VERS UN MONDE SANS DROITS HUMAINS ? (Contrastes Janvier 2024)
La revue est téléchargeable gratuitement en bas de page.
« La notion d’obligation prime celle de droit », écrivait la philosophe inclassable Simone Weil en pleine Seconde Guerre mondiale. Elle voulait dire par là que les droits ne sont pas efficaces par eux-mêmes, mais seulement par les obligations auxquelles ils correspondent. Un homme n’a des droits que lorsqu’on le considère « du point de vue des autres, qui se reconnaissent des obligations envers lui ».
Cela nous invite à un degré supérieur d’engagement. En matière de droits humains, peut-être avons-nous tendance à considérer qu’il s’agit d’un repère tellement important qu’il suffirait de l’invoquer pour obtenir gain de cause. « C’est un droit ! » clamons-nous souvent, pensant faire électrochoc. « C’est contraire aux droits de l’homme ! » nous indignons-nous pour contester certaines décisions politiques. Mais rien ne change. On en appelle au droit comme on crie dans le désert. Sans doute oublions-nous que le droit ne tombe pas du ciel.
Les droits humains universels ont été conquis pas à pas grâce à l’engagement de femmes et d’hommes, au gré d’une histoire truffée d’inhumanité. Les textes de référence proposent des grandes balises mais ne sont pas un manuel clé sur porte : ils permettent les nuances et la critique. Ils sont salutaires pour dénoncer les abominations ou les dévoiements de tous les types de pouvoirs : ceux qui s’opposent aux droits humains comme ceux qui disent les défendre – et qui, trop souvent, les trahissent. Boussole par excellence, les droits humains tranchent le monde militant en deux : il y a ceux qui les placent au-dessus de toute autre considération, sans condition, et les autres, ceux qui ne les défendent que quand cela arrange leur idéologie.
Ce numéro de Contrastes est sombre. La tendance est à la régression des droits humains. Leur importance symbolique recule, leur respect dans les faits aussi. La hiérarchie des normes, qui suppose une primauté du droit international sur le droit des États, est en train de vaciller. « Droit de-l’hommiste » est devenu une insulte au café du commerce des réseaux sociaux.
Sommes-nous à la fin d’un modèle ? Quand on voit ce qui se profile comme alternative mondiale – totalitarisme chinois, trumpisme américain, lâcheté et hypocrisie européenne, impérialisme russe… – et malgré toutes les difficultés rencontrées, nous ne pouvons qu’en appeler à un regain de défense de cet impératif universel. Les droits humains, pour reprendre les mots de Simone Weil, sont notre obligation : « Il y a obligation envers tout être humain, du seul fait qu’il est un être humain, sans qu’aucune autre condition ait à intervenir, et quand même lui n’en reconnaîtrait aucune. »
SOMMAIRE
LES DROITS HUMAINS…
p3. Des siècles de grands et petits « pas »
p6. Une actualité brûlante et inhumaine
p10. Interview : Pierre-Arnaud Perrouty (LDH)
p14. Tous les êtres-humains naissent libres de plaire au régime chinois
p16. « Faites c’que j’dis, pas c’que j’fais »
p19. Sont-ils vraiment universels ?
Prix au n° : 5€ + les frais d’envoi
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