprise d’une croissance soutenable p.6
DETTE PUBLIQUE : La dette, un danger pour nos économies ? p.10
ENTRETIEN Paul Jorion: « Il est temps de demander aux riches d’être sérieux ! » p.14
La justice fiscale, plus nécessaire que jamais p.18
Prix au n° : 4€ + frais d’envoi
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