Statut de cohabitant : Inégal et obsolète (Contrastes, août 2019)
Il est grand temps de se mettre à table !
L’individualisation des droits sociaux est au coeur des revendications du milieu associatif et syndical depuis plus de 30 ans. Portée initialement par les mouvements féministes qui luttent contre le modèle familialiste discriminant à l’égard des femmes, cette revendication s’est amplifiée dès les années 80 avec l’instauration du statut de cohabitant en matière de chômage.
Les Equipes Populaires ont consacré un colloque en octobre 2018 à la composition de ménage et à ses implications en termes d’accès aux droits, ainsi qu’à son impact en matière de logement. Les articles qui suivent restituent les principaux enjeux de cette question. Car si le manque de volonté politique est pour beaucoup dans l’immobilisme par rapport à l’abolition du statut de cohabitant, force est de constater qu’au delà des principes généraux, la question est complexe et il est bien difficile de se mettre d’accord sur la manière la plus juste possible d’entamer le détricotage de ce statut qui gangrène tous les mécanismes de sécurité sociale et d’aide sociale.
Le principal noeud concerne le champ d’application du statut de cohabitant. Ce dernier concerne aujourd’hui tous les types d’allocations sociales : chômage, indemnité maladie, revenu d’intégration sociale (RIS)… Si tous les acteurs associatifs revendiquent la suppression du statut de cohabitant dans le système assurantiel (la sécurité sociale), peu d’associations vont jusqu’à la revendiquer dans le système de l’aide sociale octroyée par les CPAS. Les raisons de ce positionnement peuvent être stratégiques, pragmatiques ou politiques (voir article page 17). Pour Philippe Defeyt, une individualisation généralisée à tous les domaines doit nécessairement s’accompagner de l’instauration d’un revenu de base pour tous (voir article page 14). Il faudrait en tout cas éviter que la logique d’individualisation des droits soit contaminée par la logique néolibérale d’individualisme dans laquelle la solidarité, ciment de la sécurité sociale, serait totalement oubliée. Et que l’obsession de l’austérité n’amène un nivellement du montant des allocations vers le bas.
Un tout petit pas a été fait en faveur des personnes qui partagent le même logement sans constituer pour autant un ménage ; elles peuvent dans certains cas ne plus être considérées comme cohabitantes (voir article page 8). D’autres outils existent également dans la réglementation communale pour ne pas pénaliser des personnes qui vivent sous le même toit, mais ils sont sous-utilisés (voir article page 6). Une transition progressive et réfléchie vers l’individualisation des droits s’impose de plus en plus face à la précarisation croissante de personnes contraintes de vivre d’allocations sociales. Comme le souligne Christine Mahy dans son interview en page 11, « le statut de cohabitant appauvrit les gens, brise les solidarités intrafamiliales et amicales et amène les personnes à développer des pratiques de survie la boule au ventre à cause de la délation organisée par l’Etat. » Elle termine son interview par un appel urgent à mettre autour de la table des experts et des témoins du vécu pour jeter une fois pour toutes un sort au statut de cohabitant. Nous y adhérons, bien évidemment…
Sommaire
p3 – Composition de ménage.
Un modèle inadapté
La composition de ménage est un document incontournable pour ouvrir des droits.
Mais l’exigence de ce certificat pose question tant il apparaît de plus en plus mal adapté aux modes de vie des individus et des familles d’aujourd’hui et notamment dans les manières d’habiter. Au risque de renforcer des formes de discrimination et de précarisation.
p6 – Législation.
Ne pas confondre domiciliation et cohabitation
La revendication de suppression du statut cohabitant est une priorité pour la plupart des associations progressistes depuis de nombreuses années. Elle n’est cependant pas simple à mettre en application si l’on veut éviter un nivellement par le bas du montant des allocations sociales et une suppression des droits existants pour certaines catégories de personnes.
Cependant, dans cette attente, une simple application correcte de la réglementation et de la jurisprudence sauverait déjà beaucoup de personnes et de ménages d’une précarité accrue…
p8 – Bail de colocation.
Une timide avancée en faveur des locataires
Dans le contexte du transfert des règles relatives au bail vers les Régions, il a notamment été débattu de la création d’un régime de bail spécifique pour la colocation. Il s’agissait de lui donner une assise juridique de sorte qu’elle aiderait les colocataires dans la défense de leurs droits.
p11 – Interview.
Un système indigne d’un état de droit
Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, est bien placée pour savoir à quel point le statut de cohabitant est un dispositif absurde qui provoque un gâchis humain, une violence sociale et des injustices profondes. Depuis le temps que l’on en parle, le RWLP s’impatiente de voir ce dispositif mis à la poubelle une fois pour toutes…
p 14 – Individualisation
« Changer d’approche et l’étendre vraiment à tous »
Philippe Defeyt a la conviction qu’une véritable individualisation des droits pour toutes et tous est possible. Pour y parvenir, il propose une feuille de route impliquant un changement de discours, une clarification de l’étendue du modèle (pour tous !) et le courage de revoir les modes de calcul.
p17 – Perspectives.
Suppression du statut de cohabitant : Alors on bouge ?!
La suppression du statut de cohabitant s’inscrit dans un objectif plus vaste, celui de l’individualisation des droits. Cette revendication est portée de longue date par les associations féministes qui luttent contre le modèle familialiste en matière de droits sociaux. Elles ont été progressivement rejointes par le monde associatif et syndical. Sur le principe donc, tout le monde est d’accord, y compris les partis politiques francophones de gauche et même du centre. De là à s’accorder sur les modalités de sa mise en application, le chemin est encore long…
Prix au n° : 2€ + frais d’envoi
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